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Paysage politique des collectifs de soutien aux personnes exilées à Caen

Caen
Migrations - Luttes contre les frontières
  • Evacuation d’un squat de migrant·e·s à Caen ce mercredi 24 octobre

    Un squat ouvert depuis l’été 2015 dans le quartier de la Guérinière a été évacué par la police ce mercredi 24 octobre. A l’arrivée des renforts policiers (près d’une centaine de policiers, du grand n’importe quoi !), des personnes étaient montés sur le toit de l’immeuble. Trente-cinq personnes (Albanais, Arméniens, Mongols, Nigérians), dont 14 enfants, habitaient dans ce squat. Leur situation administrative va être examinée par la préfecture.

Depuis plus d’un an (été 2017), de jeunes hommes, la plupart originaires du Soudan, viennent à Ouistreham dans l’espoir de passer en Angleterre. Harcelés par la police (45 gendarmes mobiles, en soutien aux gendarmes locaux et aux réservistes), ils vivent sans aucune ressource, sans avoir accès à des douches, des toilettes, de la nourriture ou encore de l’eau potable. Plusieurs collectifs citoyens se sont montés spontanément pour leur apporter une aide matérielle. D’autres groupes, plus politiques, leur permettent de se ressourcer et de s’organiser depuis Caen, ville voisine, en ouvrant des squats et en participant aux mobilisations locales et nationales contre les politique migratoires européennes.

Le Camo

Le Collectif d’Aide aux Migrants de Ouistreham apporte une aide matèrielle aux personnes exilées tentant leur chance en essayant de monter sur les ferrys du port de Ouistreham.
Dès septembre 2017, des personnes se sont organisées pour la distribution de repas dans le petit bois où les jeunes Soudanais avaient trouvé refuge, de manière discrète, afin de ne pas déranger : « Nous ne voulons pas que cela soit visible pour ne pas troubler l’ordre public et créer des rassemblements ».

Plusieurs groupes se sont formés, se répartissant les tâches avec l’aide d’outils informatiques. Ainsi, le camo dodo organise par exemple la répartition des jeunes hommes dans des hébergements solidaires :

Les 150 bénévoles sont répartis entre le Camo repas, le Camo douche, le Camo dodo, le Camo vêtements, le Camo collation, le Camo santé qui bénéficie, depuis peu, du prêt d’une ancienne ambulance par un collectif d’aide aux migrants de Dieppe (Seine-Maritime).

Les distributions sont avant tout financées par les bénévoles eux-mêmes, qui préparent les repas et les distribuent. Une association pour recueillir les dons à été créée : le Moca (Mouvement ouistrehamais de collecte associative).

Ce collectif de citoyen·nes se veut apolitique et n’est pas habitué à s’organiser de manière horizontale et transparente. Ainsi, d’après des personnes que nous avons rencontré, le fonctionnement de l’association reste assez opaque, et il assez difficile de connaître les dates et lieux de réunions pour les gens qui ont envie d’y participer.

Infos diverses :

Site internet : http://camo-info.over-blog.com/
Mail : collectifamo@gmail.com

L’admi

L’association pour l’Aide aux Démunis et aux MIgrants est une association caritative à but non lucratif, qui comprend 22 adhérent·e·s, qui habitent sur Caen et ses alentours. Pascal, le président de l’Admi, explique :

Nous avons souhaité créer une association pour être reconnus par les interlocuteurs que nous sollicitons. Nous avons par exemple constitué un dossier pour avoir accès à la Banque alimentaire. Nous participerons aux tables rondes à la préfecture pour écouter, et aussi pour témoigner de ce qui se passe sur le terrain.

Quelques membres sont d’anciens bénévoles des Restos du Coeur, mais souhaitaient rechercher un cadre plus souple, et organiser des distributions de repas plus chaleureuses afin de créer de réelles rencontres avec les exilés de Ouistreham. Par exemple, illes ont souhaité partager les tâches de base avec les jeunes hommes en leur proposant de participer à la vaisselle de leurs gamelles en organisant un auto-wash.

Les membres de l’Admi cuisinent une fois par semaine à Ouistreham, un repas chaud le vendredi soir, préparé par des cuisiniers membres de l’asso.
Illes collectent vêtements, chaussures (le président de l’admi a, par exemple, organisé l’opération "rapporte tes baskets" avec des clubs sportifs et des établissements scolaires).
Un accompagnement et une aide juridique pour les demandes d’asile est aussi organisé en lien avec France Terre d’asile.

Infos diverses :

Tèl : 06 07 64 27 41
collectifadmi@gmail.com

L’AG contre toutes les expulsions

L’assemblée caennaise a été créée en juin 2013 en réaction aux expulsions des centres d’hébergement d’urgence (115) suite à la décision du Préfet du Calvados de limiter l’accueil des étranger-e-s (demandeur/euse-s d’asile ou débouté-e-s du droit d’asile).

En ce moment, environ 450 personnes sont logées par l’assemblée générale de lutte contre toutes les expulsions. Dans le même temps, le département du Calvados en héberge 900. Au moment où nous écrivons ces lignes, les personnes hébergées par l’AG le sont dans 5 squats différents (dont celui du Marais), dont le plus vieux a 3 ans, expulsable depuis 2 ans.

Sur son site, les membres de l’ag se définissent ainsi :

Nous sommes attaché-e-s à un fonctionnement égalitaire et anti-autoritaire et c’est sur ces bases que nous luttons !
L’AG est autonome de toute organisation, qu’elle soit partisane, syndicale ou associative. Elle est décisionnaire et fonctionne selon les principes de la démocratie directe. Les décisions sont prises collectivement, après discussion. Si le consensus n’est pas atteint, elles sont alors votées sur la base d’une personne égale une voix. Les commissions et les personnes mandatées (trésorerie, par exemple) rendent compte de leurs activités à l’AG. La rotation des mandats est souhaitée pour éviter toute spécialisation et prises de pouvoir. Les lieux occupés sont autogérés.

