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Lettre à un député à propos des status d’emplois précaires

Rennes
Syndicalismes - Travail

Monsieur le député,

Je vous écris pour attirer votre attention sur les actuelles conditions de vie des personnes embauchées en tant que saisonniers, contractuels, CDD, intérimaires, mais aussi les indépendants. Ces mêmes personnes qui couvrent les surplus d’activités, les remplacements de dernière minute, les saisons touristiques.
Aujourd’hui ces statuts d’emploi les plongent d’office dans la précarité.

J’ai organisé ce courrier en trois parties, la première concernant la difficulté d’accès aux soins, la deuxième abordant la question de comment se loger, et la troisième questionnant la réforme de l’ARE. Pour chacune de ces thématiques, je vais détailler les problématiques rencontrées, j’y ajouterai des exemples concrets, puis je proposerai des solutions à envisager.

Difficultés d’accès aux soins rencontrés
par ces travailleurs de courtes durées

Ces employés sont amenés à régulièrement se déplacer pour se rapprocher de leurs lieux d’activités. Quand on sait que la durée moyenne d’un contrat saisonnier est de 67 jours en France 1 , 46 jours pour un CDD, 1,7 semaines pour l’intérim, on peut imaginer le nombre de déménagements qu’ils ont à effectuer en une année.
Dans ces conditions de mouvement permanent, il leur est difficile de pouvoir trouver un spécialiste dans une région où ils ne sont parfois encore jamais allés.

Je vais prendre dans ce courrier l’exemple des dentistes (mais ces exemples sont applicables à nombres de spécialistes). Lors d’une première prise de contact on leur demandera s’ils sont déjà venus consulter au cabinet. Si tel n’est pas le cas, on les refusera, ou, pour s’offrir une image plus sympathique, on leur proposera une date éloigné de 6 mois. Il faut parfois qu’ils aient passé une centaine d’appels avant que l’on leur propose un lointain rendez-vous, qu’ils devront annuler faute d’être encore présent dans cette contrée.
Prenez n’importe quel spécialiste, les durées d’attente oscillent facilement d’un mois à un an, encore faut-il qu’ils acceptent de nouveaux patients.
Pour ces travailleurs, réussir à planifier, ce n’est pas possible d’y penser, car ils savent rarement ou dans un an ils seront employés. À ce jour il leur faut plus souvent traverser la France que traverser la rue pour trouver à être embauché.

Une autre difficulté pour ces patients est bien souvent l’absence de cohérence médicale sur le long court. Ils font face à l’absence de communication entre les soignants, et semblent voués à effectuer éternellement des premiers rendez-vous de prises de renseignements sans, jamais, faute de temps, pouvoir passer à l’étape des soins. Alors que le dossier médical dématérialisé vient aujourd’hui s’imposer il semblerait que les soignants ne se soient pas encore emparés de ses fonctionnalités.
Je vais reprendre l’exemple des dentistes, ou lors du premier rendez-vous l’on demande au patient de remplir une feuille de renseignements puis, bien souvent, après une radio celui-ci se termine. Les soins sont rarement commencés. Le praticien facture ces 10 minutes à la sécurité sociale et invite le patient à prendre un nouveau rendez-vous.
C’est seulement lors du deuxième rendez-vous que les soins seront commencés enfin, si le patient n’a pas déjà déménagé pour suivre son activité.

Alors faute de possibilité de se soigner, de pouvoir continuer les soins parfois entamés, c’est toute une part de population qui voit sa santé se détériorer. Elle n’a parfois d’autres choix que de rester au chômage pour pouvoir s’en occuper..Il arrive même qu’elle soit obligée de profiter de cette période pour effectuer un voyage dans l’est de l’Europe afin de trouver un professionnel qui acceptera de la soigner.
Et parfois, au bout de ce chemin de douleur, c’est un arrêt-maladie qu’avec des soins elle aurait pu éviter, si aux premiers symptômes elle avait pu se soigner.
Je vous cite là les résultats de cette équation les plus convenables à énumérer.
Car, faute de pouvoir consulter, c’est parfois vers l’automédication que cette opulation se tournera, leurs douleurs faisant gonfler les poches des marchés médicamenteux gris et noirs, qui eux ne les ignorent pas et en font leurs choux gras. Mais je ne m’en tiendrai pas là, car certains parfois se voient obligés d’être leur propre chirurgien, avec pour anesthésiant une bouteille de rhum dans une main.

