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[2e jour sur la ZAD] Partie de poker de bon matin à Bellevue

Zad de Notre-Dame-des-Landes
Autonomie & auto-gestion Mouvements sociaux

La pleine lune a fait effet durant la nuit et les plus déterminé.e.s ont prolongé la journée du lundi après l’intervento du soir à l’Ambazada.

L’intervento, c’est cette forme de spectacle au carrefour entre le théatre, le cinéma et la présentation. Une intervention portée par plusieurs compagnon.ne.s de la lutte anti-aéroport. Le thème de cet évènement : la séquence italienne allant des années 60 aux années 80 permettant la constitution d’une force autonome puissante dans ce pays. Cet intervento, c’était aussi le premier évènement à portée culturelle et politique proposé dans l’Ambazada depuis la dernière séquence de chantier qu’a connu ce lieu au mois d’août 2018. Concrétement, c’était l’occasion de tester la nouvelle monture du batiment et notamment de profiter des magnifiques murs posés durant l’été par un rassemblement héteroclite de brigades basques et d’autres mains accompagnant le mouvement depuis des années. Dans l’assistance, une foule actrice qui rigole des coups d’éclats de l’autonomie italienne. Et cette vague impression que le temps d’une soirée, la magie de la ZAD se réactualise.

Mardi matin donc
Le soleil ne s’est pas encore complétement levé et pourtant, quelques personnes sont déjà rassemblées à Bellevue pour se balader au pas de course à travers la ZAD. La journée s’annonce radieuse. Les lumières sont magnifiques, et la vision du phare de la Rolandière, taguée d’un blagueur et acerbe tag AV (a vendre), guide ces joggeur·euses du mardi.

A leur retour, le petit déjeuner est déjà installé et les tartines s’enchaînent. Il est déjà presque 9h et la discussion "rapports de force et négociations" semble attendue. Cette discussion, elle est portée par une tendance politique du mouvement qui organise en parallèle des rencontres intergalactiques une série de rencontres pour "reprendre du souffle".

La discussion se lance pendant que des balades s’organisent depuis l’Ambazada. Au carrefour de la Saulce, un groupe d’une cinquantaine de personnes fait fuire une bagnole de gendarmerie par sa seule présence.

Dans un premier temps, un retour est effectué sur le processus historique des différentes étapes de négociations lors du mouvement contre l’aéroport : c’est tout d’abord la grève de la faim qui avait permis d’obtenir l’accord de non-expulsion des habitant·es historiques avant la fin des recours juridiques. C’est plus récemment la délégation actuelle de l’assemblée des usages. Ces étapes soulignent les différents enjeux et lectures de ces moments de confrontation verbale avec le pouvoir.

Un retour est fait sur les conditions pour participer à une négociation : avoir un ensemble unitaire défini, ne pas partir à froid sans avoir bossé les dossiers au préalable, jouer au bluff seulement si on a jeu un minimum valable, ...
Des notes de Guy Debord sur le poker sont lues pour mettre en perspective ce qui se joue dans ces négociations :

Le bluff est le centre de ce jeu. Il le domine, du seul fait qu’il est permis ; mais s’il domine, c’est seulement pour son ombre de personnage absent. Sa réelle intervention doit être tenue pour négligeable.

Le secret de la maîtrise du poker, c’est de se conduire d’abord, et autant que possible, sur les forces réelles que l’onse trouve avoir. Il ne faut certainement rien suivre très loin avec des forces médiocres. Il faut savoir employer à fond le kaïros de la force au juste moment. ll est facile de ne perdre que peu, si l’on garde toujours dominante la pensée que l’unité n’est jamais le coup, mais la partie. Il est plus difficile de gagner beaucoup au juste moment ; et c’est le secret des bons joueurs. C’est là que s’établit leur différence permanente.

Le mauvais joueur voit partout le bluff, et en tient compte. Le bon joueur le considère comme négligeable et suit d’abord la connaissance qu’il a de ses moyens de chaque instant.

Les lignes qui s’esquivent sont les suivantes. D’un côté, la préfecture. Elle a pour objectif de poser un cadre multilatéral de discussions afin de diviser les composantes du mouvement. De l’autre côté, le mouvement et sa mythologie de l’unité. Cette unité est une de nos forces qui a joué à l’extérieur et en même temps une de nos faiblesse en interne, carte centrale dans la partie de poker menteur.

Pendant les négociations, la préfecture est habile en ne lachant rien sur les cops individuelles (conventions d’occupations précaires). Pour la délégation, il est à ce moment-là difficile d’avoir un mandat clair, l’assemblée des usages étant en crise.

Cette présentation permet un échange et un retour critique sur la séquence qui s’est jouée entre janvier et août 2018.
Quelqu’un rappelle les objectifs finaux : une mise en commun du foncier, et une mise à disposition de ce territoire au service des autres luttes. C’est, en effet, une véritable force matérielle de posséder plusieurs centaines d’ha au service des luttes, proches d’une grande métropole française.

Le retour à l’état de droit vécu sur la ZAD est aussi analysé. Selon des participant·e·s à la discussion, il n’a été qu’une instauration d’un régime d’exception juridique et policier, emplie de bluff de part et d’autre. Nous avons réussi à obtenir un régime d’accès à la terre exceptionnel dans l’histoire des luttes rurales dans l’État français. Cependant, la durée d’accès à la terre interroge. Cette victoire est encore précaire. Si le mouvement a mis 40 ans à obtenir l’abandon de l’aéroport, il faudra peut-être 40 ans pour obtenir les terres. Comme le proclame une intervenante, nous sommes immortel·le·s.

La discussion se termine au moment même où quelques personnes arrivent de l’Ambazada pour aller à la découverte de ce lieu emblématique de la ZAD : la ferme de Bellevue. Pour certain·e·s, c’est l’occasion de découvrir la ZAD et bellevue pour la première fois. Ici, c’est une ferme qui a été arrachée en janvier 2013 par les paysan·ne·s, premier lieu squatté par cette composante du mouvement qui s’y organise toujours aujourd’hui. Une multitude d’activités s’y déploie : le groupe moutons, vaches, céréales, abracadabois, ...

La cantine de Bellevue est enfin prête et se met en place alors que déjà, un quatrième groupe de visiteureuses s’approche du hangar de l’Avenir. Ce hangar est un lieu attenant à la ferme de Bellevue et construit par un collectif héteroclite de charpentier·e·s traditionnel·le·s lors de la manifestation du 8 octobre 2016. Il abrite les activités d’abracadabois, le groupe chargé de la gestion forestière de la ZAD, et le chantier-école, chargé de transformer le bois de la ZAD.

La ZAD a peut-être été amputée de certains de ses lieux mais son esprit et sa force sont encore vivaces. Ces rencontres en sont la preuve. En dehors de tout cadre, des centaines de personnes investissent la zone et poursuivent l’enracinement d’une communauté de lutte sur ce territoire.

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