Le « procès des viols de Mazan » a débuté il y a quelques semaines : un homme, Dominique Pelicot, a drogué sa femme jusqu’à l’inconscience totale pendant 10 ans, et a invité plus de 80 hommes inconnus trouvés sur un site internet à la violer. Les CV de ces hommes tournent beaucoup dans la presse : ce qui choque, c’est que leurs vies sont ordinaires, ils occupent des taff ordinaires… il pourrait s’agir de n’importe quel homme.
Gisèle Pelicot, la victime de ces viols, ainsi que sa fille, Caroline Darian, ont fait le choix de rendre ce procès public et de lever le huis clos pour que la honte change de camp. Notre collectif NousToutes35 a fait le choix de répondre à l’appel national et de sortir dans la rue, pour visibiliser notre colère et notre soutien à Gisèle Pelicot mais également à toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles. Nous saluons le courage de ces deux femmes comme nous saluons la force de toustes celleux qui ont subi des violences.
Depuis que le procès a débuté, les accusés et leurs avocats déroulent publiquement leurs argumentaires dégueulasses. Ils affirment qu’ils pensaient participer aux fantasmes d’un couple échangiste alors que les règles étaient claires : pas de parfum, pas d’odeur de tabac, être propre, pas de traces pour qu’elle ne sache pas. Et le salon d’internet où se préparaient les viols s’appelait « à son insu ».
Les violences de Dominique Pélicot ne sortent pas de nulle part et ne sont pas apparues comme par magie en un seul jour : Caroline Darian, leur fille, parle dans son livre et ses prises de paroles d’une enfance truffée d’indices de l’emprise qu’avait son père sur la famille. Ces faits sont là pour nous rappeler que, si dans les procès sont jugées des agressions ponctuelles, bien souvent elles n’arrivent pas seules. Elles arrivent dans un continuum des violences souvent subis par les victimes pendant des années et qui les poussent à ne pas parler.
Caroline Darian parle aussi du climat incestueux qui existait dans sa famille : son cas n’est clairement pas isolé. Les enquêtes récentes de la CIIVISE nous rappellent que ce phénomène existe dans de très nombreuses familles et est caché la plupart du temps pendant des dizaines d’années.
Lorsque les victimes parlent elles ne sont crues ni par leur famille, ni par les flics, ni par la justice. Cette situation doit changer, pour que les enfants puissent grandir sainement et en sécurité, pour que nos vies soient apaisées et nos traumatismes soignés.
Dominique Pelicot n’était pas seulement violent envers sa famille : il photographiait sous les jupes des filles dans des centres commerciaux. On peut donc imaginer que de très nombreuses autres femmes ont certainement été victimes de ses agissements dégueulasses.
Depuis des années, le mouvement féministe se bat pour faire reconnaître la culture du viol. Dans cette affaire, elle s’exprime à tous les niveaux : dans les faits eux-mêmes, mais également dans la ligne de défense des accusés, et dans la manière dont certain·es dans la société prennent leur défense.
C’est cette culture du viol, un des pilliers du patriarcat, qui permet encore en 2024 :
- De dire « Que le consentement du mari vaut pour celui de sa femme » : en résumé qu’une femme est encore aujourd’hui la propriété de son mari, avant d’être un être libre. Qu’elle est un objet à sa disposition.
- D’affirmer publiquement et sans aucune gêne « Que quand même il y a viol et viol » : par cette affirmation, l’avocat de Dominique Pelicot met au centre de la défense le fait que ces hommes n’étaient pas conscients de violer et n’avaient pas l’intention de commettre un viol, alors même qu’ils étaient face à une femme inanimée. La notion d’absence de consentement devrait primer sur l’intention de violer.
- Qu’aucun homme contacté par Dominique Pelicot, sur le forum où il recrutait les futurs agresseurs, ne donne l’alerte ou ne se préoccupe du destin de Gisèle Pelicot, faisant ainsi d’eux des complices silencieux.
- De rappeler avant tout, sur les plateaux télé comme dans la vraie vie, « Pas tous les hommes ! » plutôt que d’écouter ce que disent les victimes de violences sexistes et sexuelles.
- D’entendre que le premier malentendu à lever, c’est qu’il y a quand même des hommes biens qui n’agressent pas, plutôt que de rappeler que 93 000 viols ont lieu en France par an, que les femmes et minorités de genre ne sentent pas en sécurité. Toujours, ce qui compte le plus, ce sont les vécus des hommes plutôt que du reste du monde !
La culture du viol, c’est aussi la soumission chimique, un phénomène qui touche massivement les femmes : dans des contextes conjugaux, mais aussi dans les boîtes de nuit, dans les bars … La peur de la subir, nous sommes vraiment nombreuses à l’avoir de manière constante en soirée. Surveiller nos verres, les commander nous-mêmes… c’est une vigilance permanente qui nous empêche de profiter librement de nos vies !
Au moment où Némésis, collectif de femmes d’extrême droite, essaye de s’implanter à Rennes en faisant des actions qui visent directement les hommes étrangers comme seuls auteurs de violences sexistes et sexuelles, il est nécessaire d’être intransigeant·es, rigoureux·ses et antiracistes : cette affaire, les études menées, nos vécus… racontent une autre histoire.
Les auteurs de VSS sont de tous les milieux, de toutes les origines, ce sont majoritairement nos proches, des gens en qui nous sommes censé·es avoir confiance. Donc ne laissons en aucun cas ce type de discours racistes prospérer sur le dos de nos combats féministes !
Dégageons Némésis de Rennes le plus vite possible, elles sont nos ennemis en tant que féministes et elles détournent le regard du patriarcat vers les personnes étrangères !
Pour mettre fin aux violences, continuons de nous organiser ! Notre force, c’est notre mobilisation. C’est la parole et le collectif face à la culture du viol et aux violences.
Pour que lorsqu’une personne vacille en soirée et tombe inconsciente, tout le monde se mette en alerte afin de la protéger. Pour qu’un groupe nommé « à son insu » mette la puce à l’oreille et que le créateur de ce groupe soit interpellé quelques minutes après sa création. Pour que la condition pour un rapport sexuel soit le bon état de conscience de la personne et son consentement enthousiaste. Ça parait méga logique hein ? Bah ça l’est toujours pas.
Nous le disons depuis 5 ans avec NousToutes35 : les responsables des violences n’auront plus jamais le confort de nos silences ! Faisons vibrer la ville de nos revendications pour le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et commençons dès aujourd’hui à préparer la grève féministe du 8 mars !
Le patriarcat ne tombera pas tout seul, organisons nous pour lui péter la gueule !
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