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Comment rendre votre milieu militant plus inclusif pour les personnes neurodivergentes

Dynamiques collectives Soins - Santé - Psychiatrie - Médic

Cet article a été publié en mai 2016 sur le site Zinzin Zine, qui regroupe plein de contenu contre le système psychiatrique et la psychophobie. C’est une traduction d’un texte de Liz Kessler d’avril 2015. Il est publié ici pour alimenter une réflexion trop souvent inexistante au sein du "milieu politique" rennais, et dans l’espoir de faire bouger les lignes.

Récemment des ami.e.s et moi avons discuté de la manière dont les personnes avec des handicaps d’apprentissage, des handicaps de développement et des personnes avec des problèmes de santé mentale sont exclues des milieux militants. Même dans les milieux et les collectifs autogérés qui veulent réfléchir au validisme et nous inclure les gen.te.s ne savent pas quelles mesure concrètes ielles peuvent mettre en place. Voici quelques idées pour bien démarrer.

(Quelques notes sur la terminologie : j’utilise le terme personnes handicapées plutôt que personnes avec des handicaps parce que c’est comme ça que je préfère parler de moi et qu’un nombre grandissant de personnes parlent d’elles-même de cette manière. Ceci [lien en anglais] est une bonne explication de pourquoi. Neurodivergent est un terme général [lien en anglais] pour des personnes dont le cerveau fonctionne de manière différente que ce qui est considéré comme « normal » ou socialement acceptable. Cela désigne des personnes qui sont dépressives, qui ont de l’anxiété, des handicaps de développement ou d’apprentissage, mais ça peut inclure d’autres choses aussi.

C’est le contraire de neurotypique, qui veut simplement dire que le cerveau d’une personne fonctionne « normalement ».)

1. Ne vous attendez pas à ce que tout le monde fournisse la même quantité de travail

Trop souvent la légitimité des gen.te.s en tant que militant.e.s est mesurée par le nombre d’heures qu’ielles consacrent à leur militantisme. Rappelez vous qu’on a tou.te.s des capacités différentes. Parfois c’est parce que nous devons nous occuper de membres de notre famille ou qu’on doit travailler plus pour payer nos factures, mais certain.e.s d’entre nous avons besoin de temps juste pour prendre soin de nous-mêmes. Personne ne devrait être exclu.e à cause de cette réalité.

Être ouvert à propos de nos limites est une bonne manière de commencer ; un groupe qui a des discussions régulières sur ses limites a plus de chance de les respecter. Mettre en place les conditions pour que chacun.e puisse donner son consentement de manière active et enthousiaste est une bonne règle à suivre, et pas seulement pour le sexe : quand on demande à une personne de s’occuper d’une tâche, il est important d’être sur.e qu’on est pas en train de mettre la pression pour que cette personne fasse quelque chose qui va dépasser ses limites ou sa zone de confort. Parler de ses limites signifie que certaines personnes auront plus de chance de dire non à court terme, mais ça fera des militants qui seront plus actifs dans le long terme.

2. Acceptez les personnes qui ne sont pas fiables, et trouver des moyens de les inclure

Au delà du respect des limites des personnes, on doit respecter les personnes qui se retirent d’un engagement à la dernière minute. Si une personne appelle et dit « désolé.e, je ne peux pas venir aujourd’hui », dites leur que c’est ok, demandez leur ce dont ils ont besoin, et trouvez une personne qui peut la/le remplacer. Bien sûr ceci veut dire plus de travail pour les autres personnes du groupe et ça peut être super frustrant mais c’est une bonne opportunité pour parler avec la personne et essayer de capter comment mieux distribuer les responsabilités la prochaine fois. Encore mieux : demandez leur ce qui leur a fait se désengager à la dernière minute, et (avec leur consentement) essayer de mettre en place des choses pour ne pas que ça se reproduise.

Si votre groupe ne sait pas comment réagir lorsque des personnes se désengagent de leur tâches il est temps d’apprendre. Pour qu’un mouvement soit durable il ne devrait jamais dépendre trop lourdement sur une seule personne, et il est préférable de partir du principe de ne pas attendre que tout le monde soit présent.e à chaque événement et à chaque réunion.

Si des personnes se dégagent souvent de leurs engagements il est sûrement temps de se poser ces questions : est-ce que certaines personnes sont trop sollicitées ? Ou est-ce que le groupe lui-même essaye de faire trop de chose à la fois ? Si c’est la cas, il est temps de changer.

