information par et pour les luttes, Rennes et sa région

CR des luttes de Bure (Meuse - Grand Est)

Bure
Anti-nucléaire

BURE = projet d’enfouissement de déchets nucléaires, avec des galeries souterraines plus volumineuses que celles du métro parisien. Pendant 130 années, le site serait exploité avec un transport des déchets (camions incessants) et leur enfouissement. Puis le site serait fermé, avec une surveillance et des mesures constantes afin de prévenir des fuites potentielles pendant des milliers et des milliers d’années. Aucun déchet n’est actuellement enfoui à Bure.

CR un peu long et approximatif des luttes de Bure (Meuse – Grand Est), d’après les retours de militant·es luttant sur place, invité·es par le comité antinucléaire du pays de Rennes (19/02)

Situation :

  • le département de la Meuse a connu une diminution de 15 % du nombre d’habitant·es sur les 10 dernières années, les prévisions pour les 10 prochaines années sont de -20 %
  • il y a 60 habitant·es à Bure, les villages environnants ont moins de 100 habitant·es, les endroits plus peuplés sont à 30/40 km
  • la zone est principalement forestière et agricole
  • Moins d’humain·es implique moins d’opposition, mais il y a des soutiens externes (mouvement écoféministe, militant·es d’Allemagne,…) qui peuvent s’organiser de manière autonome pour agir sur place
  • La région a connu historiquement la désindustrialisation. Moins d’activités économiques implique que les « pots de vins » et les promesses de développement sont plus facilement acceptées par les communes, les élu·es et les départements. Ces dernier·es sont alors « en perfusion » avec l’argent de l’industrie électro-nucléaire, dont iels dépendent en fin de compte.
  • Le parc nucléaire français est en fin de vie, EDF est en crise financière (une partie est bientôt privatisée, la partie concernant le nucléaire reste publique avec l’État qui renfloue systématiquement les caisses). En plus, 1 ou 2 réacteurs de la centrale de Fessenheim devraient être arrêtés prochainement, avant un démantèlement d’au moins une vingtaine d’années. En plus, l’EPR de Flamanville (la centrale annoncée « nouvelle génération ») connaît des retards importants et très coûteux (structure à refaire)
  • Il est possible que la nouvelle génération de réacteurs nucléaires soient de plus petits modèles : en Chine serait en projet des mini-réacteurs pour quartiers (quel approvisionnement en uranium ? quelle gestion des déchets ?)
  • Les déchets nucléaires mettent des milliers et des milliers d’années à se décomposer. Or les solutions pour les stocker (des barils haute technologie) ne sont pas garanties sur un temps aussi long. En cas d’enfouissement, les risques de fuites, d’infiltrations d’eau, de mouvements sismiques, de pannes dans la machinerie du site sont trop importants pour pouvoir envisager sereinement que les déchets pourront se décomposer sans contaminer le sous-sol, puis la surface terrestre. En exemple, il y a les échecs des tentatives d’enfouissements après seulement quelques années de fonctionnement en Allemagne (le site d’Asse - 2009) et aux Etats-Unis (WIPP – Nouveau-Mexique – 2014)
  • Le nucléaire français repose sur un circuit économique néo-colonial et extractif (extraction d’uranium au Gabon), mis en place et contrôlé par l’État français depuis les années 1970. Le transport en France implique du ferroviaire et des camions, soit des espaces sans biodiversité possible, qui sont prévus pour passer à proximité de grandes villes malgré les risques d’accidents et de fuites.

=> L’enjeu est la poursuite ou non de l’électro-nucléaire. (ressource proposée : « le nucléaire c’est fini » de La Parisienne Libérée)

Historique des luttes de Bure

fin 80’s : rejet massif des projets d’enfouissements des déchets nucléaire par les populations. En réaction, la stratégie du complexe électro-nucléaire a été de créer dans un premier temps des laboratoires d’études de faisabilité (« est-il scientifiquement possible d’enfouir ici des déchets nucléaires ? »)
1993 : la zone de Bure, à la frontière entre la Meuse et la Haute-Marne est visée. En réaction se montent des contestations locales et une pétition contre ce projet atteint les 30 000 signatures.
1999 : le projet d’un laboratoire d’études de faisabilité à Bure est lancé, piloté par une organisation publique/étatique : l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA). En réaction, les militant·es antinuk tentent d’installer des campements et d’infiltrer les chantiers de construction du laboratoire. Une manifestation de 3000 personnes a lieu.
2004 : suite au décès d’un militant lors d’une action de blocage de train, la lutte perd en intensité et le collectif est meurtri
2006 : l’ANDRA commence à s’accaparer des terres agricoles. Elle peut le faire même si le projet d’enfouissement n’est toujours pas validé, seul le laboratoire de faisabilité est validé, c’est « en vue de », dans l’optique du centre d’enfouissement qui est peut-être à venir. Pour s’accaparer les terres, l’Agence Nationale pour les Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) travaille avec les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), c’est-à-dire des organismes gestionnaires des parcelles et de leur remaniement (créés dans les années 60, lors des remembrements et de l’agrandissement de la taille des parcelles pour la plus grande mécanisation de l’agriculture).