Alors, pour que ces derniers cas de santé ne deviennent pas une généralité, pour éviter les complications qui engendrent des surcoûts dans notre système de santé, pour éviter que les arrêts-maladies viennent à s’accumuler, pour éviter de devoir subir le chômage ou RSA pour pouvoir convenablement se soigner, peut-être qu’une réflexion sur l’accès aux soins concernant les contrats de courte durée mériterait d’être menée.

Peut-être serait-il possible de créer un référencement, une liste des soignants en mesure de les accepter afin qu’ils passent plus de temps à se soigner plutôt qu’à chercher comment pouvoir l’effectuer.
Peut-être serait-il possible d’obliger chaque soignant à intégrer dans ses patients une part de travailleurs en mouvement.
Peut-être serait-il possible de donner plus de vie au dossier médical dématérialisé, ou à un tout autre système afin que des éternels premiers rendez-vous soient évités, et qu’ainsi naisse une cohérence médicale sur le long terme.

Conditions de logement

En effet ce sont des champions du mouvement, des Bac +5 en déménagement. Enfin,... bouger ils savent le faire, mais encore faut-il qu’ils trouvent un lieu pour poser leurs affaires.

Le premier souci qui vient à se poser, c’est l’absence de contrat de location adapté à leur mobilité. Il existe certes le « Bail Mobilité », mais trouver à louer un logement sous ce contrat est une mission qui relève de l’impossible.

Je vais aborder en premier lieu la question du préavis.
Vous devez le remettre un mois avant votre départ si vous logez dans un habitat meublé ou si vous possédez un document attestant de la fin de votre activité salariée. Vous devez le remettre 3 mois auparavant si vous ne rentrez pas dans ces cases-là.

Mais combien de temps dure en moyenne un contrat déjà ? Pour rappel la durée moyenne d’un contrat saisonnier est de 67 jours en France, 46 jours pour un CDD, 1,7 semaines pour l’intérim. Pour un préavis de trois mois il aurait donc fallu que vous ayez envoyé, avant d’emménager, parfois même avant d’avoir trouvé votre logement, le préavis annonçant que vous souhaitez le quitter.
Un préavis d’un mois est plus facile à anticiper, mais bien souvent la durée d’emploi de ces travailleurs est fluctuante, elle se voit écourtée ou prolongée en fonction de la densité d’activité.
Si le contrat est écourté il est probable que le salarié doive quitter son logement plus rapidement que ce qu’il avait planifié. Et au contraire, si celui-ci est prolongé alors qu’il a déjà déposé son préavis, où va-t-il loger. Et comment peuvent ils gérer la période d’entre deux contrats dont ils ne connaissent généralement pas la durée ?
Ces mêmes problématiques sont rencontrées au sujet de l’assurance logement.

Le deuxième souci qui vient à se poser est la demande d’un CDI ou d’un garant pour pouvoir louer un logement.
En effet une fois une location plaisante et abordable trouvée vient l’heure du rendez-vous avec les propriétaires ou l’agence immobilière.
Et là, pour s’assurer qu’ils pourront sans problème payer leur loyer, bien souvent on leur demande de justifier d’un contrat de longue durée. Comme ils en sont dans l’incapacité si leur dossier n’est pas déjà rejeté on leur demande si un garant peut les « assurer ». Or ils n’ont pas forcément une personne qui a pour eux les moyens d’être garant, et ce n’est pas toujours évident, c’est même pour eux assez dégradant de toujours devoir demander à ceux qui les entourent s’ils peuvent les couvrir financièrement.

Le troisième souci qui vient à se poser ce sont les frais d’agence à débourser, comptez entre 250 et 800 € pour un studio ou un T1 en fonction de la zone de recherche. (Loi ALUR).
Si une personne travaille sous les seuls contrats de saisonniers il lui faudra 5,4 contrats pour couvrir une année civile. Bien souvent cette personne déménage le même nombre de fois. Elle devra donc débourser en frais d’agence chaque année entre, 1361€ si ces locations ne sont pas en zone tendues et 4320€ si elles le sont.
Pour une personne en CDD cela pourrait aller de 1975€ à 6320€. Je vous laisse compter pour un intérimaire s’il change de maison à chaque mission.

Un quatrième point me semble important à aborder. En effet à tous ces aléas, viennent se juxtaposer ceux inhérents à ces activités.
Dans l’agriculture, le tourisme, etc., il est régulier que les saisons soient retardées, prolongées, qu’au vu de la conjoncture (covid par exemple) des missions soient annulées, dans la restauration par exemple. Bien souvent les employés ont anticipé leur déménagement et versé des arrhes pour réserver leur logement. Et bien souvent quand dans ces cas ils sont contraints d’annuler leur location, les Ares sont encaissés sans qu’ils puissent esquisser l’espoir de les récupérer.