3. Utilisez des formes diverses de communication

Les gen.te.s apprennent et communique différemment, et la question ne se pose pas seulement à l’école. Les personnes qui animent des ateliers ou des formations devraient être sensibles aux différentes manière d’apprentissage et en tenir compte, les rencontres devraient également permettre aux personnes qui en ont besoin de communiquer de manière visuelle ou en écrivant les choses.

4. Ne surchargez pas votre planning

N’importe quelle personne qui a organisé des conférences ou des rencontres d’un week-end sait qu’à la fin les organisateur.ice.s finissent épuisé.e.s. Cela semble inévitable. J’aimerais donc demander, quand, exactement, ceci est devenu normal ? La journée de 9h à 17h [lien en anglais] a été inventée par le capitalisme et nous rends dépendant.e.s de lui, et ce n’est certainement pas sain. C’est encore plus difficile de tenir une journée de 8 heures si on a des capacités limitées. Des journées de formation, des conférences et des rencontres, devraient être prévues pour être bien plus courtes que 8 heures et devraient contenir pleins de pauses. Oui vous pourrez aborder moins de thèmes, mais ceux que vous aborderez seront mieux intégrés par les participant.e.s parce que leur esprit (et le votre) sera plus frais.

Évitez d’avoir des discussions informelles ou des réunions en plus pendant les temps de pause. Les pauses sont particulièrement importantes pour les personnes comme moi qui vivent avec des angoisses, et avoir des réunions informelles pendant les pauses veut dire que je serai exclues de réunions importantes. Une fois j’ai été à une conférence de militants étudiante avec un planning très chargé où les organisateur.ice.s ont remarqué à la dernière minute qu’il fallait une discussion sur le validisme. Comme solution ielles ont ajouté une discussion autour de ce thème à la pause de midi, un moment où beaucoup de personnes handicapées prennent une pause qui leur est indispensable. Le fait que cette discussion se déroule pendant la pause de midi leur a laissé un choix difficile entre participer à une discussion importante à leur sujet, ou bien participer aux conférences au planning le reste de la journée.

Les pauses doivent toujours être des pauses.

5. Laissez la place aux émotions

Ceci peut sembler aller de soi, mais on est encore trop nombreux.ses à mettre de côté les commentaires et les idées de personnes qui les expriment alors qu’elles pleurent. Il en va de même pour des réactions d’anxiété (par exemple d’écrire) et des tons de colère. Exprimer des émotions de ces manière là, tant que ça n’est pas en train de faire du mal à d’autres personnes, est tout aussi légitime que de dire « je me sens... », « je pense... » et devrait être pris au sérieux.

6. Différencier « construire une communauté » et « faire des choses »

Le burnout militant est une réalité. Des communautés se forment souvent pour s’organiser ensemble, mais lorsque des personnes doivent en sortir – quelle que soit la raison – cela ne devrait pas vouloir dire perdre leur communauté – surtout dans un monde où c’est une chose rare. Lorsque des personnes arrêtent de venir ne partez pas du principe que cela veut dire qu’elles ne veulent plus se rendre dans des espaces de sociabilité. Assurez-vous que si une personne ne se rend plus aux réunions ou décide de faire une pause dans ces activités militantes que la communauté est toujours là pour lui offrir du soutien ou du contact social.

7. Écoutez les personnes handicapées et prenez nous au sérieux

Ceci est probablement le point le plus important. Ceci n’est pas une liste exhaustive et les personnes neurodivergentes sont souvent conscient.e.s de comment nous sommes exclu.e.s et vous diront comment vous améliorer, si vous nous laissez le faire. Rappelez vous que toute personne handicapée en sait beaucoup plus sur son handicap que vous. Une connaissance s’est vue dire par une autre militante que ses Troubles Obsessionnels du Comportements (TOC) n’était pas un handicap et qu’en fait ça rend les personnes plus « productives ». Ceci n’est pas une attitude respectueuse ni acceptable à avoir face aux handicaps ou au niveau de productivité d’une personne. C’est nous qui décidons comment nous définissons nos handicaps et ce dont nous avons besoin. Écoutez nous, demandez ce dont nous avons besoin, et mettez-le en place.

8. Rappelez-vous que nous inclure dans votre milieu ne vous rend pas spéciaux

Je ne suis pas votre handicapée de service et le fait que vous soyez en train de lire ce texte ne veut pas dire que votre groupe va devenir « complètement accessible ». Ça n’existe pas. Continuez à apprendre et à réfléchir à comment les gen.te.s peuvent être exclu.e.s.


Lien vers le texte en anglais.

Cette traduction des contributeurs/rices de Zinzin Zine est participative, toute personne peut proposer des améliorations en les contactant via le lien d’origine, où le texte est donc en permanence susceptible d’être modifié.

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