→ L’ANDRA dispose maintenant de 3 000 ha de terres accaparées ou réservées, dans une zone qui est de fait colonisée. Elle n’a besoin que de 300 ha pour le projet de centre d’enfouissement, mais le reste peut servir de monnaies d’échanges ou pour étendre la mainmise sur le territoire (risque d’une militarisation totale du site)
→ Il existe une maison de résistance dans Bure, une ferme rénovée qui accueille les militant·es (qui autrement vivent à des dizaines de km au moins)

2015 : volonté des militant·es antinuk de médiatiser et de rendre Bure plus visible, car la filière nucléaire est gênée voire bloquée par le problème de la gestion des déchets. Nouvelle tentative de campements

→ En ce moment, les déchets hautement radioactifs (un radionucléide de plutonium = 1 cancer quasi-assuré) sont en piscine à la Hague : or le site est bientôt rempli.
→ Les autres déchets « moins » radioactifs sont enfouis dans le sol à faible profondeur

2016 : débat public annoncé par l’ANDRA et l’État sur le projet de centre d’enfouissement à Bure, reçu par les militant·es comme une stratégie pour faire valider le projet sous couvert démocratique sans vraiment donner le pouvoir de décision au peuple. Le débat est chahuté par les militant·es sur place, et n’a finalement pas lieu. Il aura finalement lieu sur les Internet, où il sera validé.
2016 : un chantier de déforestation est lancé par l’ANDRA dans les bois avoisinants le site du laboratoire. En réaction, le bois est occupé et des maisons supplémentaires sont achetées dans les environs par des militant·es. Le rapport de force se durcit avec les forces de l’ordre et l’Andra. Le bois est expulsé, la construction d’un mur tout autour du bois (3km) est lancée afin de pouvoir tenir les militant·es à l’écart. Le bois est repris et le mur en construction détruit. En réaction, le nombre de forces de l’ordre augmente fortement. En effet, les sénateurs de la Meuse veulent que cessent les troubles à l’ordre public (les militant·es troubleraient la population qui en victime). Un escadron de gendarmerie mobile s’installe en permanence à Bure, idem dans d’autres villages.

→ entrée en « phase judiciaire », avec des convocations en série (amendes, 30/40 procès en 8 mois, des interdictions de territoire alors que les personnes y vivent), des perquisitions et finalement une instruction contre une association de malfaiteur·es. Ce dernier jugement implique de lister tou·te·s les responsables des troubles à l’ordre public (on sort de 2 années de manifestations). Les personnes sont peu à peu ajoutées à cette liste d’association de malfaiteur·es, deux personnes y ont été inscrites depuis l’automne 2019 pour des faits pouvant remonter à 2014.
→ Le collectif de lutte a des difficultés à se réunir et à se renouveler. Le cœur de la lutte était l’occupation du bois, maintenant les actions sont plus externalisées (villes d’à côté, Allemagne, mouvement écoféministe en mixité choisie intitulée « les bombes atomiques ») capables d’organiser des actions en autonomie après une prise d’informations au niveau local.

Financement des communes et des « acteurs publics » par le complexe électro-nucléaire piloté par l’État

La structure qui effectue les investissements sont les Groupements d’Intérêts Publics (GIP). Ils investissements 30 millions d’€ par an en Meuse et en Haute-Marne (le site de Bure est en Meuse, mais proche de la Haute-Marne, et il est apparemment difficile de lier ensemble les populations des deux départements à cause d’un effet « frontière départementale »). Les investissements vont aux communes dans un périmètre de 10km, dans quelques commerces (sans créer une dynamique locale), les écoles (mais les collèges ferment), les mairies, les asso, l’urbanisme (des lampadaires au couleur du laboratoire de l’ANDRA).

