Bref aperçu des attaques actuelles de la Turquie contre le Kurdistan
Après l’attaque d’Afrin (2018) et de Serekaniye (2019), Erdogan a annoncé il y a 10 jours une nouvelle offensive militaire contre les territoires auto-administrés du nord et de l’est de la Syrie (Rojava). L’objectif est d’étendre la “zone de sécurité” de 30km de ‘profondeur’ au sud de la frontière de l’État turc. Avant-hier, ces plans d’attaque ont été précisés : la zone autonome de Sehba, directement adjacente à Afrin et au nord d’Alep, avec la ville de Tel Rifaat et la grande ville multiethnique et majoritairement arabe de Minbic, à l’est de Kobané, ont été désignées comme cibles. Tel Rifaat abrite des dizaines de milliers de personnes déplacées d’Afrin. Une autre attaque turque signifie une catastrophe humanitaire majeure pour la région et de graves souffrances pour la population. Elle implique un nettoyage ethnique définitif et une consolidation de la politique de colonisation turque. Les deux zones ont déjà été massivement bombardées par l’artillerie ces dernières semaines. Rien qu’avant-hier, plus de 300 obus d’artillerie ont été tirés sur la région de Sehba. À Tel Rifaat, il y a eu au total 7 attaques de drones cette année, hier une clinique de gynécologie a été touchée, et au total il y a déjà eu plus de 30 attaques de drones de combat sur les zones auto-administrées du nord de la Syrie cette année.
Évaluation géostratégique
Les deux zones susmentionnées sont contrôlées exclusivement par les forces russes, la Russie doit donc donner son aval à ces attaques. Sans accord avec la Russie, il n’y aura pas de nouvelle offensive terrestre majeure avec le soutien de l’aviation turque.
Pour la Turquie, ces zones sont d’une importance stratégique pour connecter les zones déjà occupées en 2018 (Afrin) et 2019 (Serekaniye) et les fusionner en une zone contrôlée contiguë. La carte maîtresse que détient Erdogan dans un éventuel accord avec la Russie est le VETO contre l’adhésion de la Finlande/Suède à l’OTAN. Cela pourrait être la contrepartie d’un feu vert de la Russie à une offensive turque. On ne s’attend pas à ce que la Russie cède immédiatement tous les territoires à la Turquie, de sorte qu’Erdogan ne parle plus d’une zone générale de 30 km de profondeur, mais désigne deux zones spécifiques. Si la Russie devait céder également Kobané, où elle est également la puissance protectrice, elle aurait peu de pouvoir de négociation en main pour semer la dissidence au sein de l’OTAN par la suite. La question, toutefois, n’est pas de savoir si, mais quand la nouvelle offensive majeure de l’armée turque commencera. À long terme, Erdogan veut occuper toute la bande frontalière avec la Turquie dans le nord de la Syrie. Il reste à voir comment les États-Unis, en tant qu’autre puissance protectrice du Rojava (zones orientales), se comporteront. Hier, l’ambassadeur américain en Turquie et le secrétaire d’État américain Blinken ont indiqué très clairement qu’ils rejetaient une nouvelle offensive turque dans le nord de la Syrie. Cela montre qu’ils craignent un accord entre la Turquie et la Russie et s’inquiètent des avantages pour la Russie. Peut-être se positionneront-ils pour offrir à Erdogan des parties des zones qu’ils contrôlent à l’est de Til Temir comme force de protection pour empêcher un accord entre la Russie et la Turquie. La Turquie affirme de plus en plus et avec assurance ses propres intérêts en tant que grande puissance au Moyen-Orient. Les succès militaires en Libye, en Syrie, en Irak et au Mont Karabakh ont fait d’Erdogan un acteur à part entière dans la région et au-delà. La Turquie est devenue une puissance en matière de drones. Le drone TB2, de fabrication turque, a joué un rôle essentiel dans le déroulement difficile de la guerre du point de vue de la Russie en Ukraine. Et Erdogan a besoin de cette nouvelle guerre à des fins de politique intérieure :
L’inflation reste élevée, la lire faible, l’économie en crise profonde. Les élections approchent en Turquie. Avec une nouvelle offensive sur le nord de la Syrie et la mobilisation nationaliste qui l’accompagne, Erdogan tente d’unifier la Turquie et de rassembler derrière lui. La guerre pour les votes, la sécurisation du pouvoir par une répression brutale et l’occupation de terres étrangères. Depuis avril 2022, l’armée turque attaque les zones de guérilla kurde, dites zones de défense de Medya, dans le nord de l’Irak/le sud du Kurdistan avec des avions, des drones, des hélicoptères, des canons ‘obusiers’ et en déployant des troupes au sol en violation du droit international. Malgré ce déploiement massif de forces et l’utilisation d’armes chimiques interdites, l’armée turque progresse lentement contre la guérilla. Celle-ci est bien préparée avec des positions en montagne, et les pertes du côté de l’armée turque sont importantes. Erdogan a donc besoin de toute urgence d’un succès dans la guerre contre la plus grande menace démocratique qui pèse sur son pouvoir : les efforts de libération, les mouvements de femmes et les mouvements démocratiques kurdes.
