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Dans 5 féminicides c’est Noël

Rennes
Féminismes - Genres - Sexualités

21/12/2020

Madame la maire,

Le 21 novembre, Nous Toutes 35 a organisé comme l’année précédente, à Rennes, un rassemblement dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Notre collectif a décidé d’organiser ce rassemblement malgré la crise sanitaire puisque justement cette crise sanitaire et sociale exacerbe les violences sexistes et sexuelles. Rappelons toutefois que le Conseil d’État avait dès le 13 juin rétabli le droit de manifester dans le respect des gestes barrières ; un point sur lequel nous avons porté une attention toute particulière.

Le confinement mis en place impacte particulièrement nos foyers, notre vie familiale et notre vie sociale et participe à l’isolement d’un grand nombre de personnes. Dans ce contexte, nous nous retrouvons prisonniers-prisonnières de nos foyers, sans suffisamment d’alternatives de solidarité sociale. Les violences sexistes et sexuelles sont déjà habituellement marquées par le tabou ; les campagnes de communication sur les violences conjugales appelant ainsi régulièrement à "briser le silence". Pendant que nous sommes reclu.ses, les violences sexistes et sexuelles sont perpétrées, plus que jamais et en toute impunité.

Partout dans le monde, depuis le début de l’épidémie de Covid-19, le nombre de signalements de violences sexistes et sexuelles a augmenté, et la France ne fait pas exception. En effet, pendant le premier confinement, les signalements en ligne ont augmenté de 15%, et 71% de ces signalements rapportaient des violences au sein du couple. Le 3919, numéro d’urgence gratuit pour les personnes victimes de violences conjugales, a reçu près de 45 000 appels. Tandis que le numéro d’alerte pour les enfants maltraités a enregistré un bond de 80% des appels lors du premier confinement.

Nous ne cesserons jamais de le répéter, l’une des stratégies des agresseurs consiste à isoler au maximum leur compagne ou ex, de leurs familles, de leurs ami.es, de leurs relations professionnelles. En clair, de les isoler de tout contact avec l’extérieur afin d’exercer une emprise totale. Le confinement facilite cette stratégie, qui permet aux agresseurs de perpétrer ces violences. Il est impératif que le gouvernement et les collectivités attribuent enfin les moyens nécessaires à la mise en place de solutions d’hébergement alternatif en nombre suffisant, des structures de proximité et des personnels d’accompagnement formés à l’ampleur du problème. Ces mesures doivent permettre de répondre, au plus vite, à la demande d’aide grandissante.

Si l’actualité nous amène à mettre aujourd’hui un accent particulier sur le confinement, nous n’oublions pas que les violences patriarcales sont partout, au sein de nos foyers, mais aussi sur nos lieux de travail, dans la rue ou dans les institutions publiques. Nous n’oublions pas que les violences sexuelles et sexistes sont systémiques et qu’elles s’ancrent dans une société patriarcale basée sur des rapports de dominations multiples.

Ainsi, nous souhaitons aussi rappeler que les personnes exilées, les femmes musulmanes, les travailleurs-travailleuses du sexe, les personnes LGBTQIA+ et/ou les personnes en situation de handicap sont encore plus vulnérables faces aux violences patriarcales car elles doivent en plus faire face à d’autres oppressions systémiques, et nous demandons que les moyens mis en place prennent en compte leurs besoins spécifiques.

Nous vous avions adressé en mai 2020 un communiqué pour exiger la mise en place de moyens à court et à long terme pour faire face à ces violences et permettre de les réduire. Vous nous aviez répondu publiquement, nous attentions donc des actions concrètes de votre part.

Or, pour la journée du 25 novembre contre les violences sexistes et sexuelles, et en plein confinement, votre seule action a été la publication d’une campagne d’affichage renvoyant les personnes victimes de violence vers le 3919. Nous Toutes 35 estime cela insuffisant et hypocrite d’une collectivité affichant son soutien à l’égalité femme-homme et ayant déclaré le 8 mars, vouloir faire de Rennes "la ville des droits des femmes.". Sans actions concrètes, sans moyens, la tentation est grande de croire que ce soutien n’est effectivement qu’un affichage de façade.