Le laboratoire de l’ANDRA

Dans ce bâtiment est organisé des portes ouvertes, avec goodies, parc d’attraction pour les plus jeunes, greenwashing avec une expo sur la biodiversité de la région, avec un atelier où l’on mesure la radioactivité dans des produits du quotidien (ex : pomme de terre). On constate qu’il y a de la radioactivité en faible dose à peu près partout, afin de rassurer sur la sécurité du site et de la filière nucléaire.
L’ANDRA entend apporter de l’argent, de la culture et du bien-être à cet endroit. L’agence a payé des influenceur·es des Internet pour réaliser des vidéos. Une de leurs publications comporte une interview imaginaire du robot chargé chargé de mesurer le bon état des alvéoles de stockage des déchets hautement radioactifs. La même publication évoque la possibilité d’un laser haute puissance capable de réduire la radioactivité des déchets (inventé par le prix nobel de physique en 2018).

→ Toute la zone est envahie de projets en lien avec l’électro-nucléaire : à Joinville un projet de « laverie » de déchets nucléaires rencontre un fort rejet. Et aussi une usine de « retraitement », c’est-à-dire de reconditionnement pour du stockage. Et aussi des entreprises de la branche électro-nucléaire (EDF, les archives d’EDF), ainsi que des écoles/lycées spécialisées, un pôle de compétence, un centre d’affaires, des hôtels...
→ Beaucoup de ces projets ne sont encore que de la figuration et peinent à attirer. L’ANDRA a du mal à recruter des ingénieur·es cadres, les travailleur·es de EDF ne croiraient plus vraiment au nucléaire qui n’intéresserait pas les plus jeunes.
→ l’emploi n’a pas redécollé dans la zone, les investissements n’ont pas soutenu le réseau d’entreprises locales. Les quelques activités implantées sont bien peu par rapport aux promesses de comm’ et les infrastructures, les services de proximité ferment peu à peu (collèges, santé, commerces). Les élu·es constatent que le développement promis n’est pas là, et que la perfusion des investissements publics centralisent finalement les travaux et les centres d’intérêts pour le projet d’enfouissement uniquement. La stratégie semble être de faire partir les personnes et de préparer les infrastructures nécessaires. La filière bois locale a été démantelée, mais il est promis du biocarburant.
→ L’ANDRA a pour l’instant créé presque tout l’environnement du centre d’enfouissement mais l’enfouissement n’a pas encore commencé. Des vieilles lignes de réseaux ferré doivent être réhabilitées pour les trains de déchets à partir de cet automne, tout comme une route de 30m de large.

La Demande d’Utilité Publique et l’enquête publique

Après enquête par des expert·es et signature de la Demande d’Utilité Publique (DUP) par un·e ministre (peut-être un·e préfet aussi ?), l’association ou la fondation (ici l’ANDRA) obtient le statut particulier d’utilité publique, ce qui lui donne droit à des dérogations particulières. Avec ce statut l’ANDRA peut acquérir plus de terres et commencer quelques travaux.
Cette Demande d’Utilité Publique s’accompagne d’enquêtes publiques, qui auront lieu l’automne prochain. Dans la lutte bretonne de Plogoff contre un projet nucléaire, les enquêtes publiques ont donné lieu à des actions inventives pour voler les dossiers contenant ces enquêtes.

Autres pistes pour le futur de la lutte

  • Possibilité de lutter au niveau de l’acquisition des terres agricoles
  • Lutter avec les syndicats des travailleur·es du nucléaire (rapprochement récent)
  • Sont prévues à l’agenda de Bure : une semaine écoféministe en mixité choisie, une semaine anti-prison, une semaine anti-nucléaire (début Avril)
  • Depuis 2 ans tout est réprimé, tout les outils d’organisation sont détruits, mais il y a actuellement moins de force de l’ordre sur les lieux.

P.-S.

S’informer sur le nucléaire :
il est souvent problématique de choisir ses sources, et de trouver des études sur Tchernobyl, Fukushima et autres, qui soient assez neutres et non dépendantes de lobbys. Les normes et lois sur la question nucléaire sont notamment compilées et édictées par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), une ONG internationale qui sélectionne les études et en tire par la suite des recommandations. Ces recommandations deviennent finalement les seuils juridiquement acceptables de radioactivité qui sont appliqués par les justices nationales. Ces seuils dépendent davantage de la rentabilité économique qu’ils permettent plutôt que des conséquences sanitaires, etc. Les recommandations concernant aussi les mesures de sécurité des installations dites "sensibles".

Quelques ressources :

  • voir Anders Møller et Timothy Mousseau, deux chercheurs états-uniens sur Tchernobyl, qui ont notamment montré l’augmentation des tumeurs chez les hirondelles, et des conséquences génétiques sur les arbres avec le bois mort qui serait beaucoup plus long à se dégrader, donc resterait à même le sol ce qui entraîne un risque accru d’incendies. A creuser

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