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Politikos, un festival au public select mais au large budget

Rennes
Cultures - Contre-cultures

Mais les associations de cinéma locales dénoncent un événement hors sol parachuté de Paris, et se désolent des abondantes subventions qui sont accordées à une si récente association et qu’elles, ne parviennent à obtenir. Trois fédérations d‘associations (Films en Bretagne, Collectif des festivals et ARBRE) ont d’ailleurs rédigé un communiqué de presse commun le 21 septembre dernier pour exposer leur opinion sur ce financement qu’elles jugent profondément inégal. Les subventions allouées pour la tenue de cet événement sont de 190 000 € par la Région Bretagne, 30 000 € par le département et de 100 000 € par la métropole, sans compter les 30 000 € versés par la DRAC Bretagne encouragée par le ministère de la culture, alors que l’association rennaise de promotion et diffusion de cinéma documentaire « Comptoir du doc » se voit contrainte de quitter son local avant la fin de l’année… Des organismes privés comme EDF et Orange ont également été approchés. Piloté par le journaliste et documentariste Jean-Michel Djian, auteur de François Hollande, le mal aimé, ce festival est une caricature grossière des manifestations aseptisées promues par les pouvoirs publics actuels. Analyse et décryptage de ce festival à l’image lisse et à la communication rodée.

De la logique économiciste du Couvent des Jacobins

Le Couvent des Jacobins, qui était en cours de rénovation depuis 2015, a ouvert ses portes au public début 2018. Caractérisé par l’énorme écran publicitaire aux 36 000 leds installé en son haut, il a coûté plus de 100 millions d‘euros à la métropole pour sa construction en plein quartier historique de Sainte-Anne et ses coûts de location pour y organiser des événements sont bien trop élevés pour les petites associations. La logique qui domine maintenant la programmation de ce centre des Congrès semble être le retour sur investissement, en témoigne éminemment le lapsus de l’élu métropolitain Michel Gautier, en charge du tourisme et du rayonnement de la métropole, lors du dernier conseil. En annonçant les taux d‘affluence au couvent pour les précédentes manifestations, il a confondu le terme « visiteurs » avec « euros ». Ce même élu a d‘ailleurs ensuite expliqué qu’on pourra juger de la réussite de l’événement selon les retombées économiques une fois terminé…

Une visibilité à tout prix

Le Couvent des Jacobins accueille régulièrement des événements à portée extra-régionale, tels que, récemment, deux congrès scientifiques internationaux, attirant ainsi une population externe à Rennes et souvent aisée, participant à la gentrification de la ville. Le festival Politikos permettrait à priori lui aussi un rayonnement de la région au niveau national voire international. Mais quid de l’opinion et du bien-être des habitant·es permanent·es de Rennes face à la mécanique du tourisme d’affaires ? (habitant·es qui devront payer la facture en tant que contribuables si le centre des congrès n’est finalement pas rentable). La subvention de 100 000 € accordée par la métropole à ce projet n’a d’ailleurs pas été votée en séance, elle a été décidée par le bureau du conseil entre le président et les vices-président·es, et les élu·es EELV sont relativement isolé·es au conseil métropolitain dans leur combat pour la protection des petites associations culturelles.

Un projet réalisé grâce au réseautage

L’idée de ce festival a germé dans l’esprit du journaliste Jean-Michel Djian, qui a fait joué son réseau pour le mettre en place rapidement, en coopération avec Nathalie Sultan, l’ancienne conseillère culture de Manuel Valls à Matignon. Il a rencontré les présidents de la région, du département et de la métropole pour en discuter. Ils auraient tout de suite été séduits, ainsi que les collectivités. Puis Jean-Michel Djian a créé une association (parisienne) en novembre 2017 présidée par Edmond Hervé et domiciliée à Rennes, au cinéma L’Arvor. Tout est allé très vite, c’est plus facile quand on a les bons contacts…
Même les quelques efforts mis en place pour minimiser cette image d’entre-soi, comme la participation d‘étudiant·es notamment d‘étudiant·es en journalisme de la « Chance au concours », ne parviennent pas à masquer l’hypocrisie du festival, qui prend en partie place à l’IEP, lieu où la police est entrée en mai dernier (cf. Noctambule n°16) pour arrêter quelques étudiant·es occupant la bibliothèque en protestation contre la loi ORE et le tri social implicite de cette loi. Tout un symbole qui confirme que le festival n’est fondamentalement pas accessible à tou·tes et qu’il n’y a pas de place pour tout le monde, à l’instar de ce que répète l’organisateur.

Une programmation terne et des invité-es en mal de reconnaissance

En examinant la programmation du festival, on ne peut s’empêcher de penser quelque peu au cynisme des Assises de la Citoyenneté (auxquelles Jean-Michel Djian a participé), organisées en janvier 2018 et reconduites pour 2019 dans ce fameux couvent, qui proposaient à des personnalités telles que Pierre Gattaz ou Marlène Schiappa de débattre sur le « vivre ensemble ». Ironique non ? Pour Politikos, ce sont Xavier Bertrand, Manuel Valls, François Hollande, Jean-Louis Debré, Roselyne Bachelot, Cédric Villani, Hervé Berville, Gaspard Gantzer, ou encore Franck Louvrier qui viennent discuter de (cinéma) et de politique. Soit dit en passant, les président-es de la région, du département et de la métropole font partie des invité·es, ainsi que la maire de Rennes Nathalie Appéré qui débattra de « La figure fantasmée du maire ».
Le festival est en outre très masculin. Non seulement il est organisé par des hommes, mais la majorité des invité·es le sont aussi, et sur les quarante-huit réalisateur·ices des films programmés, uniquement cinq réalisatrices sont représentées.
D’autre part, les sujets traités par ces films ne sont pas tant sur la politique en soi que sur l’exercice du pouvoir, beaucoup étant des biopics de personnalités politiques. C’est donc une certaine vision de la politique, la politique représentative et celle du pouvoir qui est mise en scène dans ce festival (le terme « politique » vient du grec « polis » signifiant « la cité ». La politique à l’Antiquité désignait de manière globale les affaires publiques, la société organisée et, dans une moindre acceptation, la pratique du pouvoir. « Politikos » se traduit littéralement par « qui vient de la cité »). Et ce type de politique diffusée par le festival est celui-là même qui est rejeté depuis des années par la population, à travers l’abstention ou les votes de contestation notamment.

Un festival au service de logiques fermées

Ce festival est donc un festival élitiste, entre classes dirigeantes, pour les classes aisées, et aux frais du contribuable, pendant que les petites associations peinent à survivre subissant des coupes budgétaires et devant gérer la suppression des contrats aidés. La politique de Rennes métropole vis–à–vis de ce festival rejoint une logique globale de « modernisation » et d’« attractivité » du territoire rennais, au détriment de l’histoire et du paysage urbain, et plus généralement au détriment du bon vivre des habitant·es que la gentrification appauvrit, les projets PLU (Plan Local Urbanisme) ou EuroRennes entrepris par la métropole et la ville, et portés par la société « Destination Rennes » en sont de fervents exemples.

En attendant avec hâte la tenue de Politikos à Rennes, vous pouvez participer au festival international du court métrage insolite et fantastique « Court Métrange » qui a lieu au cinéma Gaumont de Rennes du 16 au 21 octobre prochain.

P.-S.

Article pécho sur noctambule.info

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