>>> Pour télécharger le tract :
https://www.pontcerq.fr/wp-content/uploads/2025/01/Competences-tract-A4-etudiants-RENNES_20250304.pdf
>>> Pour télécharger un document concernant les compétences à Rennes 2 :
https://www.pontcerq.fr/wp-content/uploads/2025/02/Document-Universite_RENNES_2-decembre2024c.pdf
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Chères étudiantes et chers étudiants,
L’Université de Rennes 2 est en train de basculer vers l’Approche par compétences. Des réunions d’UFR vont avoir lieu en ce sens dans les semaines qui viennent.
Le terme de « compétence », au premier abord, est très positivement connoté : pourtant, en obligeant les enseignantes et enseignants des différentes disciplines à formuler leur enseignement en termes d’« objectifs », et en exigeant que ces objectifs prennent place dans des référentiels pilotés extérieurement (et en réalité gouvernementalement), cette approche est en train de réaliser une véritable capture de l’enseignement.
Il se peut que cette question vous paraisse lointaine, étrangère à vos préoccupations ; voire bien secondaire par rapport à d’autres contraintes tout aussi imminentes qui pèsent sur l’université (restriction drastique des budgets alloués, difficultés croissantes à financer ses études, son logement, etc.).
Nous ne faisons par ce tract que vous inviter à suivre de très près le concept de compétence – tout autour de vous.
Car la « compétence » est un des concepts centraux du néolibéralisme : elle est en effet le lieu où la logique néolibérale vient se greffer sur l’individu lui-même. Devenir l’individu du monde néolibéral, c’est devenir et s’appréhender soi comme un être muni de compétences, et continuant « tout au long de sa vie » à se munir de compétences – de nouvelles compétences étant en permanence requises par les transformations du marché de l’emploi et par les aléas et « évolutions » de la société. (Pilotage gouvernemental, requérant périodiquement de « nouvelles éducations à » ceci ou cela.) La compétence, contrairement à ce qu’on lit souvent, n’existe pas seulement pour servir à préparer les étudiantes et étudiants au marché du travail flexibilisé (bien qu’elle soit cela aussi) ; elle a de surcroît une vocation biopolitique : à savoir l’éducation des individus, pris isolément, à une citoyenneté juste-milieu et propre (bons comportements en matière sanitaire, informationnelle, etc.). La gouvernementalité nouvelle est là pour éduquer (quand l’université était là pour enseigner).
Remarquez par ailleurs que, de tous les concepts néolibéraux, celui de compétence est le seul à avoir pénétré aussi avant dans le milieu scolaire – de la maternelle à l’université. C’est que la compétence, d’abord concept de gestion de ressources humaines, est également pédagogique. (Les enseignants, si on ne la leur avait ainsi présentée, ne l’auraient sans doute pas acceptée comme ils l’ont acceptée.) La compétence est donc un concept à la fois politique et pédagogique : c’est le lieu où la politique se fait pédagogie (comme inculcation de bons comportements, comme « éducation à ») ; et où la pédagogie se fait politique (comme asservissement du savoir à des buts relevant d’une gouvernementalité extérieure).
L’éducation des individus par leur « compétences » est un pilotage éminemment « positif » : on n’a pas besoin de sanctionner un individu ; on n’a besoin que de le munir de compétences nécessaires à sa bonne « intégration », « adaptation » ; il s’agit, très positivement, de produire le sujet conforme « à la société existante », « au monde du XXIe siècle », « à la société telle qu’elle est », en le munissant des compétences requises par ce monde, par cette société. (Cela inclut fondamentalement des compétences de résilience, de flexibilité, de soumission, etc.). (Les lecteurs de Foucault parmi vous auront reconnu l’usage qu’on peut faire ici de sa philosophie.)
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Saisissez-vous de ce terme de « compétence ». Apprenez à le voir clignoter. Apprenez à le faire clignoter vous aussi !
Demandez des explications à vos enseignantes ou enseignants sur la réforme en cours actuellement à Rennes 2. Il n’est peut-être pas tout à fait normal que l’université soit ainsi « redéfinie », et que cela se passe derrière des portes closes de réunions d’UFR, sans que vous soyez le moins du monde informés – à la mesure de l’enjeu. Vos enseignantes et enseignants auraient-ils honte à ce point de ce qui est en train de se passer pour que tout cela ait lieu dans un tel silence – derrière les portes fermées de ces salles de réunion ?
Demandez-leur de vous parler des « ingénieurs pédagogiques » payés par l’Université pour l’asservir : et de la DAP (Direction d’appui à la pédagogie). Demandez-leur s’ils savent où se trouve la DAP par exemple ; et ce qu’elle fait pour vous ; ou contre vous ; au quotidien.
Nous vous soumettons pour finir une considération générale (provocation ?). On peut encore imaginer qu’un enseignement véritable d’histoire, de psychologie, de sociologie, de mathématiques, ait lieu assis par terre (faute de moyens pour avoir une salle, des chaises, des tables…) ; il est en revanche impossible, même dans un bâtiment qui offre un toit, des chaises, des amphithéâtres flambants neufs et confortables, d’imaginer qu’un enseignement véritable ait lieu, si on l’a au préalable toujours déjà refermé sur l’acquisition de compétences prédéterminées et référentialisées. L’enseignement est toujours un initium, un commencement absolument ouvert (à tous les possibles). La compétence est exactement au contraire le moyen de domestiquer ces puissances infinies du savoir ; et de les refermer – toujours, implacablement – sur « la société telle qu’elle est ».
Pontcerq,
comite-action-competence-pontcerq@riseup.net
Rennes, 4 mars 2025.
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