information par et pour les luttes, Rennes et sa région

Lettre ouverte des Veyettes "from Rennes", au beau monde.

Migrations - Luttes contre les frontières

Le Collectif Action Logement 14\09 quoique très mobilisé, par les mille et unes nécessités, urgences et questions inhérentes aux personnes vivant au lieu dit "les Veyettes", a estimé nécessaire d’interpeller celleux qui sont sensé.e.s être responsables, en charge de ces questions d’hébergement d’urgence, de logement, d’accompagnement social, de soins médicaux, d’accueil des demandeur.euses d’asile, d’enseignement, de la protection des mineur.e.s etc etc et payé.e.s ou indemnisé.e.s pour l’être.
Cette lettre ouverte a été rédigée dans l’espoir que nos revendications soient entendues et relayées par un large public et avec la volonté qu’elle soient satisfaites par les décisionnaires concernés.

Mesdames messieurs et tous et toutes les autres.

Depuis le 14 septembre un bâtiment industriel d’environ un hectare cis au 30 rue des veyettes, a été réquisitionné et transformé en centre d’hébergement d’urgence autogéré, par un collectif soucieux d’éviter à Rennes la honte d’un bidonville et aux personnes concernées l’indignité d’une vie à la merci des intempéries, sans sanitaires, sans électricité dans un parc municipal.

Il abrite à présent, 15 octobre 2019 environ 300 personnes d’une trentaine de nationalités. Dès le 16 septembre nous prenions la parole au Conseil Municipal de Rennes pour solliciter le soutien de la municipalité.
La municipalité, par la voix de M.Bourcier, adjoint à la solidarité, nous répondit en contradiction avec le commissaire divisionnaire Hervé Luxembourgeais, filmé par nos soins lors des premières constatations d’usage, que nous avions pénétré par effraction dans les locaux et que nous n’avions donc qu’à nous débrouiller avec le propriétaire de ce lieu privé.
Mais, contrairement à la mairie de Rennes, prompte à porter plainte ces dernières semaines, le propriétaire des lieux, parait peu pressé d’ entamer une procédure à la veille de l’hiver pour mettre à la rue, les exilé.e.s et les autres résident.e.s du lieu.
Curieuse inversion polaire, où policier.e.s, huissière et propriétaire ne sont pas si hostiles, alors que la maire, l’élu à la solidarité et quelques autres se sont opposé.e.s à cette réquisition aussi nécessaire que simple à réaliser.

Les médias locaux publics et privés, presse écrite, radio et télévisions, couvrirent cette réquisition populaire dès les premiers jours. A présent, c’est la presse nationale qui s’empare du sujet. Parmi les responsables élu.e.s ou fonctionnaires concernées,personne ne peut ignorer notre action et cette situation.
Les élu.e.s Insoumis.e.s intervinrent d’ailleurs, dès les premiers jours sur les lieux, ainsi qu’une conseillère municipale écologiste, venue établir le contact. Depuis les soutiens individuels et collectifs se sont multipliés, mais curieusement peu du côté des autres organisations politiques.

Cependant les premiers résultats institutionnels furent que CCAS, Croix Rouge, Hôpitaux, Centre Sociaux, 115 (préfecture) etc se mirent à orienter leurs publics divers (mais réunis par des difficultés sociales et sanitaires multiples), vers les Veyettes. A défaut de trouver grâce aux yeux embués de la solidarité municipale, les Veyettes correspondaient à une nécessité : demandeur.deuse.s d’asiles SDF français.e.s, réfugié.e.s, débouté.e.s, dubliné.e.s, dialysé.e.s, etc. Toutes ces personnes reléguées, que les autorités voudraient "passifiées", se retrouvent aux Veyettes.

Mais aux Veyettes la lutte pour transformer un bâtiment industriel en un lieu habitable se structure contre toute attente, contre le cour de la politique nationale et internationale, 33 nationalités cohabitent et plus de langues et de cultures encore, coopèrent, transforment les lieux et se transforment. Les tensions sont assez rares et très souvent dues à l’incompréhension linguistique, ou à l’insatisfaction de besoins fondamentaux.
Ici, notre laïcité est ouverte, et les femmes couvertes de voiles ou non, chrétiennes comme musulmanes ou autres, plaisantent et rient, musulman.e.s et chrétien.ne.s et sans foi ni loi partagent le pain, le riz, les patates et la bière, et d’autres sur leur tapis de prière accompagnent en pieuses psalmodies le rap soudanais comme les chants traditionnels géorgiens.