Dans ce cinquième point je vais aborder un tout autre souci, passons le cadre législatif, une fois un contrat trouvé pour nombre de ces employés se pose la question d’où se loger.Ils écument le bon coin, les agences immobilières, Airbnb,...
Leur Graal est difficile à trouver. En effet, les loueurs qui acceptent les locations de courte durée sont bien souvent ceux qui louent leurs logements à des vacanciers et ils alignent leurs tarifs sur les prix fort de l’hiver ou de l’été.
Ainsi bien souvent le loyer de deux ou trois semaines de location est plus élevé que le salaire d’une saison.
En Airbnb, il est même courant qu’on leur demande de quitter leur logement le temps du week-end pour, le louer à un tarif encore plus élevé à des personnes qui à la dernière minute auraient appelé.

J’ai parlé là des logements fixes, dans ce sixième point je vais vous parler des habitats mobiles. En effet, nombreux sont les employés de courtes durées qui ont adopté cette solution pour se loger.
Actuellement la difficulté pour eux est de trouver une place de stationnement décente où ils pourront stationner le temps de leur mission. Un lieu d’où ils ne se feront pas éjecter, une place de préférence en bordure de pré plutôt qu’une placée sous un échangeur d’autoroute, un accès à l’eau et à l’électricité, à des sanitaires, pas de luxe, juste la nécessité.
Et l’allocation logement ? En courte mission difficile de la toucher, les dossiers à la CAF sont longs à être traités.

En habitat mobile impossible de la toucher, hors face à cette contrainte de la mobilité il pourrait être intéressant qu’elle leur soit appliquée afin de les aider à acheter et entretenir leur véhicule.
Cela pourrait peut-être venir contrer les durcissements concernant les règles d’aménagement des poids lourds et autres véhicules auxquels ils doivent faire face actuellement.
Si pour une partie d’entre eux vivre en habitat mobile est un choix qu’ils peuvent haut et fort clamer, d’autres se sont vu imposer ce choix face au mouvement géographique de leurs activités.
À cette liste peut s’ajouter celle des campings car nombreux sont les travailleurs qui y campent à l’année et y déboursent entre 400€ voir plus de 600€ par mois pour une place sans électricité.

C’est sur cette réflexion que je vais clore le sujet du logement quand, nombreux sont les employés de courtes durées à dormir dans le coffre de leur voiture toute l’année, ou sous tente hiver comme été.

Penser à trouver une solution décente pour les loger, est aujourd’hui une nécessité !
Peut-être serait-il possible d’adapter les allocations logements à la réalité de ces mouvements.
Peut-être serait-il possible de créer des lieux de stationnement viable pour les habitats mobiles ou de les laisser stationner dans les endroits qu’ils ont choisi d’occuper si sur les liberté d’autrui ils ne viennent empiéter.
Peut-être serait-il possible de créer un bail de location adapté à cette mobilité.
Peut-être serait-il possible de réserver une part des logements en location à ces travailleurs avant de loger des vacanciers, tout en différenciant les loyers.

Réforme de l’ARE et précarité

Je souhaite dans cette troisième partie mettre en lumière, les points négatifs de la
réforme de l’ARE, qui plonge ces travailleurs dans une plus grande précarité.- Dans ce premier point, je souhaite aborder le durcissement des conditions d’accès à celle-ci.
Pour ouvrir ses droits, il faut avoir travaillé 6 mois. On sait actuellement que la durée moyenne d’un contrat saisonnier est de 67 jours en France, 46 jours pour un CDD, 1,7 semaines pour l’intérim.
Il faudrait donc effectuer en moyenne 2,7 contrats saisonniers, 3,9 CDD et 15,25 contrats intérimaires avoir de pouvoir prétendre à cette aide.

Dans cette situation quelle est la solution pour les personnes sortant de formation, d’arrêt maladie, pour les nouveaux entrants dans ce monde professionnel ? Il s’écoulera un certain temps avant qu’ils puissent justifier du bon nombre d’heures travaillées pour ouvrir leur droit à l’ARE, et en attendant les moins de 25 n’entreront même pas dans le cadre du RSA.
Or c’est justement dans ces situations de contrats de courte durée que cette allocation trouve son utilité. Elle leur permet entre deux contrats de pouvoir continuer de se loger, de se nourrir, de se soigner,... Et, de chercher une nouvelle mission ce qui faute de moyens serait impossible à effectuer. En effet il faut pour cela un bon forfait téléphonique et internet, une imprimante, de l’encre, des timbres, une voiture et du carburant pour se déplacer afin de rencontrer leurs futurs possibles employeurs,... Toutes ces démarches ont un coût non négligeable.

