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Harz-Labour n°32 - Les fossoyeurs rennais en lutte contre la privatisation de leur service.

Mouvements sociaux Souffrance au travail Accident du travail Syndicalismes - Travail

En soutien au mouvement de lutte des fossoyeurs, Harz-Labour publie dès maintenant cet entretien, qui figurera dans le prochain numéro du journal, à paraître prochainement. Nous appelons tous nos lecteurs à signer la pétition contre le transfert au privé du service de fossoyage, et nous encourageons ceux qui le peuvent à effectuer un don à la cagnotte de soutien au mouvement des fossoyeurs.

Pétition à signer ici : https://www.change.org/p/rennais-rennaises-et-usagers-des-cimeti%C3%A8res-rennais-abandon-service-fossoyeur-ville-de-rennes

Pour faire un don à la caisse de grève des fossoyeurs : https://www.lepotcommun.fr/pot/cwtdzp1i

Bonjour Sylvain, merci d’avoir accepté de nous répondre. Vous avez été pendant plus d’un mois en grève, suite à l’annonce du transfert de votre service au privé. Tu peux nous raconter ?

Ils nous ont pris de court, en nous mettant au courant le 10 septembre de la suppression de notre service en mai 2022 et de son transfert au privé, et c’est suite à ça qu’on s’est mis en en grève. On est sortis de la réunion abasourdis, sans comprendre, et on a décidé dès l’après-midi de se mettre en grève, à cinq sur les sept membres de notre service.

Notre service est le premier à être privatisé, mais c’est à prévoir que d’autres le soient après. Le service de fossoyage est déjà privé à Nante (il y avait d’ailleurs eu un mouvement de lutte des fossoyeurs contre ça à l’époque), et ça ne marche pas si bien que ça … A Rennes, il est à prévoir qu’avec la privatisation et le transfert aux pompes funèbres, certaines opérations coûtent quatre fois plus cher, voire plus. Une urne qui coûtait 40 euros coûtera entre 200 et 250 euros. En passant par les pompes funèbres un enterrement peut facilement atteindre les 10 000 euros. Et pour ce qui est de la gratuité du service pour les personnes au RSA, il ne sera plus effectué gratuitement par les services de la mairie, mais la mairie enrichira une entreprise privée avec l’argent des impôts …

Et j’imagine qu’il y aura aussi une perte de droits pour les salariés embauchés par le privé, si on compare à votre statut.

Oui, tout ce qui est lié à la reconnaissance de la pénibilité (parce qu’on creuse parfois encore à la pelle et à la pioche lorsqu’il n’y a pas de passage pour la pelleteuse, ce qui entraîne des problèmes de dos), les primes, ou la possibilité d’être affecté à un autre service de la mairie après 17 ans de travail, tout ça va être perdu.

Tu peux nous raconter un peu les actions que vous avez menées ?

Dès notre première semaine de grève on est allés tous les jours sur tous les marchés de Rennes, devant les écoles, pour échanger avec les rennais et faire signer la pétition, qui a été signée par 2 000 personnes. On se voyait tous les jours entre grévistes, on s’est retrouvé le 16 septembre devant le cimetière de l’est avant de partir en manifestation, on est allés début octobre devant la salle Le liberté pour les remerciements de la maire, on a tenté d’interpeller les élus devant la salle de la cité. On a aussi participé à la manif interpro du 5 octobre, où on était très visibles, avec un cercueil, ce qui n’a pas plu à la mairie, tant pis.

Les habitants se sont souvent montrés solidaires. Il y a aussi le réseau de ravitaillement des luttes, qui a pris contact avec nous, nous a amené de la nourriture, nous a fait un don de 200 euros, alors que c’est animé par des gens qui sont au RSA. C’est surprenant mais c’est beau. C’est formidable des gens comme ça, ils ont fait pas mal d’actions intéressantes je trouve, je sais qu’ils avaient aussi soutenu la grève des postiers.

Et autrement, quelle a été la réaction de la mairie à vos interpellations ?

Ils n’ont même pas fait semblant. Devant la salle de la cité on nous a juste demandé d’aller plus loin. Autrement, aucune réaction, on a plusieurs fois demandé à être reçus, sans réponse. La mairie n’a même pas fait semblant … On ne sait même pas exactement quels sont les arguments de la mairie, puisqu’elle refuse de s’exprimer sur le sujet comme de nous recevoir. Elle se défausse sur notre direction qui est chargée de nous recaser. Et notre direction se borne à nous dire que « c’est politique » … Et évidemment, si notre service n’était pas si petit, si on n’était pas que sept, la mairie aurait déjà été contrainte de négocier, ou au moins de faire semblant.

Une réunion du comité technique a eu lieu fin septembre, quelle en a été l’issue ?

Il n’y a pas vraiment eu d’issue, on a manifesté devant dès le matin, et tous les syndicats ont voté contre la privatisation. Mais même si c’est contré lors d’un vote en comité technique c‘est en réalité la maire qui décide seule. Et évidemment, les quelques fois où la mairie argumente, le discours est totalement incohérent. La mairie insiste sur le fait qu’on ne serait pas suffisamment efficaces, et que le privé le serait plus, alors qu’ils ont fait en sorte qu’on soit en sous-effectif, et qu’ils demandent à certains d’entre nous de s’occuper de tâches auxquelles ils ne sont pas formées, par exemple la marbrerie. C’est la même stratégie que dans les hôpitaux, faire en sorte que le public ne soit pas satisfaisant, pour ensuite ouvrir la concurrence au privé.

Vous avez donc repris le travail récemment, après un mois de grève.

Oui, enfin, disons qu’on va au travail mais qu’il n’y a pas de travail. Quand on était en grève les enterrements ont été transférés au privé, et cela continue, puisqu’ils ont peur qu’on se remette en grève …

Et c’est évidemment plus délicat que dans un autre service. Il est d’habitude envisageable d’empêcher les briseurs de grève de faire le travail des grévistes, ce qui serait inenvisageable dans le cas du fossoyage ...

Évidemment, on ne peut pas perturber les enterrements, ça ne se fait pas … Il faut avoir du tact. Comme quand on tractait devant les cimetières, on arrêtait au moment des enterrements, par respect.

Vous venez d’être reçus par le service des ressources humaines le 19 octobre ...

Ça n’a pas donné grand-chose … il n’y avait pas d’élu, contrairement à ce qu’on nous avait assuré, et on nous a simplement dit que chacun va avoir une réunion individuelle à propos de sa réaffectation dans d’autres services de la mairie, alors qu’on demande toujours le maintien de notre service… Et on se bat en compagnie de notre juriste pour faire en sorte que la décision soit soumise au conseil municipal. Notre statut a été créé par le conseil municipal, ça ne peut pas être supprimé sans être de nouveau soumis au vote du conseil municipal.

Merci beaucoup pour tes réponses. On appelle évidemment nos lecteurs et lectrices à signer la pétition en solidarité avec votre mouvement, et ceux d’entre eux qui le peuvent à participer à la caisse de grève.

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