Première région d’élevage de porcs, de vaches laitières et de volailles, le « garde-manger de la France » subit le contrecoup de son modèle intensif tourné vers l’exportation de produits à faible valeur ajoutée. Si le problème des algues vertes est maintenant connu de tous, une autre pollution, plus insidieuse, est la source d’un grave problème de santé public : l’ammoniac. Émis principalement lors des épandages delisier, de fumier et d’engrais de synthèse, ce gaz est un précurseur majeur des particules fines qui causent des dizaines de milliers de morts prématurées en France chaque année.
Dans cette première enquête en trois volets, publiée à partir du 14 juin sur Mediapart et France 3 Bretagne, notamment, « Splann ! » met en lumière le laxisme des pouvoirs publics. En dépit des efforts de quelques associations et lanceurs d’alerte, la surveillance des émissions bretonnes d’ammoniac n’avance qu’à petits pas. L’association Air Breizh - agréée par l’État pour fournir des données officielles mais largement sous-financée -, ne dispose que d’un seul analyseur fixe et ce depuis cette année.
Seuls les plus gros élevages de porcs et de volaille sont contraints de déclarer leurs émissions annuelles, depuis le relèvement des seuils obtenus en 2013 par la FNSEA. Quand l’Autorité environnementale est invitée à donner son avis sur des extensions de fermes ou des constructions de méthaniseurs, ses recommandations sont soigneusement mises de côté. L’obtention des subventions n’est pas conditionnée à la réduction du tonnage d’ammoniac et legouvernement refuse d’instaurer la redevance sur les engrais azoté proposée par la Convention citoyenne sur le climat. Une inertie qui profite à certains industriels de la chimie, intégrés dans les cercles du pouvoir, et vis-à-vis desquels les autorités font l’objet de négligences coupables depuis des décennies.
Quant à la réduction substantielle des cheptels, identifiée comme le chemin le plus rapide et le plus efficace pour réduire la pollution atmosphérique dans une étude publiée en mai 2021 par les Actes de l’Académie des sciences des États-Unis, elle n’est pas au programme. Dans ces conditions, la Bretagne augmente toujours ses émissions. Elle éloigne ainsi la France des 13 % de baisse fixés pour 2030 par la directive européenne NEC, à partir des données de 2005. Un objectif jugé insuffisant par les défenseurs de l’environnement lors de son adoption.
Placer l’ammoniac dans le débat public :
Travaillant à partir de données publiques, « Splann ! » propose une cartographie inédite des émissions d’ammoniac en Bretagne, qui permet d’identifier plusieurs secteurs ruraux particulièrement concernés.
Les villes n’en sont pas moins touchées car c’est en se combinant avec des polluants issus notamment du trafic routier que l’ammoniac se transforme en particules fines responsables de morts prématurées.
A travers cette enquête, « Splann ! » espère déplacer le problème de l’ammoniac agricole des cénacles d’érudits vers l’agora. Face aux catastrophes écologiques qui obscurcissent la perspective d’un avenir désirable, nous croyons à un journalisme d’intervention qui contribue à l’amélioration des pratiques. Aux citoyennes et citoyens de se saisir de ces informations d’intérêt public et de demander des comptes à leurs représentant·es élu·es.
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