Le 3919 est un numéro national, certes géré par des associations formées à la question des violences conjugales mais surchargé. De plus il ne dispose que de moyens d’actions indirectes car il a pour but de rediriger les personnes vers d’autres structures, elles même surchargées. Une de nos militantes a ainsi, après avoir appelé le 3919, reçu comme conseil de changer de département pour se mettre à l’abri. Il est inacceptable que ce soit aux personnes violentées de fuir et d’abandonner leurs soutiens, leurs relations sociales et leur travail.

De plus, ce numéro est aujourd’hui en danger puisqu’il fait l’objet d’un marché public et pourrait donc devenir la propriété d’une entité privée. Cette société aura donc pour but d’être rentable et de faire des profits sur le dos de personnes nécessitant de l’aide, et qui parfois sont dans une situation de vie ou de mort.

Nous nous voyons donc dans l’obligation de réitérer notre demande :
• Nous vous demandons de prendre publiquement la défense du 3919,
• Nous exigeons de votre part un vrai plan d’action et de cesser de se cacher derrière les moyens nationaux insatisfaisants,
• Nous exigeons la mise en place d’action locales et des actions d’aide directe.

Le programme d’Europe Ecologie Les Verts proposait par exemple la création d’une Maison des Femmes qui aurait pour but d’accueillir les personnes victimes de violences intra-familiales et leurs enfants. Cet endroit serait un lieu ouvert 7j/7, 24h/24, sécurisé, sûr, rassurant, chauffé, où pouvoir dormir, se reposer, s’occuper de soi et de ses enfants, recevoir des conseils et du soutien ou plus simplement, se reconstruire. Plusieurs professions y seraient présentes : médecin, psy, avocat.es, dans le but de conseiller et d’aider ces personnes à avancer vers une situation plus pérenne.
Depuis la campagne électorale, ce projet ne semble pas avoir avancé.

Nous réclamons :
• Une communication claire autour du projet,
• La transparence sur l’avancée du projet : pour cela, la publication du calendrier du projet, son budget, sa localisation et le plan d’occupation de l’espace est indispensable,
• La garantie qu’il sera co-construit avec des acteurs et actrices du terrain

Vous indiquez sur votre site internet, qu’en 2020, le thème choisi pour le 8 mars est : "Ensemble apprenons, pratiquons, transmettons l’égalité". Pouvons-nous alors espérer qu’effectivement la mairie formera ses employé.e.s à l’égalité et que cette formation comprendra un accompagnement digne et efficace des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles ? Nous pensons notamment aux fonctionnaires de polices, au personnel éducatif et au personnel soignant. Pouvons-nous même plus largement espérer des actions de formation envers toutes les entreprises et services présents sur le territoire que vous administrez ?

Madame la maire, soyez certaine que nous continuerons de lutter pour nos droits aussi longtemps qu’il le faudra. Les mobilisations massives à Rennes nous montrent que le mouvement féministe prend de l’ampleur, faisant écho au reste du monde. Nous pensons par exemple au mouvement féministe chilien imposant un rapport de force sur le gouvernement sans relâche, aux féministes au Mexique s’attaquant directement aux institutions, aux féministes polonaises qui défendent le droit à l’IVG en masse, aux féministes kurdes qui luttent contre le régime fasciste d’Erdogan. Nous sommes ici en résonance avec toutes ces luttes qui nous guident, la société évolue, la ville de Rennes suivra-t-elle le mouvement ?

Nous espérons que vous prendrez en compte nos interpellations, ainsi que celles de toutes les personnes victimes de violences patriarcales, et que vous agissiez afin que Rennes devienne réellement « la ville des droits des femmes ».

Comme le disait la poétesse et militante noire et lesbienne Audre Lorde : « le silence ne nous protègera pas », notre responsabilité est de le « transformer en paroles et en actes ».
Nous attendons évidemment une réponse de votre part,

Le collectif Nous Toutes 35.

Co-signataires : GL14 10, Kune, DAL droit au logement 35, Un toit c’est un droit, Utopia 56 Rennes, France Insoumise Rennes Métropole, NPA Rennes, EELV Rennes, Osez le féminisme 35, Commune Vision, Rennes Stop harcèlement de rue, L’Union Locale des Syndicats CNT de Rennes, UCL Rennes, LDH Rennes

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