1 - Un constat partagé ...
La sixième extinction de masse* [1] est en cours. Elle est beaucoup plus rapide que les précédentes et concerne potentiellement l’ensemble des espèces, ce qui est inédit. Plusieurs limites écologiques ont déjà été franchies (destruction de la biodiversité, concentration des gaz à effet de serre, déforestation et dévastation des sols, pollutions en tous genres) tandis que d’autres sont en passe de l’être (acidification des océans, raréfaction de l’eau douce). C’est du caractère habitable ou non de la planète dont il est désormais question. À ces limites dépassées s’ajoute celle de la raréfaction des « ressources naturelles » non renouvelables : les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) et les minerais, utilisés pour à peu près tous les biens et services actuels (dont la production d’énergies dites renouvelables). Nous sommes sur terre depuis des centaines de milliers d’années, mais ces dépassements ne se sont enclenchés que depuis deux siècles (depuis l’expansion du capitalisme), et plus particulièrement depuis la deuxième moitié du xxe siècle – soit très récemment. C’est ce qu’on appelle la grande accélération*. Concernant les dérèglements climatiques*, dépasser une augmentation globale de 1,5 °c (à l’horizon 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle) enclencherait un emballement climatique dont nous ne pouvons mesurer l’ampleur. De nombreuses boucles de rétroactions* existent et nous risquons de nous diriger vers une planète étuve*. Nous sommes à 1 °c de réchauffement et nous pouvons déjà observer aux quatre coins du monde ce que cela produit. Les effets ne font malheureusement que commencer. Or, les causes de ces dérèglements continuent plus que jamais d’être alimentées et la trajectoire actuelle nous mène vers une augmentation de 4 °c, 5 °c ou plus. À titre de comparaison, la différence de température entre l’ère pré-industrielle et la dernière glaciation était d’environ 5 °c. Un basculement écologique est donc en cours et il est irréversible dans plusieurs de ses aspects. Il ne s’agit pas d’une « crise » qui pourrait être suivie d’un retour à la situation antérieure. Il ne s’agit pas d’un événement instantané, ni homogène dans l’espace, ni linéaire dans son intensité. Seule l’ampleur de ces basculements écologiques peut, et doit, être réduite. Les collapsos [2] participent à forcer la prise en compte plus que nécessaire de ces constats, qui sont largement niés depuis les années 1970 au moins. Malheureusement, leur manière de présenter les choses n’aide pas forcément à être lucide sur la situation et à y réagir en conséquence.
2 - Les limites importantes des discours de l’effondrement
Voici plusieurs définitions de « l’effondrement » utilisées par les collapsos. Elles sont particulièrement vagues :
« Baisse rapide et déterminante d’un niveau établi de complexité socio-politique. » (Joseph Anthony Tainter [3])
« Réduction drastique de la population humaine, et/ou de la complexité politique, économique, sociale, sur une zone étendue et une durée importante. » (Jared Diamond [4] )
« Situation dans laquelle les besoins de base (eau, énergie, alimentation, logement, habillement, mobilité, sécurité etc.) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi. » (Yves Cochet [5] )
« [Terme faisant référence à] l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle et/ou des écosystèmes et espèces vivantes, dont la nôtre. » (Pablo Servigne et Raphaël Stevens)
« L’effondrement » défini comme tel concerne tous les aspects d’une société. Les basculements écologiques (ou une crise financière, une guerre, etc.) joueraient le rôle de déclencheur de cet effondrement généralisé.
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