Dans ce deuxième point, je souhaite aborder le sujet de l’indemnisation journalière qui se dégrade.
Celle-ci ne va plus être calculée sur le salaire journalier des périodes travaillées mais sur le revenu perçu sur une période de 24 mois. Et, au lieu de diviser la somme par le nombre de jours travaillés, elle sera divisée par le nombre de jours couvrant ces 24 mois qu’ils soient ouvrés ou non.

Ces calculs sont construits pour des personnes qui seraient embauchées en majeure partie sous des contrats de longues durées. Ils tendent à ignorer les heures, les jours de recherche d’emploi que les travailleurs de courte durée sont amenés à effectuer. Et autant dire que ceux-ci sont nombreux quand l’on sait que pour couvrir une année il faudrait décrocher en moyenne 5,4 contrats saisonniers pour couvrir une année, 8 pour un CDD, 30 contrats d’Interim, etc.
Dans ces calculs sont aussi omis les congés payés qui bien souvent sont inclus dans leurs payes par fautes de possibilité d’être posés.
Dans ces calculs sont omis les temps partiels imposés.
Dans ces calculs sont omis les jours de déménagement à effectuer pour se rapprocher des lieux ou le contrat est signé, les heures de recherche de logement.
Dans ces calculs sont omis les délais de carence bien souvent imposés entre deux CDD.
Et pour terminer dans ces calculs sont omis les particularités des conditions de travail auquel font fasse nombre de contrats de courtes durées.

En effet, bien souvent embauchés en renfort ils effectuent les surplus d’activités, les coups de bourre de ces milieux d’activités, la cadence de travail est élevé, et les horaires des journées sont bien souvent explosées, il n’est pas rare de voir leurs heures supplémentaires s’accumuler sans qu’elles soient forcément rémunérées. Elles font partie des conditions inhérentes à ces activités.
À ces heures supplémentaires vient s’ajouter le fait que dans de nombreux métiers, il est acté qu’une seule journée hebdomadaire de repos pourra être assumée. Et, bien souvent on demandera à l’employé de les grouper pour les poser en fin de contrat ou de les ouvrer en étant au black rémunéré.

Dans ces calculs sont oubliés que dans ces contrats de courtes durées, l’employée, en plus de travailler, fourni une énergie considérable pour réapprendre chaque fois le métier, pour s’adapter à son lieu de travail et à son activité.Tout cela fait qu’à la fin d’une mission ces employés ont un niveau de fatigue élevée et, qu’ils leur faut un temps de récupération avant de pouvoir se lancer dans une nouvelle activité.

Alors peut-être serait-il intéressant de reconsidérer l’ARE afin qu’elle couvre la part de tous les inconvénients inhérents à ces activités qui actuellement ne sont ni considérées, ni rémunérées.
Et si l’ARE ne pouvait être revisitée alors peut-être que la mise en place d’un revenu de base aurait toute sa légitimité.

Pour conclure, dans un pays où l’on encourage la mobilité, la diversification des activités, il serait légitime de prendre en considération cette part de la population.
En effet, ces travailleurs sont indispensables à notre société, sans eux, plus vacances, car ils représentent la majeure partie des employés du secteur du tourisme, sans eux, plus de remplacements dans le monde médical, sans eux plus de garde d’enfant dans de nombreux ACM (accueil collectif de mineur), sans eux les entreprises n’ont plus le droit au surplus d’activités, sans eux plus de possibilités d’activités saisonnières, sans eux peu de récolte possible dans le monde agricole et de par ce fait, absence des étalages de fruits et légumes dans nombre de commerces et de marchés, sans eux des élèves sans professeur quand les leurs sont en arrêt, sans eux des grandes surfaces qui ne peuvent fonctionner, sans eux... la liste est longue.
Cela montre la place importante qu’ils occupent dans notre société, sans eux, elle ne peut fonctionner.

Alors peut-être que l’on pourrait leur offrir de dignes conditions de vie, une possibilité d’accès aux soins, au logement et une allocation prenant en compte les spécificités des emplois qu’ils viennent occuper. / du travail qu’ils viennent effectuer.

Cordialement

1. Source : Capital, Ministère du Travail, Chiffre 2020 de L’INTERIM
Pour écrire ce courrier j’ai dû me renseigner, éplucher le web, appeler, et en effectuant ces démarches j’ai découvert nombres d’informations que j’avais jusque là ignoré. Peut-être que les regrouper dans un document à l’attention de ces travailleurs serait une bonne idée afin d’éviter à nombre d’entre eux de se faire arnaquer.

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