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Harz-labour : Coronavirus et manque de moyens.

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Au début de l’hiver, alors que nous réfléchissions à un numéro d’Harz-labour à propos des différentes grèves en cours, nous avions proposé à une amie, interne des urgences des Côtes d’armor, de nous relater la mobilisation des soignants contre les baisses de moyen des hôpitaux. Compte-tenu de la pandémie en cours, ces revendications semblent plus que jamais légitimes. Voici son article.

Le 18 mars 2020, 18h00.

Il aura donc fallu une pandémie virale pour que le Président de la République reconnaisse que « la santé n’a pas de prix » et donc « la nécessité de mobiliser tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte ».

Les manques de personnel, de matériel et de moyens, et tout simplement de temps, afin de soigner au mieux les patients, sont flagrants pour quiconque a travaillé dans un hôpital, un EHPAD, un service d’ambulances. Cela dure depuis plusieurs années, dans l’indifférence totale des gouvernements.

La situation sanitaire actuelle en France, et plus globalement dans le monde, offre ainsi un réveil brutal non seulement au ministère de la santé, mais également à la population générale qui subit de plein fouet les conséquences des plans de santé gouvernementaux.
Les attentes et exigences formulées depuis plusieurs mois par le personnel hospitalier n’ont obtenu que réponses partielles et peu satisfaisantes du gouvernement, malgré l’ampleur du mouvement et le soutien majeur de l’opinion publique.

En voici une rétrospective :

Nous sommes aujourd’hui à un an du début des manifestations et des grèves organisées par le collectif Inter-Urgences, monté en février 2019 à Paris. Ce collectif asyndical de personnel paramédical a entraîné l’une des plus grandes grèves des Urgences depuis 1988 (mouvement des infirmières françaises ayant paralysé les hôpitaux pendant près de 7 mois).
Initié par Hugo Huon, ex-infirmier de nuit aux Urgences de Lariboisière et par Abdel Dougha, aide-soignant à Saint-Antoine, le collectif a su agglomérer de plus en plus d’associations paramédicales, d’abord celles des différents hôpitaux parisiens, puis d’une grande partie des hôpitaux français principaux comme périphériques.

Leurs revendications concernent à la fois l’ensemble du personnel hospitalier et la prise en charge des patients : arrêt de la fermeture des services d’Urgence et des lits d’hospitalisation, augmentation des effectifs des services d’Urgences en proportion de l’augmentation de l’activité (personnels soignants, travailleurs sociaux, secrétaires…), augmentation nette de 300 euros mensuels des bas-salaires, paiement des heures supplémentaires, enquête annuelle sur le bien-être au travail avec résultats rendus publics et révision du mode de financement de chaque service, afin de l’adapter à l’activité.

S’il a regroupé au plus fort de son mouvement 217 services d’urgences en France, sans protection syndicale mais avec leur soutien, le collectif Inter-Urgences (CIU) est d’abord resté prudent quant à la participation des médecins, qui risquait de reléguer les revendications des services paramédicaux au second plan.

L’association des médecins urgentistes de France (AMUF) a finalement attendu six mois avant de rejoindre le mouvement de grève du CIU, décision annoncée dans un communiqué de presse publié le 9 août 2019 par le syndicat présidé par le docteur Patrick Pelloux.

« L’hôpital public est en train de mourir » : dans une lettre adressée à Agnès Buzyn, le SNPHAR-e, l’association des Jeunes Médecins, l’AMUF, le Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH), Action praticiens hôpital (APH), ou encore le Printemps de la psychiatrie, se sont donc rassemblés pour afficher leur soutien aux grévistes des urgences. Fait inédit, alors que les internes n’avaient jamais connu de grève, ces organisations allaient être rejointes par l’ISNAR-IMG (Intersyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale), et l’ISNI (Intersyndicale Nationale des Internes).