Avec les soutiens et les résident.e.s français.e.s viennent aussi les chien.ne.s et mêmes les moins habitué.e.s à nos manies en matière d’animaux de compagnie, les plus craintif.ve.s, ne peuvent résister à Knacki, la mascotte des Veyettes.

Des activités culturelles et artistiques, du soutien scolaire, les nombreux chantiers mobilisent et fédèrent. Projections vidéo, concerts, spectacles, ateliers cuisine, boulangerie ou vélo etc. permettent d’ouvrir la zone industrielle, de trouver d’autres nourritures, de sortir de la survie, de retrouver un peu de dignité.
Pourtant les inquiétudes sont légitimes tant sur notre capacité à mettre en place et à maintenir, des conditions de vies moins indignes et surtout à trouver une issue pour l’ensemble des personnes s’abritant aux Veyettes.

Car nous sommes très loin du paradis, de la fraternité et des grands mots des temples religieux ou républicains : des heures de négociations au téléphone, quinze jours de suivi personnalisé, pour accompagner vers des soins, un jeune homme souffrant d’hallucinations auditives et visuelles, qualifié de schizophrène, et suivi, puis hospitalisé depuis son plus jeune âge à Paris puis à Rennes,... Six mois d’arrêt de traitement, nous avons retrouvé son père et pris contact avec lui, puis avec l’équipe psychiatrique mobile, bataillé 3 fois sur plus d’une semaine pour obtenir sa prise en charge à l’hôpital Guillaume Reigner. Il est depuis quelques jours enfin accueilli en foyer. Pour combien de temps ? Et nous parlons ici d’un jeune français.

Alors qu’espérer pour les autres ? Des personnes étrangères en chimiothérapie, en fin de vie, des femmes âgées, humiliées jusqu’au bord de la mort, méthodiquement. Elles ne font pas partie des "familles avec enfant" soigneusement discriminées pour être "sauvées" par Mme Appéré. Elles ne font pas partie des futurs quotas économiques à la Macron, elles font partie des futures réformes de l’aide médicale d’État, du rebu.
Et au fait, pourquoi les célibataires ; les famille avec des enfants plus âgés, etc seraient-ielles puni.e.s ? En quoi être célibataire aide-t-il à survivre l’hiver dehors ?
Des familles avec enfants ? Il y en a plein aux Veyettes, deux mères seules avec trois jeunes enfants, arrivées ces deux derniers jours, des demandeur.euse.s d’asile aussi : entre la mairie et la préfecture, si nous considérons les promesses de la maire et les obligations légales de la préfète, il devrait y avoir dans la minute, moitié moins d’habitant.e.s aux Veyettes.

Au lieu de cela ces autorités nous confient tous les jours plus de personnes... Comme les deux grands frères tchétchènes d’une famille "mise à l’abri" par la mairie et donc séparée entre les enfants mineur.e.s en âge scolaire, et les autres... Comment oser séparer des familles en prétendant les protéger ? Il y a comme un hic.
Le hic c’est que nous, les volontaires français.e.s ou étranger.e.s en meilleure position économique, ne disposons que des revenus ridicules du prolétariat : minimum sociaux, salaires à peine plus élevés, etc. Alors que les institutions publiques disposent des millions soutirées à la population, pour les employer à la fabrication des images de "la crise migratoire". Nous ne rentrons pas dans ce cadre. Nous ne le voulons pas.
Car le hic c’est que ouvrier.e.s, chômeur.euses, précaires divers, travailleur.euses pauvres, petit.e.s retraité.e.s, étudiant.e.s engagé.e.s, etc. réalisent ici et maintenant, à Rennes, la fraternité et la sororité, mettent en pratique les principes constitutionnels que les responsables, chargé.e.s de les protéger foulent aux pied.
Le hic c’est que nous ne jouons pas pour des adhérent.e.s ou des places, et, à ce moment précis de notre Histoire commune, nous souhaitons vous inviter à choisir une autre voie que celle de la peur et de la xénophobie.

