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Pour un déconfinement et un plan d’urgence féministe

Féminismes - Genres - Sexualités

L’idée d’une coordination nationale féministe est en train de réapparaître. Plusieurs collectifs se sont concertés pendant la période de confinement, à Rouen, Toulouse, Paris, Grenoble, Marseille, Rennes et ont notamment rédigé à plusieurs mains et plusieurs cerveaux, cette tribune qui paraît ce vendredi sur Médiapart. En Ille-et-Vilaine, les collectifs NousToutes35 et le Groupe Féministe de Fougères (GFF) signent cette tribune, aux côtés de collectifs et d’associations féministes locales et nationales, dont le Planning Familial.

Face à la crise sanitaire, économique et sociale, un plan d’urgence féministe !

Nous ne nous habituerons jamais au décompte de nos mort·e·s. Le déconfinement tel qu’il est organisé montre que pour nos dirigeant·e·s, limiter les mort·e·s n’est plus la priorité, "l’économie" passe d’abord. Ce décompte devrait devenir aussi insignifiant que celui des femmes assassinées par leur conjoint, des enfants tués par leur père, des migrant·e·s noyé·e·s dans la Méditerranée, des victimes d’accidents et maladies du travail ou des victimes de violences policières.

Ces mort·e·s paraissent tolérables car les profits passent avant tout, justifiant l’exploitation capitaliste, sexiste, raciste, extractiviste et écocide au mépris de notre santé. La crise renforce et souligne les inégalités de race, de genre et de classe. Les femmes sont en première ligne. Les travailleur·se·s les plus précaires et les plus pauvres sont les plus exposé·e·s à la maladie : salarié·e·s de l’hôpital et de la grande distribution, aides à domicile, travailleur·se·s sociaux·ales et ouvriè·re·s de l’industrie agro-alimentaire. Les métiers les plus méprisés sont les plus féminisés et les plus mal payés, or ils sont aujourd’hui déclarés essentiels.

Dans l’éducation nationale aussi, les femmes sont en première ligne. Agentes d’entretien, ATSEM, AESH, enseignantes : toutes doivent faire face à des conditions de travail ubuesques. Enfin, au sein des foyers, ce sont là encore les femmes qui assurent principalement les tâches éducatives et ménagères. Confinement et déconfinement ne font que renforcer cette assignation des femmes à la sphère familiale et domestique : rien n’a changé, tout s’est exacerbé.

La crise sanitaire actuelle, combinée à une crise économique mondiale, se traduit déjà par une précarisation généralisée et des vagues de licenciements. Les chômeur·se·s, les saisonnier·e·s, les intermittent·e·s, les prostitué·e·s et personnes qui se revendiquent comme travailleur.se.s du sexe voient leurs revenus disparaître. Ces dernièr·e·s sont également souvent exposé·e·s, sans protection au virus, car tou·te·s ne peuvent pas se permettre de cesser leur activité et la pratiquent dans des conditions extrêmement dangereuses.

La menace du chômage de masse sert de chantage pour relancer l’activité des entreprises. Cette dernière augmente la potentialité de transmission du virus, et se fait au mépris des vies des personnes dont la santé est fragile : celles qui subissent des maladies chroniques, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées. Pour celleux placé·e·s en établissements médico-sociaux (EHPAD, ESAT, foyers, MAS, FAM), et dont les situations reposent sur les choix des personnes en charge de leur établissement, cela aura souvent pour conséquence d’aggraver leur isolement et leur enfermement.

La casse des services publics et la destruction des dispositifs de solidarité comme l’assurance maladie, les retraites ou l’assurance chômage, visent à diminuer le coût du travail salarié et sont responsables de notre incapacité à répondre à la crise sanitaire et à la crise économique qui s’annonce. Dans un tel contexte, une tendance au repli sur la famille risque d’accroître la marginalisation des plus vulnérables et les plus isolé·e·s : les personnes handicapées, les personnes LGBTQI, les personnes migrantes, les mères séparées, les personnes âgées isolées, les travailleur·se·s les plus pauvres.

Mais l’État poursuit la répression qui frappe les hospitalièr·e·s et les personnels des maternités et continue d’expulser les réfugié·e·s sans-papiers, de mater les révoltes en prison, en CRA et dans les quartiers populaires. Cela est d’autant plus visible quand les gouvernements, partout dans le monde, décident de répondre à cette crise par des mesures liberticides, répressives, et par l’austérité. L’état d’urgence sanitaire permet à l’État de casser le code du travail et à sa police de réprimer les contestations et multiplier les violences racistes.

