REPRÉSENTATIVITÉ ET DÉMOCRATIE
Le système représentatif, en tant que système unique de mode de désignation et de délégation par le peuple des responsabilités de gouvernance, est fondamentalement non démocratique.
D’une part, l’absence d’alternative à la représentativité produit un rapport clientéliste - où les convictions ne sont pas l’objectif, et professionnalisant à la politique ; mais il s’agit aussi de déléguer le pouvoir et non de l’exercer collégialement, égalitairement, de manière concertée et sans que cela offre plus de droit à celleux qui le détiennent qu’aux autres. "L’absence de mandats impératifs ou de promesses légalements contraignantes et le fait que les élus ne sont pas révocables à tout moment donnent aux représentant-e-s une certaine indépendance vis-à-vis de leurs électerices" [1]
Dans cette perspective, le régime que nous connaissons ne correspond pas à une démocratie dans le sens où le peuple ne détient pas le pouvoir, mais le délègue. Ce constat n’implique pas pour autant que nous sommes en dictature.
Le choix représentatif n’est pas un hasard. Comment en est-on arrivé là ?
La première source d’inspiration démocratique occidentale est bien sûr la démocratie athénienne.
Si elle fonctionnait en tant que mode d’organisation politique horizontal et démocratique, c’était de manière exclusive au cercle des citoyens et principalement grâce au travail des esclaves, femmes comprises. La viabilité d’une démocratie dépendante du rapport cityen-ne-s/non-citoyen-ne-s prévaut aussi aujourd’hui.
Il est ainsi nécessaire de questionner notre conception de la citoyenneté dans un pays qui fait travailler et payer des impôts à des personnes qu’il exclut de la citoyenneté - et donc des choix de la société dans laquelle ielle vit, et de considérer dans le même temps le rapport travail/démocratie.
On l’aura tou-te-s remarqué : on ne peut pas avoir plusieurs activités à temps plein en même temps. Et les activités, vitales ou non, dont la politique, nécessitent toujours du temps. Dans l’hypothèse d’assumer sans rougir l’emploi du terme démocratie, on imagine que cette dernière ne peut reposer, ni pleinement ni partiellement, sur le travail de non-citoyen-ne-s. Sinon, ce n’est plus une démocratie, pas vrai ?
Donc, pour qu’un système démocratique fonctionne, il faut lui donner une place qui ne soit pas entièrement prise par une autre activité.
Ainsi, notre activité conditionne fortement notre rapport pratique à la politique.
De tout temps, les inégalités sociales sont le corollaire des inégalités politiques (vont de paire avec). Elles sont pour ainsi dire inter-dépendantes.
La révolution de 1789 et tout le contexte politique qui suit cette étape de la révolution reposait fortement sur le contexte des émeutes de la faim très fréquentes depuis plus de 40 ans. Après 1789, de fait, le peuple est devenue légitime à se constituer en force politique ayant la capacité de se mobiliser, de s’organiser et de se révolter. Ce n’est plus aussi simple de faire ce qu’on veut : les rapports de forces ont bougé.
À ce moment là, on connaissait par exemple, le principe de tirage au sort appliquée dans la république de Venise, de révocabilité etc. mais le choix d’un mode de scrutin représentatif censitaire a semblé être la meilleur option pour une bourgeoisie aux manettes [2] qui créée un rapport temporelle particulier à l’implication dans la vie de la citée : le choix de la représentativité permet, dans un élan tout à fait classiste, d’ajuster à leur convenance les rapports de dominations dans un contexte modifié à la fourche. Le tout en préservant des qualités sociales « adéquats » et en posant les règles de la légitimité de la délégation et de l’exercice du pouvoir à des personnes qui ont les moyens d’y mettre le temps : les possédants.
Ces derniers ont des charges, participent au soutien financier de la république en payant des impôts, dirigent des personnes moins fortunés, savent lire, voilà les arguments d’autorité. Plus on paye d’impôts, plus on a de droits. Cela permet à la fois de ne pas s’encombrer de revendications sociales irrationnelles, de rester entre personnes respectables pour discuter « en sachant de quoi on parle », et de légitimer cette confiscation du pouvoir.
De plus, l’exercice de ces responsabilités se fait au nom de tou-te-s, sans avoir à rendre de compte en dehors de ce cercle censitaire.
On trouvera là les raisons d’une des rares révolutions de l’histoire qui a obtenu ce pour quoi elle s’est battu : la révolution de 1848 pour le suffrage dit universel [3].
Mais cela n’est pas suffisant pour palier au fait que s’occuper des affaires de la cité, c’est à dire de politique, nécessite encore et toujours d’avoir du temps, et avoir du temps implique d’être dans des conditions matérielles propices.
C’est donc toujours une affaire d’argent et ce n’est justement pas pour que nos voix dépendent de l’argent que des révolutionnaires sont morts et au nom desquels on nous somme d’aller voter. Il est toujours bon de souligner à cet égard que le droit de vote, quoi qu’on en pense, ne s’est pas obtenu par les urnes !
La représentativité est donc, dès l’origine, un outil qui dépossède de leur pouvoir décisionnel immédiat non seulement celleux qui votent (vote blanc compris) mais également celleux qui ne votent pas. Déléguer le pouvoir permet non seulement de déresponsabiliser chacun-e quant aux choix sociétaux mais aussi de délégitimer celleux qui voudraient y prendre part autrement que sous des formes autorisées, qui ne sont pris en compte qu’à l’occasion, très partiellement et dans un cadre, au mieux, réformiste. Une sorte d’aménagement de peine...