Dès les premières réponses de la ministre de la Santé, toute augmentation des moyens du service public de la santé, et donc toute réponse positive aux revendications des différents collectifs étaient exclus. Les propositions se bornaient à envisager des solutions pour éviter les recours inutiles aux services d’urgences et libérer du temps médical aux médecins, le désengorgement des urgences en généralisant les filières d’admission directe, à mettre en place des incitations financières aux établissements qui faciliteront la prise en charge des personnes âgées à l’EHPAD plutôt qu’aux Urgences, ou à autoriser des paramédicaux des urgences à suturer…

En juin 2019, deux enveloppes ont été débloquées : une première de 70 millions d’euros pour le budget global de l’hôpital, soit une augmentation de … 0,08 % comparé au budget global de 2019, et une autre enveloppe de 15 millions d’euros en « prévention des difficultés estivales », soit l’équivalent d’une personne de plus par jour pendant 60 jours pour pallier aux difficultés des services d’Urgences.

Le 10 octobre 2019, devant l’absence de réponse concrète du gouvernement, la première assemblée générale du collectif Inter-Hôpitaux (rassemblant personnel médical et paramédical) appelle au durcissement de la grève et vote la suspension des réunions administratives, les démissions administratives des Professeurs des Universités et Praticiens Hospitaliers, et surtout l’arrêt du codage des activités, effectif dans plusieurs grandes villes de France, et tous services confondus.

En novembre 2019, au vu de la poursuite des manifestations et des grèves du personnel médical et para-médical, le nouveau plan d’urgence proposé est à nouveau jugé « trop timide » par le CIU et les syndicats médicaux, notamment concernant l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) : si une majoration d’au moins 4% était estimée nécessaire, l’effort est de seulement 0,35%, soit 300 millions d’euros en 2020, là où les collectifs attendaient un minimum de 4 milliards d’euros.

Seule proposition jugée adéquate : à partir de 2020, le gouvernement s’engagerait à reprendre 10 milliards d’euros de dettes aux hôpitaux en trois ans, afin d’alléger les charges des établissements.

Et si l’ensemble de ces décisions devront se prendre de manière conjointe entre le directeur et le président de la commission médicale d’établissement, il n’est pas non plus question de remettre en cause la gouvernance issue de la loi HPST, qui a promu le directeur d’établissement comme seul patron de l’hôpital…

En dépit de la mobilisation nationale et du soutien de l’opinion publique (la lettre ouverte au Président sur la gravité de la situation en octobre 2019 a réuni 300 000 signatures), le mouvement commençait déjà à s’essouffler en décembre 2019, avec la sortie de grève de plusieurs services d’Urgences, notamment parisiens et des petites périphéries. Une sortie de grève davantage liée aux pressions exercées sur des équipes épuisées qu’à la satisfaction des besoins, se heurtant à la volonté inflexible du gouvernement de prioriser la réduction des dépenses publiques plutôt que la santé des patients et du personnel soignant.

Mais la perturbation la plus importante du mouvement est bien sûr liée à la pandémie actuelle de COVID-19, qui inquiétait dès février 2020 le docteur François Salachas du CIH, interpellant Macron pendant sa visite surprise à l’AP-HP : « Donnez les moyens au ministre de la Santé et à Martin Hirsch de nous donner les moyens de soigner nos patients. Le corps hospitalier et soignant a fait tous les efforts nécessaires. Nous sommes au bout et on a besoin d’un choc ! ».

Le personnel hospitalier médical comme paramédical, dépassé par l’ampleur inattendue du COVID-19, voit ses services de Réanimation et d’Urgences surchargés, un manque inquiétant de masques et de solutés hydroalcooliques qui sont des outils simples mais indispensables pour protéger les soignants et limiter la propagation du virus, une panique et une nécessité croissante de soins basiques comme invasifs (prise d’antibiotiques, mise sous oxygène, intubation) et une difficulté à hospitaliser les patients dans un état critique par manque de place dans les hôpitaux.

Toutes ces problématiques, déjà soulevées depuis plusieurs mois par les collectifs et les syndicats, qui n’ont trouvé que la sourde oreille du gouvernement, explosent aujourd’hui alors que les soins ont plus que jamais besoin d’être prodigués.

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