Les contradictions entre les superpuissances impériales que sont la Russie et les États-Unis (OTAN) sont par ailleurs l’occasion pour le Rojava d’acquérir une marge de manœuvre diplomatique. Le gouvernement autonome du Rojava s’adresse maintenant à l’opinion publique mondiale avec ses propres propositions, qui ont jusqu’à présent rencontré peu d’écho dans les médias. Le gouvernement autonome a proposé un compromis de sécurité et le déploiement de forces de maintien de la paix dans le nord de la Syrie.
Évaluation militaire
Les préparatifs turcs pour la guerre sont probablement presque terminés. Il s’agira de la première offensive turque qui ne trouve pas son origine sur le sol turc. Ni Sehba ni Minbic ne bordent directement le territoire turc. À Sehba, les FDS se préparent à la guerre depuis des années ; elles devraient être bien préparées. La région est très vallonnée. Minbic est une grande ville avec de nombreux grands bâtiments et les FDS sont aguerries au combat de maison à maison à Minbic, grâce à la bataille urbaine contre IS en 2016. La Turquie n’a jamais attaqué une aussi grande ville au Rojava. Les FDS seront certainement prêtes à défendre le Rojava contre une autre attaque de grande envergure, allant jusqu’au sacrifice.
JOUR X : l’invasion turque risque de commencer bientôt
Ces deux derniers jours, les ministres turcs des affaires étrangères et de la défense ont rencontré leurs homologues russes. Entre autres sujets, les plans turcs d’invasion des territoires de l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l’Est ont été discutés. Le ministre russe des Affaires étrangères, M. Lavrov, a déclaré que la Russie était “bien consciente des préoccupations de nos amis (la Turquie) concernant les menaces posées à leurs frontières par des forces extérieures, alimentant notamment les sentiments séparatistes d’unités soutenues par les USA en Syrie”, ce qui indique que la Russie pourrait approuver les plans de la Turquie visant à prendre de nouvelles mesures pour occuper une zone de 30 kilomètres de profondeur dans le nord et l’est de la Syrie. La Turquie a récemment annoncé qu’elle avait achevé ses préparatifs pour envahir les zones de Shehba et Tel Rifaat, tenues par les FDS, ainsi que la ville de Minbic. Des régions où la présence de militaires russes est importante. En outre, les responsables turcs ont déclaré que la Turquie a mis en place des conseils militaires responsables de l’invasion à venir, composés de membres de haut rang de leurs mercenaires islamistes qui connaissent bien les régions. D’autres réunions entre les responsables turcs et russes devraient avoir lieu dans les prochains jours. A l’heure actuelle, les informations disponibles indiquent qu’une attaque turque peut être lancée à tout moment.
Nous, campagne RiseUp4Rojava, condamnons l’agression du fascisme turc qui est une menace pour tous les peuples de la région. Nous condamnons les jeux géopolitiques joués par l’OTAN impérialiste ainsi que par l’impérialisme russe. Nous appelons tous les démocrates, les antifascistes, les féministes, le mouvement écologique et les activistes anti-guerre à se préparer pour le Jour X ; le jour de l’invasion par la Turquie du Rojava et de l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l’Est. En cas d’attaque, nous donnerons le signal pour passer à l’action. Pour riposter efficacement à une attaque, nous devons nous préparer, dès maintenant, être prêts à bloquer, perturber et occuper les partisans du fascisme turc et à défendre les acquis de la révolution !
#SmashTurkishFascism
#UniteInResistance
#RiseUp4Rojava
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info