On voit donc bien aujourd’hui encore à quoi sert le duo travail/représentativité et pourquoi la démocratie peut commencer à prendre du sens dans un contexte de grève et que, sans elle, la démocratie est majoritairement usurpée par un mode de scrutin représentatif [4]. On peut ainsi trouver qu’il est sein de se méfier d’un représentant syndical qui invite à la mesure...
C’est que le travail est un espace largement non démocratique dû à une forte hiérarchisation des responsabilités et pourtant placé au centre de nos conditions de vie. Dans un tel paradigme, on ne sera pas surpris par le parallèle faisable avec le contexte de l’école, de la santé, des services publics en général et davantage encore concernant la justice où, très visiblement, règnent le classisme, le racisme et le colonialisme. On comprend mieux le doute que pose la définition de régime démocratique à notre société où l’isoloir est l’espace réservé de l’acte démocratique.
La démocratie représentative est un mode politique des plus pratique permettant soit de détourner les colères, soit de la réprimer au nom du pouvoir conféré par le vote. C’est un choix de gouvernance unilatéral choisi pour se légitimer et garder la main après de grandes et victorieuses batailles populaires (1789, 1848, 1871) ou après la chute de systèmes autoritaires (Napoléon, Vichy).
Dans une période stable, les manipulations suffisent. Quand elles ne suffisent plus, on défend l’ordre par la force. Quand la force ne suffit plus, et que la peur change de camp, on appelle au calme comme lors de ce fameux mois Jaune de décembre 2019 ou encore en 1936 : « il faut savoir terminer une grève. »
Mais une défaite militaire n’est pas toujours une défaite politique, telle que nous l’enseigne la révolution algérienne, cette (ex-)colonie sur laquelle repose notre démocratie...
Ainsi, le capitalisme, dont la nature est profondément guerrière, soumettent le monde entier, humain-e-s et non-humain-e-s, légitimé par le truchement de la représentativité posée dans un contexte excluant puisque taillé sur mesure pour les riches, les majeurs et les valides. Les personnes rationelles en somme ...
Avant même de porter le bulletin dans l’urne, le fait d’entrer dans l’isoloir est une confirmation, une validation, une acceptation de tous ses principes excluants. Non pas parce que tout le monde n’est pas représenté, mais parce que la représentativité est un moyen d’empêcher qu’il le soit.
Une fois constituée, la « classe politique » peut à son tour faire appel à des spécialistes (économistes, sociologues, gestionnaires de participation démocratique etc.) pour finir de nous démunir par l’illusion que 1- il y a ceux qui savent, les spécialistes et 2- "On vous demande quand même votre avis, alors, y a quoi ?"
Le système représentatif, au sein de chaque parlement, est ostentatoirement vide de sens, un néant de légitimité, quand on y voit les élu-e-s crier victoire lors d’élections où les taux de participation sont si ridiculement bas.
LE VOTE BLANC
Le vote blanc n’est pas une manière d’exprimer un mécontentement, mais simplement de dire : « Parmis celleux qui se présentent, j’estime qu’aucun-e ne porte mes idées, personne donc de me me représenter. » Ce qui n’implique pas que vous vous opposez au fait d’être représenté. Au contraire, vous affirmez ce droit en déplorant l’absence de personne que vous jugez apte à le faire.
Voter, quel que soit le vote, c’est participer au débat de qui s’impose, puisque c’est la majorité qui gagne. Il y a donc bien des perdant-e-s dans ce jeu dit démocratique. En votant blanc, on acte notre participation à l’étouffement d’un débat réellement démocratique en pensant, à l’inverse, faire le geste ultime de préservation de la démocratie. Un débat démocratique est non seulement contradictoire mais c’est un débat dans lequel nos paroles ont des conséquences et où le but n’est pas d’imposer une voix contre une autre mais de trouver ensemble un chemin d’entente.
Non, le vote blanc n’est pas une opposition mais bien une adhésion.
Par ailleurs, qu’en penserait-on si le vote blanc était reconnu ? Bien sûr, s’il l’était, cela impliquerait des conséquences, comme par exemple de rebattre les cartes, voir même de remettre en question le système électoral. C’est la raison pour laquelle le vote blanc ne compte pas plus que l’abstention (ou juste pour ne pas se faire traiter d’irresponsable... On y reviendra)
Mais alors, pourquoi ne pas militer pour la reconnaissance du vote blanc ? Sûrement parce que le temps que l’on parvienne à faire reconnaitre le vote blanc, on aura engagé un mouvement de masse suffisamment puissant pour avoir d’autres priorités que d’aménager la représentativité, comme par exemple, mettre en place une démocratie direct (pléonasme, s’il en est).
LE REFERENDUM
Par ailleurs, le referendum est l’un des derniers vestiges visibles des ruines démocratique en terre capitalistes et libérales. C’est dans ce cadre qu’on nous apprend à bien voter ou qu’on nous fait passer un traité européen au mépris du non référendaire, avec le traité de Lisbonne. Nous avions « mal voté »...
On se souviendra encore de cet autre référendum minable au score malhonnête, de la victoire éhontée du statut quo en Kanaky (Nouvelle-Calédonnie) digne d’une élection dictatoriale [5]
LA DICTATURE DU PLUS GRAND NOMBRE ?
Toujours dans l’ère Macron, rappelons qu’il fut élu en 2017 par seulement 43,6% des inscrit-e-s sur les listes électorales [6] les personnes ayant votés en 2017 pour Macron représentent environ 3/10e du total des personnes vivant en France et dans ses colonies..
On ne peut même plus parler de dictature du plus grand nombre, c’est d’un triste...
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