À 18h, nous sommes 200. Les gens discutent, se donnent les dernières nouvelles de la ZAD, se tiennent chaud. Le ciel est clair, et l’on sent que le printemps est déjà entamé. Le temps passe, tranquillement, et une heure plus tard, nous nous trouvons plus d’un millier. Mine de rien, Sainte-Anne s’est remplie, et l’on y croise toutes sortes de personnes, toutes sortes de drapeaux, mais une même volonté commune, celle de répondre à l’attaque en règle menée contre l’espoir que porte la ZAD, et de défendre notre victoire si chèrement acquise.
Après une longue intervention venant faire le bilan de la journée, et exposant les différents rendez-vous des jours à venir pour mettre la pression sur l’État, les premiers slogans fusent, qui ponctueront toute la manifestation. "La ZAD vivra / la ZAD vaincra / ce qu’ils détruiront / nous le reconstruirons", "Et la ZAD elle est à qui ? Elle est à nous !", "Le 15 avril dans les champs / pour que l’État déchante", "Monte une équipe de zadistes / démonte une équipe de fascistes", ou encore "Zad partout / police nulle part". Autant de scansions qui viennent rythmer le cortège qui commence à s’ébranler.
Nous savons la police présente massivement, tout autour de la place. Nous décidons de nous engager dans la rue d’Échange, encore libre, pour essayer de rejoindre la Place des Lices par la rue de Dinan. Au bout de laquelle nous attendait l’inévitable compagnie de CRS, bien déterminée à ne pas nous laisser pénétrer dans ce beau centre-ville, "poumon commercial" de la ville si chère à nos élu.e.s, de peur, peut-être, que nous ne l’égratignions. Pourtant, si nous avions dès le départ fait le deuil de toute possibilité de défiler dans le centre, nous n’en avions néanmoins pas dit notre dernier mot. Remontant la rue de Dinan, puis la rue Legraverend, nous nous sommes engouffré.e.s sur le boulevard de Chézy, à contre-sens, pour retrouver, une nouvelle fois, la route barrée par les mêmes CRS. À notre approche, l’un d’entre eux s’est passablement distingué par le lancer, fort maladroit, de deux grenades lacrymogènes qui nous firent doucement refluer.
En ces temps de luttes sociales intenses dans de nombreux secteurs, nous avions décidé d’un petit clin d’oeil à nos camarades cheminot.e.s en grève. Ainsi, le cortège a remonté le boulevard du 42e Régiment d’Infanterie pour se diriger vers les rails de la halte ferroviaire toute proche. À l’aide du téléphone de service, nous avons fait savoir notre intention de nous engager sur les voies, forçant ainsi une coupure générale d’électricité sur le réseau ferroviaire et arrêtant les quelques trains impudents qui auraient eu le front de vouloir encore circuler par jour de grève. Si une partie du cortège s’est engagée sur les rails, un certain flottement s’est fait sentir, et il a bien fallu se rendre à l’évidence que la majorité des présent.e.s n’étaient pas vraiment à l’aise avec l’idée d’une gentille promenade sur ballast. Après avoir amoncelé divers matériaux de chantier sur les voies, histoire de retarder un peu plus la reprise du train-train quotidien, nous sommes reparti.e.s.
Direction le Mail, cette fois-ci, pour remettre une nouvelle fois la pression sur le centre-ville. Au bout de celui-ci, une importante ligne de CRS nous attendait de pied ferme, barrant la route vers la place de Bretagne et République. Pourtant, nous nous sommes une fois de plus approché.e.s. Sans sommation, les flics ont de nouveau tiré des gaz lacrymogènes dans notre direction. Nous avons ainsi reflué, puis ravancé, puis reflué de nouveau pour ravancer encore, chaque fois un peu plus hardi.e.s. On raconte que quelques projectiles auraient fusé vers les pandores, toujours sous les chants et les slogans. Une petite charge en notre direction acheva de nous convaincre que nous n’étions décidément pas de taille à engager un affrontement direct ce soir-là, et nous a rappelé que nous préférions rentrer tou.te.s sain.e.s et sauves, sans arrêté.e.s ni blessé.e.s. Un coup de matraque à la tête, provoquant une entaille superficielle du cuir chevelu, fut néanmoins à déplorer.
Afin d’assurer d’une dispersion en bonne et due forme, le cortège s’est ensuite dirigé vers l’université de Rennes 2, où nous savions pouvoir trouver repos et amitié, notamment grâce à la présence de l’amphi B7 occupé. Nous nous sommes ainsi quitté.e.s, fatigué.e.s, avec toujours la rage contre ce déversement de flics enserrant nos vies et nos luttes sans sembler avoir de fin, mais joyeu.x.ses d’avoir vu tant de monde répondre à l’appel de la ZAD. L’espoir qu’elle dissémine semble être contagieux, même dans ces moments durs, et nous sommes reconnaissant.e.s envers ces foules hétéroclites qu’elle semble faire éclore un peu partout. Nous savons que nous nous retrouverons, bientôt, car la semaine est loin d’être encore finie !
Pour rappel, ce mardi, à 18h, aura lieu à l’université Rennes 2, probablement dans le bâtiment B, une assemblée pour déterminer collectivement les suites à donner à la défense de la ZAD depuis Rennes. Expansive.info se fera le relais des nouvelles dates et propositions, alors consultez-le sans modération. De plus, un point info sur la situation sur place et un espace pour recueillir des dons en direction de la ZAD se tiendra tous les jours à la Maison de la Grève, 37 rue Legraverend, à partir de mercredi.
Et bien sûr, faisons en sorte d’être nombreu.x.ses, visibles, et redoutables pour les deux grands rendez-vous de ce week-end : le samedi, à 14h30, place du Cirque à Nantes, et le dimanche, pour la manifestation de réoccupation et de reconstruction sur la zone (plus de détails dans les jours qui viennent).
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