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Entretien avec le Local de Douarnenez

Douarnenez
Autonomie & auto-gestion Cultures - Contre-cultures Dynamiques collectives

Les films s’enchainent sous un soleil radieux. Comme tous les ans, un grand nombre de personnes d’horizons divers investit Douarnenez à l’occasion du festival de cinéma. Cette année, en plus des peuples des Congos invités pour cette édition, d’autres évènements se sont ajoutés à la programmation : cantine tous les jours, bibliothéque et radio féministe sur le port ou encore rencontres-discussions au Local. Le local justement, kesako ? Chaque soir, des dizaines ou centaines de personnes prennent part aux discussions proposées dans ce lieu. Entretien avec quelqu’un.e.s de leurs fondateurices afin de mieux comprendre ce qui se joue dans ce chouette lieu du centre-ville.

Expansive : Comment s’est créé votre local ?

L’équipe du local s’est rencontré à Douarnenez lors de la première instauration de l’état d’urgence en 2015. A l’époque émerge l’envie de faire des rencontres et table de presse, des discussions sur le racisme, les violences policières, ... Un groupe se constitue et fait des tables d’info sur les marchés, des rencontres avec d’autres collectifs, des cantines. Très vite, vient le besoin d’un lieu pour pouvoir organiser ces cantines et des rencontres. Notre démarche : ouvrir un lieu de quartier et pas seulement un lieu d’organisation politique du milieu, un lieu qui irait à la rencontre de son quartier.

Expansive : Comment avez-vous choisi le lieu ?

On voulait un lieu en centre-ville. Ensuite à Douarn’, les pas de portes sont durs à louer même si beaucoup sont vides. En plus, la constitution en asso rendait peu fiable le projet pour les propriétaires. Pourquoi le centre-ville ? Premièrement, nous sommes nombreureuses à y habiter et il nous paraissait logique pour certain.e.s de s’installer là où nous avions déjà nos activités. En s’installant dans le centre-ville, on s’assurait aussi une visibilité. Deuxièmement, la question d’aller dans les autres quartiers ne s’est pas trop posée car nous n’étions pas engagé.e.s et investi.e.s dans des quartiers comme Kermarron ou Pouldavid. Ces lieux ont déjà des dynamiques et des initatives qui sont portées par leurs habitant.e.s. Troisièmement, le centre-ville de Douarn’ n’a pas fini sa mue et est à moitié vide. Les lieux de rencontres, ce sont surtout les bistrots et la librairie L’ivraie.
Une fois choisi le quartier, concrétement, des discussions ont eu lieu sur le fait que le lieu devait être facile d’accès, qu’il y ait une vitrine qui rende visible l’intérieur de l’extérieur, une possibilité de chauffage pour se sentir bien l’hiver, qu’il y ait possibilité d’installer la radio "vos gueules les mouettes" et une cuisine. On voulait un lieu pour pouvoir se poser et qui soit à la fois non-marchand et propice à la discussion.

Expansive : Est-ce que vos expériences militantes passées vous avaient amené à certaines exigences ?

On avait envie d’être visible et de s’implanter dans la ville et pas seulement dans un milieu militant. On a aussi eu plusieurs discussions sur l’ouverture d’un squat mais on s’est vite rendu compte qu’on avait pas l’énergie et le nombre pour ouvrir un lieu. On voulait aussi ouvrir un projet sur le long terme, ce que le squat ne permettait pas à cause des risques d’expulsions et cela, malgré le nombre important de lieux vides dans la ville.
Au niveau esthétique, le local a l’atout de ne pas porter les stigmates classiques des lieux militants. Ce n’était pas une stratégie sur l’esthétique mais il est vrai que la devanture et la beauté de l’intérieur des locaux facilitent le passage.
Concernant nos expériences passées, on avait l’envie de proposer ce lieu aux autres collectifs et qu’ils puissent se l’approprier. On essaie concrétement de répondre à un besoin que ne satisfait pas la mairie. Contrairement aux grandes villes, on avait l’envie de ne pas porter seulement des projets politiques purs en partant du principe que la politique est partout, qu’elle peut se faire dans des cours de grecs, de breton et plus généralement dans les relations qu’on construit.
Ensuite, on a quand même reproduit un certain nombre de choses qu’on souhaitait pas reproduire. Malgré l’attention portée à plein de choses, on n’a pas complètement réussi à pas paraître un lieu hors-sol pour les habitant.e.s ancien.ne.s de Douarn’.

Expansive : Quel réception du quartier lors de l’ouverture ?

L’ouverture a été troublée par une menace de fermeture de la part de la mairie pour des histoires techniques de PLU et d’urbanisme.

Expansive : La mairie n’avait pas de volonté de vous mettre des batons dans les roues ?

Non

Expansive : Etes vous allez à la rencontre de personnes, commerces ou institutions pour votre ouverture ?

Cela nous a été reproché par la mairie. Par habitude les lieux qui ouvrent viennent se présenter avant, ce que nous n’avons pas fait. Apprendre notre existence sans avoir pris le temps de présenter nos projets aux institutions avant les a peut-être froissé.
En terme de rencontre maintenant, le libraire du quartier accueillait et soutenait déjà notre projet. Il nous a incité à ouvrir ce lieu. Une fois pris possession du lieu, on s’était dit qu’on irait voir les commercant.e.s mais nous nous sommes pas rendu compte qu’il y avait une attente du voisinage pour que nous nous présentions. Nous sommes seulement allez voir le voisinage immédiat. C’est qu’une fois remarqué une curiosité de certains voisin.e.s que nous sommes passé.e.s voir tout le monde.

