Introduction
Si la pensée marxienne – qui a fortement influencé les mouvements sociaux et la pensée universitaire du siècle précédent -, a relativisé, voire dénié les analyses de race et de genre – d’où la légitime critique du féminisme matérialiste -, il semble qu’aujourd’hui la question de la classe – et du mode de production capitaliste - disparaît pour le primat de la race et du genre.
L’approche intersectionnelle – en constante progression – dans les milieux féministes, antiracistes et universitaires, tend à comprendre l’intersection des rapports de domination de classe, de genre, de race, sans hiérarchisation. Or, la large appropriation de cet outil dans la militance ne produit pas cette horizontalité : si les analyses de race et de genre sont présentes et finement construites, celles sur la classe et le capitalisme sont faibles, euphémisées, voire disparaissent.
Entendons-nous bien, ces lignes ne sont pas un pamphlet contre l’approche intersectionnelle dont sa généalogie est plus complexe que ne le prétendent les caricatures gouvernementales, éditorialistes, et médiatiques. La compréhension de l’intersection des dominations permet d’enrichir certaines approches qui ne concevaient pas dans leur logique d’interprétation du réel certaines analyses (de race, de genre, de classe, d’âgisme, validiste etc). C’est pourquoi, comprendre les multiples rapports de domination qui se noue dans une situation, leurs causes, leurs effets, leur autonomie ou interdépendance à d’autres systèmes, est indispensable. Cependant, l’intersection relève de multiples approches : l’intersectionnalité (celle du BlackFeminism ou le modèle de Crenshaw), la multi-dimensionnalité des rapports sociaux, la consubstantialité des rapports sociaux etc.
Par ailleurs, l’intersectionnalité n’est pas une approche uniforme comme le décrit Marc Tertre dans son article. Son origine provient du BlackFéminism des années 70 dans lequel le matérialiste exerçait une influence considérable. La définition proposée par Kimberlé Williams Crenshaw dans les années 90 - si elle permet de visualiser l’intersection des dominations -, s’écarte d’une pensée matérialiste permettant de comprendre la production sociale, économique et symbolique des rapports sociaux. Cependant, - et c’est sur le constat suivant que ma critique se porte -, c’est surtout la large appropriation militante de l’intersectionnalité qui conduit à des déformations jusqu’à devenir une approche pseudo-radicale qui n’offre que trop peu de perspective révolutionnaire.
Trois critiques seront formulées sur la manière dont l’intersectionnalité est investie et mise en action dans une large militance : une faible critique du capitalisme ; une dérive identitaire ; un déplacement des rapports de domination sur les individus.
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