Les membres de l’AG sont principalement, voire exclusivement des personnes "soutiens", c’est-à-dire des militant·es blanc·hes avec papiers. Illes ont des âges et des parcours de vie divers (lycéen·nes, étudiant·es, militant·es anarchistes, membres d’association plus citoyennistes, ...) et s’organisent de manière ouverte, "on n’est pas un groupe affinitaire, on n’a pas pour objectif de partir en vacances ensemble".
Malgré tout, les membres de l’AG ont la volonté d’intégrer les personnes exilées à leurs réunions, en faisant le tour des squats avant chaque assemblée pour mobiliser leurs habitant·es, en affichant les compte-rendus traduits dans les squats, etc. Les tentatives sont en cours...

Contrairement au collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes, l’assemblée caennaise organise ses réunions avec des ordres du jour, des tours de parole, une double liste, ce qui permet de prendre des décisions formelles, dans la mesure du possible au consensus, et sinon, au vote.

A l’origine, les questions techniques liées à l’ouverture et la gestion des squats ainsi que les questions de mobilisations politiques étaient traitées dans le même temps. Aujourd’hui, il existe deux espaces de discussions. En effet, au fur et à mesure de l’ouverture de lieux, la question des demandes d’hébergements a occupé une grande partie de l’ag hebdomadaire, ce qui fait qu’il n’y avait plus assez de temps pour parler des questions de mobilisations politiques.
Ainsi, les AG du vendredi soir, plus "gestionnaires" tournent entre les différents squats. Les AG "politiques", elles, sont irrégulières, tous les trois mois environ.

Durant l’AG à laquelle nous avons pu assister, nous avons relevé certaines tensions autour d’accusations de racisme. Certains soutiens ont eu des attitudes tendant vers l’ingérence, notament en s’introduisant dans les chambres des habitant·es pour leur faire des remontrances, etc.
Un débat autour du racisme ordinaire a pu être entamé. Les participant·es à l’AG ont essayé de trouver une définition commune du racisme : c’est un système structurel hérité de la colonisation, qui traverse tout·e un·e chacun·e.

Comme dans tous les collectifs de soutien aux personnes exilées, beaucoup de questions à propos de l’autonomie des habitant·es sont soulevées : les soutenir matériellement sans les déposséder de leurs moyens d’existence.
Les militant·es ne veulent pas se transformer en fonctionnaire non payés, et se posent la question de comment faire pour organiser des actions politiques, et ne pas se retrouver cantonner à un rôle de travailleureu·se·s sociaux, et ne pas culpabiliser les soutiens qui ont besoin de distance pour rester volontaires dans leurs engagement quotidien.

Une anecdote racontée par une membre de l’AG est révélatrice : "des personnes exilées m’ont appelé pour prendre un RDV ! Mais, je ne suis pas assistante sociale". Ou bien : "Quand on arrive dans un squat, tout le monde nous tourne autour, juste pour changer une ampoule par exemple." Elle insiste : "L’AG n’a pas vocation à fournir la bouffe, les vêtements aux personnes exilées mais plutôt à les accompagner dans une lutte politique".

Tous les collectifs de soutien aux migrant·es sont traversés par ces questions, entre l’urgence humanitaire, trouver à manger, des vêtements, des logements, et la lutte politique contre les frontières, pour la régularisation de tous les sans papiers, etc.
Une autre tension se rajoute à celle-ci : réclamer auprès de la préfecture les obligations légales d’accueil des demandeurs d’asile, ou s’autonomiser de l’Etat, apprendre aux exilés à s’auto-gérer, etc.

Infos diverses :

Contact : ag-contre-expulsions@riseup.net

Le squat du Marais

L’ouverture de ce squat, sans doute l’un des plus grands sur le territoire français, s’est faite dans une large composition, notamment syndicale, lors du mouvement social d’avril 2018. Un an a été accordé par la justice, parce que le propriétaire, Enedis, n’avait pas de projet sur ce site de 32 000 m2, anciens locaux d’EDF. Fait inhabituel, la présidente du tribunal s’est rendue elle-même sur place pour vérifier la salubrité des lieux.
Le squat du Marais est géré par l’Assemblée de lutte contre toutes les expulsions.

Près de 200 migrant·e·s y habitent. Illes viennent d’Érythrée, du Soudan, de Mongolie, d’Ukraine, de Géorgie, de Tchétchénie, d’Afghanistan, d’Iran, de République démocratique du Congo, du Niger, du Nigéria…

Les Soudanais de Ouistreham ont un bâtiment pour eux au squat, ils veulent le gérer de manière autonome. Des membres de l’AG insistent sur le fait qu’ils sont chez eux, et que c’est à eux de s’organiser comme ils veulent dans leurs espaces de vie.

Les liens avec l’extérieur :

  • Partenariat avec la Maison du vélo, association de réparation de vélo, qui permet aux exilée.es d’être autonomes quant à leur déplacement, notamment vers la côte et le port de Ouistreham.
  • L’école nomade, un collectif d’enseignant·es et d’animateur·es qui assure des activités et des cours pour les 70 enfants qui vivent au Marais, s’est installé dans deux salles. Ils viennent trois fois par semaine.
  • L’assemblée "convergence des luttes" est hébergée aussi au sein du squat du marais.
  • Un espace permet d’accueillir des militant·es internationaux. En ce moment des militant.e.s allemands contre les frontières y apportent leur soutien.

P.-S.

Le reportage sur les collectifs de soutien aux migrants à Dijon à lire ici, pour Rennes, c’est là

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