Expansive : Comment s’est passée l’ouverture ?

En vérité nous avons ouvert une première fois pendant deux mois où deux kermesses ont été organisées pendant les deux tours des élections présidentielles. Ces kermesses se déroulaient dans la rue. Elles ont ramené beaucoup de monde qui avaient voté ou non et ne voulaient pas vivre ce moment seul.e. Passer une journée à la rigolade plutôt que dans l’angoisse des élections. Nous avons aussi portés des cantines toutes les deux semaines dans la rue. Elles ramenaient elles aussi pas mal de monde. Des gens du quartier venaient manger, ou prendre des assiettes pour le soir comme ils iraient chez le traiteur.

Expansive : Pensez-vous avoir réussi à faire de ce lieu un lieu de quartier ?

On avait la volonté de s’ouvrir à des assos qui portent des projets dans la ville. On avait aussi l’envie de répondre à un vrai déficit de lieu pour se réunir à Douarn’ et faire face aux manques de structures qui correspondent à nos utilisations.
Dans les faits, il y a une multitude d’activités militantes ou non. Dans la forme des évènements mis en place aussi, on s’est rendu compte que des choses qu’on aimait faire attiraient du monde comme les boums ou les cabarets. Ce sont des moments qui permettent à des personnes qui n’auraient pas passé.e.s la porte d’entrée de rentrer ou de passer dire bonjour.
On essaie aussi de s’inscrire dans le contexte local en utilisant le lieu lorsque des évènements s’organisent en ville comme lors du salon de poésie "baie des plumes" ou le festival de cinéma.
Au début on ouvrait des permanences trois fois par semaine en se disant que ca habituerait les passant.e.s à ce que le lieu soit ouvert mais on s’est rendu compte que ce n’était pas si efficient que ca et que ca nous épuisait. Au bout de deux mois, on a changé de formule pour faire des ouvertures avec un objet, un thème.

Expansive : Quelles sont les activités proposées dans le Local et comment elles s’organisent ?

Il y a celles portées par le collectif du local et les activités proposées par des groupes, collectifs ou assos qui utilisent le lieu.
Des initiatives partent du collectif du local. Le groupe #theoryisswag porte des discussions autour de thématiques politiques. Des permanences d’entraide administrative et juridique sont aussi proposées tous les quinze jours. Des permanences de bibliothéques et féministe et sur les luttes paysannes sont organisées une fois par mois. Des rencontres et discussions autour d’essais politiques avec des auteurices sont aussi inscrites à l’agenda. Ensuite d’autres choses ont lieu de manière ponctuelle comme des projections, des soirées, etc.
La compagnie théatrale La Obra propose des cours hebdomadaires de breton et d’espagnol. Un café signe a lieu chaque mois. Un camarade propose des cours hebdomadaire de grec moderne. Une chorale pour enfant a lieu tous les samedis.

Pour l’organisation, une réunion mensuelle rassemble les propositions du collectif et celles reçues pour fabriquer la programmation du mois. Tout en étant ouvert sur le quartier, on souhaite conserver la portée politique de ce lieu et certaines propositions peuvent être refusées. Une des autres limites et que bien que non opposé à l’économie de la débrouille, on ne se sentait pas de porter des initiatives qui participent à l’enrichissement personnel. Pour des activités commerciales en galere de locaux, on ne se voyait pas faire le tri et/ou crouler sous les demandes. Concrétement, en ce qui concerne les évènements accueillis, on souhaite qu’ils soient gratuits ou à prix libre.
Par contre, on s’organise pour défrayer les invité.e.s et leur organiser des tournées finistériennes en prenant contact avec les différents collectifs du coin.

Expansive : Est-ce que vous avez une gestion collective de la tune ?

Oui il y a une gestion collective de la tune en ce qui concerne le financement du lieu. Les décisions sont prises en commun et l’argent réinjecté dans l’activité collective. Concrétement, le lieu est financé par les deux assos présentes qui payent le loyer. On a mis en place des cotisations mensuelles à prix libre par l’équipe du local. Des évènements avec buvette permettent de récolter de la maille tout comme des adhésions à prix libre par des soutiens individuels et collectifs. On a évidemment pas de subvention ce qui fait de nous un espace auto-financé. C’est précaire mais ça tient.

Ensuite, si tu parles d’une manière de générer des micros revenus pour les personnes impliquées, la réponse est non même si je suis pour ma part conscient.e que dans une situation de capitalisme de crise, ca peut être important de générer des moyens de subsistance dans des situations qui soient moins aliénantes qu’un travail salarié classique mais je considère que le local n’est pas le lieu pour organiser cela, d’autant plus qu’il ne le permet pas materiellement du fait de sa configuration. On aurait peut-être pu imaginer une activité générant des revenus mais le point commun était de construire un espace et des moments qui questionnent et nous éloignent au rapport à l’argent. On est clairement pas dans une posture de pureté idéologique et nous sommes empreint.e.s de contradictions. On essaie juste au quotidien de constuire nos objectifs.

Au final, cet espace est plutôt un espace de déconstruction des rapports marchands qu’un espace de micro-rapport marchands et pour le coup, c’est une décision collective.

Expansive : Quelles sont vos perspectives ?

En septembre, un chantier collectif autour du lieu va être programmé. L’objectif est de rester ouvert et de continuer à tisser des relations, nous questionner et se mettre face à nos contradictions.

P.-S.

Le local, c’est ce magnifique pas de porte en noir et violet au 5-7 rue sebastien Velly à Douarnenez, chez les Penn Sardin dans le 29.
Contact : Contact@lelocaldz.infini.fr

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