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La vie normale

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La vie normale

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Clément Lacroûte

Le gouvernement a finalement choisi d’imposer la vaccination, mais évidemment sans le dire. L’obligation prend la forme que l’on sait : le « pass sanitaire », l’obligation de montrer patte blanche de plus en plus fréquemment, et dès août à l’entrée de n’importe quel troquet.

Les choix qui restent à celles et ceux qui ne souhaiteraient pas se faire vacciner s’amenuisent : s’exclure de fait d’un nombre potentiellement croissant de lieux ou se faire dépister à la moindre occasion, à leurs frais à partir d’octobre. C’est la double logique de l’impérialisme d’exclusion et de l’état d’exception décrite par Robert Kurz qui préside ici. L’année dernière encore, les médias européens se gaussaient des méthodes de contrôle totalitaire développées en Chine déjà avant la pandémie, et qui permettaient pendant le confinement de régler avec une couleur sur les smartphones des citoyens leur droit d’entrée dans les lieux publics. Maintenant, l’Occident « démocratique » a récupéré son retard et perdu ses dernières pudeurs. On voit alors que la démocratie marchande n’est pas le contraire du totalitarisme, mais seulement une autre forme de l’état d’exception.

Tout cela au nom de quoi ? Du retour à « la vie normale ».

Pour un enfant de douze ans, dès la fin août, la « vie normale » consistera à accepter d’être contrôlé, à l’entrée des fast-foods, centres commerciaux, cinémas, parcs d’attractions, lieux privilégiés de la « prise d’autonomie » des pré-ados pendant leurs temps de loisirs. D’accepter que sa santé soit un paramètre publique, non seulement accessible à son médecin, mais aussi à n’importe quel vigile. Accepter que sa santé, quel que soit son état réel, son système immunitaire, son passé et ses possibles co-morbidités, soit traitée strictement à l’identique de celle de l’ensemble de la population adulte. Et de croire, comme le gouvernement français le répète inlassablement, que la progression de l’épidémie relève de sa responsabilité.

Retrouver une « vie normale ». Une vie qui a permis la baisse constante de la réponse immunitaire : épidémie de SIDA qui continue de tuer en silence, cancers de plus en plus nombreux, qui frappent de plus en plus tôt, maladies auto-immunes, asthmes et allergies, sans parler des dommages psychologiques engendrés par la « société du travail ». Une vie qui entretient la catastrophe écologique en cours depuis si longtemps, catastrophe qui procède des mêmes causes et engendrent les mêmes effets sur la « santé » : radioactivité de l’air, canicules étouffantes, air des villes irrespirable… Et désormais cette maladie qui conduit des femmes et des hommes sur toute la planète à mourir asphyxiés.

La « vie normale » est celle qui nous a menés là. Qui souhaite réellement y revenir ?

Le président français a refusé la stratégie dite « zéro-covid », arguant que celle-ci ne fonctionnait que dans les îles et les dictatures, la France n’étant ni l’une, ni l’autre. Qu’est-ce alors que cet État français et ses dispositifs d’exception ? Comment décrire, sans tomber dans la caricature de roman d’anticipation, cet État qui a exigé des laisser-passer pendant le confinement, pendant le couvre-feu, puis désormais pendant l’état d’urgence sanitaire entériné comme permanent ? (notons ici que le gouvernement parie en effet sur une prolongation indéfinie des lois qui lui permettront de mettre en place ce « pass sanitaire étendu »). Combien d’États qui ne sont « ni des îles, ni des dictatures » ont-ils déjà imposé la vaccination contre le covid à leurs citoyens, à leurs enfants ?

Il est ici indispensable de ne pas tomber dans la sombre caricature qu’offrent les soit-disant « anti-systèmes », qui sont au bas mot de véritables néo-conservateurs. Le pass sanitaire n’est pas une étoile jaune, et ces gens dénoncent l’« apartheid » d’abord lorsque ce n’est pas celle qu’ils souhaiteraient établir. L’anti-capitalisme tronqué, le détournement des discours révolutionnaires, sont le véhicule choisi depuis trop longtemps par les réactionnaires pour détourner d’éventuelles forces insurrectionnelles. Le deuxième mouvement de la manœuvre consistant ensuite à accuser tout discours réellement critique de « faire le jeu de l’extrême droite ».

On peut pourtant choisir de ne faire le jeu de personne, et éviter la caricature : la France et les États européens qui coordonnent la surveillance sanitaire ne sont pas des dictatures, mais juste des états modernes. Le droit leur permet d’instaurer et moduler un « état d’exception » quasi-permanent, qui annule justement le droit et crée l’exception totalitaire qui confirme la règle démocratique. L’état d’exception, couplé à différents mécanismes d’exclusion, permet aux États de protéger et d’assurer la reproduction du système de production marchande. Le pass sanitaire s’appuie précisément sur l’état d’exception sanitaire pour instaurer un critère explicite d’exclusion des individus. Soit on accepte de se prouver « sain », soit on accepte l’exclusion, ce schéma pouvant s’appliquer aux échelles locales, nationales, internationales. La crise sanitaire a soumis à un tel tri, pour un court laps de temps, les échanges marchands, la production, le travail salarié. Mais le mouvement continuel du « sujet automate » exige qu’un tel tri soit effectué sur les individus, qui ne sont que le support de la production, et pas sur la création de valeur.

Il ne s’agit donc pas ici de s’opposer à la vaccination en tant que telle. Il s’agit de s’opposer à ce qui détruit notre santé à tous : le mensonge permanent d’une société qui travaille à la production de valeur, et ne se soucie de rien d’autre. La « santé » dont il est question actuellement ne se préoccupe que de deux choses : que celles et ceux qui travaillent puissent tenir debout pour continuer de travailler, sans contaminer les autres, au risque de paralyser certaines chaînes de production. Il faut que les hamsters tiennent bon, pour que la roue capitalise puisse continuer de tourner à vide.

Clément Lacroûte, 20 juillet 2021.

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