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Votre smartphone devient un auxiliaire de police

Politiques sécuritaires - Surveillance

Les sénateurs ont adopté un article du projet de loi du ministre de la Justice qui permet de transformer n’importe quel objet connecté en mouchard à des fins d’enquête criminelle ou antiterroriste. Une extension du domaine de la surveillance qui doit inquiéter les défenseurs des libertés publiques.

"Votre smartphone devient un auxiliaire de police"
Source : "rennes-info.org"

Les sénateurs ont adopté un article du projet de loi du ministre de la Justice qui permet de transformer n’importe quel objet connecté en mouchard à des fins d’enquête criminelle ou antiterroriste. Une extension du domaine de la surveillance qui doit inquiéter les défenseurs des libertés publiques.

Imaginons. Si l’une des premières mesures d’une Marine Le Pen présidente avait été de permettre à la police et aux services de renseignements de transformer, à l’insu des citoyens, tous les smartphones (même éteints et même hors appel) en potentiels outils d’écoute, il est certain que même ceux qui viennent, au Sénat, de voter en faveur de cette possibilité, seraient dans la rue, avec les défenseurs des libertés publiques pour protester. Le Sénat a pourtant ouvert la voie mercredi 7 juin à l’adoption d’une mesure autorisant le déclenchement à distance des caméras ou micros des téléphones individuels pour certaines enquêtes. Le tout dans une indifférence générale. L’examen en première lecture d’un article du projet de loi du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti prenant le sens de cette pente dangereuse n’a pas vraiment suscité de levée de boucliers.

Une technique hyper intrusive
Les sénateurs macronistes et leurs collègues de droite, dans une configuration d’alliance opportuniste désormais classique, se sont prononcés pour, alors que la gauche s’y opposait. Il faut bien préciser que cette disposition prévoit d’autoriser le déclenchement à distance des ordinateurs, tablettes ou smartphones sans que leurs propriétaires s’en aperçoivent. Cette technique hyper intrusive permet non seulement une géolocalisation précise, mais l’activation de micros et caméras des appareils par une sorte de prise de contrôle à distance furtive. Ces deux dernières possibilités seraient toutefois réservées aux affaires de terrorisme et de délinquance et criminalité organisées. L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) a réagi à ce premier vote sénatorial sur le sujet en dénonçant une « surenchère sécuritaire » […] qui permet de transformer n’importe quel objet connecté en mouchard.

Le problème, c’est qu’il a été démontré par plusieurs enquêtes de presse que des outils et méthodes de surveillance généralement réservées au terrorisme ont déjà été utilisés dans le cadre du pistage d’activistes écologistes. Même si le ministre de l’Intérieur s’est fait recadrer par Matignon quand il a prononcé le terme d’« écoterrorisme », il est acquis que de nombreux militants écologistes radicaux sont surveillés, écoutés, ainsi que leurs proches, au même titre que les islamistes radicaux et autres fichés S. Le Sénat a tout de même adopté un amendement LR signé Bruno Retailleau qui prévoit de limiter la possibilité de recourir à la géolocalisation aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement, contre cinq ans dans le texte initial. La gauche a tenté, en vain, d’aller plus loin, en étendant la protection aux journalistes, comme c’est le cas pour les avocats, magistrats ou parlementaires.

Que ferait de ces outils un régime autoritaire ?
Tout doit être fait, bien sûr, pour lutter contre le terrorisme. Tout, dans la limite du respect des libertés publiques. Cette affirmation est assez vague et élastique pour suffire. La majorité et la droite devraient penser à un truc important quand ils légifèrent pour répondre favorablement aux demandes des services de sécurité : ils ne seront pas toujours au pouvoir et des outils de surveillances de masse tomberont peut-être bientôt entre les mains de gouvernants aux penchants autoritaires. La méthode des régimes illibéraux n’est pas de permettre explicitement plus de surveillances, mais plutôt de réduire, par petites touches progressives, le pouvoir des juges à contrôler l’utilisation de ces outils et méthodes intrusives.

Souvent l’argument du législateur qui autorise de nouveaux moyens de surveillance est, en substance le suivant : puisque l’outil technique existe, il sera utilisé. Alors autant en encadrer strictement l’utilisation. Mais même en encadrant juridiquement l’usage des technologies de surveillance, tout repose sur la définition même du danger et du terrorisme par les gouvernants. La fin ne peut justifier les moyens en matière de libertés publiques dans un Etat de droit. L’utilisation récente des dispositions de la loi séparatisme ou de moyens de surveillance profonde à l’encontre d’activistes écologistes devrait inciter le législateur à se pencher, non seulement sur le danger intrinsèque de certaines techniques (reconnaissance faciale ou écoute généralisée possible via des objets connectés) mais aussi de la définition plus stricte de la notion de danger terroriste. Le soi-disant « écoterrorisme » n’a jamais tué personne.

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