Face à cette nouvelle crise mondiale, sanitaire, économique et écologique, l’ensemble du mouvement féministe se mobilise et s’inspire des grèves féministes internationales et des luttes des territoires en résistance.

Nos revendications féministes, anticapitalistes, solidaires

Nous ne nous laisserons pas dicter en silence les mesures de « l’après », celles-là mêmes qui auront pour seul objectif de sauver à tout prix le modèle capitaliste. Nous revendiquons un déconfinement militant et féministe.

Nous exigeons que les métiers essentiels, très souvent occupés par des femmes, soient reconnus à leur juste utilité, reconsidérés socialement et mieux rémunérés. Nous revendiquons la reconnaissance des conséquences du travail sur notre santé, et l’augmentation des salaires, notamment dans les emplois féminisés : l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la réduction du temps de travail.

Nous revendiquons la fin des politiques de casse des services publics et du code du travail. Nous nous battons pour des services publics gratuits et de qualité, prenant en charge la petite enfance, la prise en compte de la dépendance, la restauration, le nettoyage et pour qu’il y ait un partage des tâches au sein de chaque foyer.

Nous exigeons l’augmentation des budgets publics pour la recherche, l’embauche, la titularisation massive de personnels hospitaliers et de travailleur·se·s sociaux·ales ainsi que la réouverture des hôpitaux, des services et des lits supprimés. Nous demandons un accès gratuit et rapide à tous les soins de santé, nous défendons le droit à l’IVG et exigeons un allongement du délai d’avortement sous toutes ses formes.

Nous réclamons des logements de toute urgence pour les personnes qui subissent lourdement des violences sociales et économiques : les femmes victimes de violences conjugales, les réfugié·e·s, femmes sans domicile, les prostitué·e·s et les personnes qui se revendiquent comme travailleur·se·s du sexe, les femmes migrantes avec ou sans papiers, les personnes LGBTQI marginalisées ; ces personnes qui ne sont pas prises en compte dans les dispositifs mis en place par les institutions.

Contre les violences faites aux femmes et aux enfants, nous revendiquons un budget et des mesures conséquentes, réclamées haut et fort depuis de nombreuses années par les associations féministes.

Nous exigeons des politiques d’éducation au genre et à la sexualité, essentielles à la construction d’une société égalitaire pour déconstruire les rapports de domination.

Nous inscrivons notre combat féministe dans le sillon du mouvement international et de toutes les luttes qui, de l’Italie au Rojava, de l’Etat espagnol à la Corée du Sud et au Chili, de la Pologne au Mexique ou à l’Argentine, démontrent la force et la vitalité du combat féministe. Dans un climat mondial de récession, de replis nationalistes, de montée des mouvements racistes, sexistes, LGBTQIphobes et misogynes, nous sommes nécessairement internationalistes ! Il est impératif que nous nous organisions collectivement, tant localement qu’à travers les frontières.

Le féminisme a un fort pouvoir d’action politique et un rôle important à jouer pour la société que nous voulons : nos luttes féministes sont essentielles et doivent s’inscrire dans les transformations écologiques, sociales, économiques d’une société débarrassée de tous rapports d’exploitation, de domination, d’oppression. La grève féministe déjà utilisée lors des mobilisations du 8 mars doit devenir un moyen d’action puissant et reste encore à construire. Partout, depuis quelques mois, se créent des réseaux spontanés de solidarité et d’entraide, qui sont autant de preuves que l’auto-organisation constitue un fer de lance essentiel de la société à laquelle nous aspirons.

Nos mouvements féministes s’unissent et appellent à une coordination nationale féministe.
Nous appelons à une journée d’actions féministes le 8 juin partout sur le territoire !

Signataires :
Assemblée Féministe Toutes en Grève 31,
Collages féminicides Rouen,
Collages féministes Toulouse,
Collectif Bavardes,
Collectif Droit des Femmes 14,
Collectif Émancipation,
Colleurses Grenoble,
Colleuses 73,
Droit des femmes Rouen,
FASTI,
Féministes Révolutionnaires Nantes,
Femmes kurdes de Toulouse,
GAMS Haute Normandie,
Groupe féministe Fougères,
GRAF,
Marseille 8 mars,
Marseille Féministe,
Nous Toutes 35,
Nous Toutes 38,
Nous Toutes 54,
Nous Toutes 76,
Planning Familial,
Planning familial 06,
Transat
...

P.-S.

Pour rejoindre la coordination nationale féministe, envoyez un mail à toutesengreve31@gmail.com

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