information par et pour les luttes, Rennes et sa région

Les Oiseaux de Passage (ou se réapproprier la « Culture » à n’importe quel prix libre !)

Rennes
Cultures - Contre-cultures

Le festival des Oiseaux de Passage est encore fougueux (seulement la deuxième édition cette année) mais il gagne déjà en maturité. Avec cette fois-ci une programmation plus politique que l’an passé et une amorce de réflexion sur la Culture, celle avec un grand Q et les autres.

Niker la « Culture » capitaliste (avec un grand Q)

La Culture capitaliste, n’en déplaise à Frank Lepage [1], c’est le paradigme de l’ascension sociale tout en-pailletée pour le vernissage d’un énième instrument de domination du capital. C’est la croyance en une culture dépolitisée, resserrée sur l’« Art », contemporain de préférence ou son industrie, une institution de la culture plus qu’une culture. La Culture avec un grand Q empêche les cultures d’exister au pluriel : plus de culture bourgeoise à opposer à une culture prolétaire, plus de culture artistique, syndicale, religieuse, féministes, etc. Il ne reste plus qu’une Culture uniforme qui ne dit pas son nom : la culture dominante, avec ses mœurs, ses modes d’organisation, ses postulats idéologiques, son Histoire, ses vainqueurs, ses bénéficiaires.
En créant des espaces de respiration pour d’autres cultures, d’autres possibles, on participe donc à niker la « Culture ». Bien sûr il ne suffit pas de libérer des espaces-temps de la culture dominante pour vaincre cette dernière, on ne saurait se réapproprier des objets culturels sans leur avoir redonné leur dimension politique. Il ne peut pas y avoir de folks (culture populaire) sans demos (peuple agissant en société). Il faut donc refaire de l’objet culturel un objet politique, de par ses contenus, ses modes de faire, ses financements...

Le festival des Oiseaux de Passage

Du 6 au 8 octobre à la Prévalaye (Rennes), le festival des Oiseaux de Passage offre une programmation [2] culturelle politique à base de musique, théâtre, conférences, jonglerie, débats et entre-sorts. L’objectif ? Promouvoir une vision de la culture qui ne soit pas uniquement du divertissement mais aussi un préalable à l’organisation politique et une vision de la politique qui ne soit pas uniquement l’affaire de la classe dominante. Il ne s’agit pas de faire l’inventaire des cultures existantes mais plutôt de permettre à une certaine culture populaire de s’exprimer, de se réinventer, car c’est semble-t-il l’une des conditions nécessaires à notre émancipation du capitalisme. L’art en tant que moyen de subversion y est central.
En amont, l’association Chahut à l’origine du festival, s’organise en cohérence avec les contenus qu’elle souhaite diffuser : autogestion autant que possible, cantine vegan, autofinancement et prix libre. L’équipe organisatrice tente de lutter contre les dominations et les inégalités sur tous les aspects de l’évènement, dès avant sa mise en place. Cela veut aussi dire faire de la préparation du festival un espace de conscientisation collective, d’échange de savoirs, savoir-faire et savoir-être. Concrètement, en tant que bénévole, on gagne en autonomie en apprenant la soudure à l’arc, en questionnant nos rapports avec les autres, en faisant naître une intelligence collective pour monter 2 chapiteaux, 2 barnums, 100m² de parquet, des toilettes sèches et une déco de folie en un temps record et avec un minimum de moyens. En tant que festivalière-er, on découvre que la bouffe vegan ça peut être de la balle quand c’est bien cuisiné, on s’interroge sur le prix que coûte une culture libérée de la doxa capitaliste, on kiffe faire de la politique (et boire de la bière, il faut bien l’avouer).
2000 personnes sont attendues sur les 3 jours du festival. Autant dire que pour qu’un évènement de cette ampleur soit possible en autofinancement, il a fallu un sacré coup de pouce des copaines. Plusieurs même ! C’est donc aussi la puissance d’un réseau porté par ces mêmes valeurs que les Oiseaux de Passage démontre.

Une invitation d’abord, un avenir ensuite

Aujourd’hui, je suis convaincu que nous avons besoin de plus d’évènements tels que les Oiseaux de Passage, pour la lutte culturelle, pour les valeurs d’éducation populaire qu’ils véhiculent, pour redonner un rôle et une place à la subversion et à la conflictualité dans une société vaguement homogène et mollement consensuelle. Je suis convaincu aussi de l’importance que peut jouer ce type d’évènements dans une tentative de rendre le militantisme plus accueillant et plus pérenne. Mais je crains qu’à force d’explications, je tombe dans la justification bassement utilitariste. Je crains que malgré tous les efforts qui sont faits pour extirper 3 jours et 2 chapiteaux de la culture dominante, il suffise que je les raconte sans joie, à l’aide de ma seule raison, pour renvoyer les Oiseaux dans la cage capitaliste. Car les Oiseaux de Passage c’est aussi et avant tout une fête, un « comme à la maison » avec quelques invité.e.s qu’on ne connaît pas encore, un rempart à l’ennui, un instant gratuit, une folie de celle qui donne envie de vivre, qui donne envie de la suivre, jusqu’au bout de la nuit.

Alors les 6, 7 et 8 octobre, si vous n’êtes pas sur la ZAD, venez voler au-dessus de la Prévalaye, soyez sauvages [3] (sans être relou, vous vous écraseriez) et faites de belles fientes sur la culture capitaliste, pour le plaisir ! Oiseaux nocturnes tous les soirs dès 18h. Oiseaux diurnes le samedi dès 14h.

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