Nous sommes persuadé.e.s d’être une majorité en Europe et en Bretagne, conscient.e.s que le vieillissement des populations européennes trouve sa compensation dans les jeunesses internationales en quête de vies meilleures. Nous sommes légions à savoir que l’excellence des ventes de nos armements, entraine et favorise la dictature, la misère et la guerre, la paupérisation et la fuite des populations dans de nombreux pays ; car sans conflits, sans pillages, c’est le chômage dans "nos" industries... Nous constatons que la démographie est un déterminant sous estimé, cependant que les flux de concentration des capitaux et des matières premières, influencent au moins autant les mouvement de populations sur toute la planète.

L’assouplissement des critères de régularisation des étranger.e.s résident.e.s en Europe et en France, en premier lieu aux Veyettes est une urgente nécessité. Le respect par l’État de certaines de ses obligations en matière d’accueil et de soins des exilé.e.s est un vœux, que la justice traduit parfois, cependant, sans changer les lois, nous continuerons de participer au migranticide quotidien, par la noyade ou par l’usure.
Il est temps de choisir et de traduire dans les actes, nos éthiques et nos convictions. Nous pouvons sauver beaucoup d’espèces, si nous ne sauvons pas notre humanité, au sens de notre capacité à faire d’un.e grande singe un.e humain.e, nous ne sauverons rien.

Nous exigeons :

  • Que toutes les personnes dont l’État doit prendre soin aient accès à leurs droits,
  • Que les demandeur.deuse.s d’asile soient accueilli.e.s en Centres d’Accueil pour Demandeur d’Asile (CADA), quel que soit leur nombre, que les dispositifs soient adaptés.
  • Que les réfugié.e.s comme les sans-abri français.e.s présent.e.s, pour la plupart de moins de 25 ans ; accèdent à des logements sociaux, à des formations à du travail, et en tout cas à un revenu digne
  • Que les malades français.e.s ou étranger.e.s bénéficient des soins adéquats, et pour cela que les dotations des organismes de santé publiques soient renforcées.
  • Que les familles ne soient sous aucun prétexte séparées contre leur gré, que ce soit pour des motifs humanitaires ou administratifs.
  • Que les mineur.e.s non accompagné.e.s soient reconnus.e.s comme tel.le.s et accueilli.e.s comme tel.le.s, par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance dédiés et dont les moyens et effectifs doivent être renforcés en fonction des besoins réels.
  • Que la duplicité et l’hypocrisie cesse parmi celleux qui coopèrent à la politique de persécution des exilé.e.s ou l’accompagnent sans s’y opposer radicalement, et se posent de plus, en défenseurs des faibles, nos regards vont ici, entre autres, vers la Maire de Rennes Mme Appéré et vers son adjoint à la solidarité M.Bourcier.
  • Que la politique de répression systématique, (rafles, rétentions, expulsions...) aussi coûteuse qu’inefficace cesse, et l’adresse va ici particulièrement au gouvernement et à la représentante de l’État Mme la préfète Kirry.
  • Qu’un plan concerté soit mis au point entre tou.te.s les partenaires concerné.e.s pour résoudre de façon permanente les problèmes d’hébergement d’urgence et de logement pérenne, à Rennes.
  • Qu’un programme de régularisation massive des situations administratives des exilé.e.s en France, dont il revient à la préfète Kirry "d’orchestrer" la mise en place à Rennes, permette de sortir de ces tragédies humaines, conséquences d’absurdités administratives et légales .
  • Que les dispositifs populaires qui pallient aux déficiences des pouvoirs publics bénéficient des soutiens financiers ,logistiques, en un mot politiques,nécessaires à leur fonctionnement.

Ces mesures prises et appliquées, il n’y aura plus de "crise" concernant l’ ensemble de ces problèmes et les autorités pourront se consacrer à d’autres aspects du bien commun.

Vous êtres toutes et tous invité.e.s à nous rejoindre, à participer ou à nous soutenir.

Collectif Action Logement 14\09 ,
Fait à Rennes , 30 rue des Veyettes.

P.-S.

nous écrire : cal14.09@protonmail.com

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