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Rennes : fin de l’âge d’or des promoteurs ?

Rennes

"Si je traîne en bas de chez toi je fais chuter le prix de l’immobilier". Booba, Boulbi.

« Plus personne aujourd’hui ne l’ignore. Si l’on ne sait pas exactement ce qu’ils sont, du moins sait-on, voit-on ce qu’ils font, ce qu’ils ont fait. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont les personnages les plus haïs de notre temps. […] Qu’il faut jeter les financiers, les promoteurs, les prospecteurs au fond d’un gouffre. [...] Voilà la peste enterrée. Les promoteurs au fond d’un gouffre. Voilà qui est clair, simple, définitif et qui résume suffisamment l’état actuel de l’opinion.
[…] Au départ, nul ne savait exactement ce que le mot voulait dire. Pas même ceux qui l’avaient inventé et commençaient d’en orner leurs panonceaux, d’en badigeonner leurs palissades. Pas même eux ? Surtout pas eux, persuadés que ça n’avait aucune importance et plutôt même rassurés de cela. Un mot comme un autre, nullement péjoratif et même plutôt flatteur.
[...]Les premiers temps du mot expriment ceux de la profession. « Ces intermédiaires, observe Fernand Pouillon : courtiers, marchands de biens cherchaient la voie de la fortune. Les voici aujourd’hui “promoteurs” : c’est par la promotion qu’ils ont voulu se définir », si tant est qu’il y ait plus de clarté dans « promotion » que dans « promoteur ».
[…] Dans les affaires du bâtiment se concentre cette volonté féroce de tenter sa chance et, pour ceux qui l’ont déjà bien en main, de s’enrichir le plus vite possible…
[…] Il se trouve aussi que le gâteau y est plus copieux. Et quel gâteau que les affaires immobilières ! […] S’il y a quelque intérêt dans ce rappel, c’est de souligner à quel point les choses les plus évidentes sont longues à être reconnues et connues comme telles.
[…] On voit donc se lancer dans les affaires immobilières, devenues affaires de « promoteurs », un tout-venant toujours disponible. Des gens du bâtiment, bien sûr, c’est-à-dire d’abord des agents immobiliers, au fait des terrains, des immeubles à acheter et à vendre, au cœur du débat. Un peu d’argent. Une poignée de collaborateurs…
[…] Un service commercial déjà en place. Un architecte pour dresser les plans. Et pour les vérifier ou faire semblant, un service technique ou baptisé tel.
[…] Et puis, outre les gens du bâtiment, ou plus ou moins en rapport avec le bâtiment, ceux qui accouraient des professions les plus éloignées, parfois les plus invraisemblables. Les gens sans profession eux-mêmes ou faisant profession de n’en pas avoir, n’ayant jamais rien fait de leurs dix doigts, trop fainéants ou trop distingués pour cela, trop gueux ou trop blasonnés et qui trouvaient soudain le moyen de travailler sans prendre de la peine, de s’enrichir sans se fatiguer.
[…] Sans doute, un jour s’étonnent-ils de découvrir que leurs poches sont pleines, et d’un argent dont ils ne savent absolument pas qui l’a mis là. Et d’apprendre aussi par la rumeur publique qu’ils ont des châteaux, des chasses et, sur la Côte d’Azur, des villas dont ils n’avaient jamais entendu parler. Quel mauvais plaisant a pu leur jouer ce tour ? Que ne va-t-on imaginer ?
[…] Un jeu rigoureux, officiel, a été établi. Il suffit d’en appliquer la règle, la règle d’un jeu aux mises de plus en plus grosses, fantastiques, d’un jeu où l’on gagne à tous les coups : presque décourageant de facilité. Ce n’est même plus un jeu, c’est une machine à sous. Des moyens illimités. Une puissance immense. Les pouvoirs d’accord. Presque aux ordres.
[…] Pourquoi modérer ses desseins ? Pourquoi même les cacher ? Pourquoi feindre ? Projets sur projets.
[…] Il est vrai que la terre a des limites, à plus forte raison la ville. Il suffit de s’entendre et de partager en bons camarades. À moi ceci et un bout de cela, à toi cela et un bout de ceci.
[…] On peut continuer de la sorte et résumer ainsi ces temps inimitables. Il est même difficile de faire autrement. Le thème n’est pas de droit administratif, de science financière ou de sociologie. Pas même d’urbanisme. Il est de comédie.
[…] Spectacle étrange et qui semble comique, alors qu’il devrait effrayer ».

LOUIS CHEVALIER
Extraits choisis, La Destruction de Paris, Ivrea (1997)

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