Considérant que :
– Les deltas, estuaires, zones humides, combinent une diversité de milieux et comptent parmi les zones les plus fertiles et riches en biodiversité au monde.
– Depuis quatre siècles, les logiques coloniales, productivistes et industrielles ont sculpté ces paysages, asséché les zones humides, figé la Loire et artificialisé ses berges.
– Le Grand Port de Nantes-Saint-Nazaire perpétue aujourd’hui l’appropriation de ressources des anciennes colonies : bois d’Afrique, soja et viandes d’Amériques du Sud, hydrocarbures
– Que les aménagements récents sont poussés par les intérêts financiers d’un cartel industriel et soutenus par des pouvoirs publics qui nient la pollution généralisée, méprisent le bien-être des populations locales, et organisent une désinformation généralisée en minimisant par exemple les risques de submersions futures et de catastrophes industrielles.
– L’industrie des énergies renouvelables, nouvelle vitrine verte du Port, se construit sur le même modèle extractiviste via l’appropriation exponentielle de terres arables, d’énergies fossiles, et de matériaux rares, issues principalement des anciennes colonies.
– Les récentes tentatives de communication des bétonneurs sur les « énergies vertes » ou encore leurs discours sur la « compensation écologique » et le « zéro artificialisation nette » dissimulent des pratiques d’exploitations toujours aussi toxiques pour les milieux, la poursuite d’une idéologie capitaliste et l’exclusion des populations locales des décisions concernant l’aménagement de leur territoire.
Nous déclarons :
Que cet héritage colonial du Port nous révolte, comme ses relents toujours présents sous de nouvelles formes : l’importation de productions industrielles délocalisées qu’elles soient agricoles, forestières ou technologiques, l’exploitation gazière et pétrolière qui constitue les 2/3 de la matière accostant au port, et l’exploitation minière, qui seraient impossibles sans une alliance entre les Etats au détriment des populations exploitées dans les anciens pays colonisés.
Qu’ensemble, nous voulons donc imaginer un territoire débarrassé de toutes ces activités néocoloniales et inventer collectivement d’autres relations maritimes.
Que nous voulons l’arrêt immédiat de la bétonisation, des importations de soja, gaz de schistes et bois tropicaux, de la fabrication d’engrais de synthèse. Que nous souhaitons l’arrêt à terme des activités gazières & pétrolières.
Nous rêvons :
D’une Loire ré-ensauvagée, où les activités humaines s’adaptent plus que ne s’imposent aux méandres, vagues et marées. De berges mouvantes, dynamiques, incontrôlables, à l’image du fleuve, et en opposition aux rives figées, sacralisées, dévitalisées que nous proposent les aménageurs.
De porter un autre regard sur les espaces qui nous entourent que celui, anxieux, du gestionnaire dominateur, de considérer autrement ces milieux que sur la seule base du profit que l’on peut en extraire.
D’une culture fleurissante, d’un foisonnement d’activités artisanales et artistiques. De maisons sur pilotis, de paquebots touristiques devenus théâtres, résidences universitaires et cantines populaires.
De mieux comprendre, de se relier et de s’intégrer affectivement aux différentes zones de l’estuaire.
De reconnaitre les richesses écologiques et les abondances naturelles de l’estuaire, de les valoriser grâce à des pratiques agricoles et piscicoles nourricières pour les populations locales.
De sortir des grandes villes, de s’organiser en archipel de communes libres, autonomes et résilientes.
Nous rêvons de rendre justice au fleuve, et de se battre pour sa libre-évolution, aux côtés d’autres espèces animales et végétales et à bord de radeaux pirates.
Nous décidons ensemble, dès maintenant :
D’inventer, localement, de nouvelles manières d’habiter l’estuaire, sans subir aucune décision d’aménagement venue de Paris, décidée dans les couloirs de multinationales.
D’orienter nos énergies vers la compréhension de toutes les richesses de ces milieux, et de les côtoyer pour développer des attachements sensibles à nos territoires.
De s’armer de connaissances intimes sur ces écosystèmes estuariens pour devenir capables de les défendre, d’y puiser des ressources rhétoriques et théoriques mais aussi d’y trouver des cachettes secrètes d’où lutter en guérilla, d’en faire des remparts mouvants et des marécages imprenables.
De nous réapproprier la gestion des forêts, des marais, des prairies, du fleuve et de ses berges. De défendre ces habitats précieux que sont la Loire et son estuaire, pour la faune et la flore qui s’y épanouit.
De refuser cette civilisation « hors-sol » qui nous est vendue, en s’enracinant sur ces territoires, vivant tels des roseaux et leurs oiseaux au rythme des crues, des récoltes et des migrations sauvages.
De décentraliser nos luttes pour être partout sur l’estuaire, dans une relation de défense-mutuelle.
De décoloniser nos imaginaires de lutte pour réinventer un nouveau rapport au monde et de nouveaux rapports sociaux émancipés de toutes formes de dominations et d’oppressions.
Face à cette poignée d’industriels qui nous impose la dégradation généralisée de nos espaces de vie :
Nous voulons être fortEs dans la lutte, tenuEs toustes ensemble dans nos diversités par les rives du même fleuve, et nourriEs par ses riches sédiments.
Nous voulons faire valoir nos intérêts communs d’êtres vivants fluviaux et terrestres et les défendre ardemment, comme la marée qui toujours revient.
Du Carnet à Donges, des quartiers de Saint-Nazaire aux fermes paysannes de Lavau, organisons l’auto-défense de l’estuaire !
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