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Rennes, un policier condamné pour avoir soutiré 32 500 euros à un patron de bars

Rennes
Politiques sécuritaires - Surveillance Répression - Justice - Prison

Un ancien policier, Éric Reculusa, responsable des débits de boissons à Rennes, a été condamné le mardi 17 décembre à trois ans de prison par le tribunal correctionnel. Le prévenu s’est fait remettre 32 500 euros en liquide entre janvier 2012 et mars 2014 par un patron de bars.

Le mardi 17 décembre, le tribunal correctionnel de Rennes a condamné Éric Reculusa, ancien responsable des débits de boissons de la police à Rennes, a trois ans de prison. Une peine assortie de cinq ans d’inéligibilité et d’interdiction d’exercer des fonctions administratives. Absent à l’audience, Éric Reculusa, aujourd’hui révoqué de la Police nationale, a été jugé coupable de corruption passive et trafic d’influence passif.

De janvier 2012 à mars 2014, ce policier rennais a soutiré de l’argent à un patron propriétaire de quatorze bars et établissements de nuit de Rennes. Au total, selon les dires du commerçant, ce dernier lui aurait remis 32 500 euros en liquide. « Le processus de remise était bien huilé, explique le président du tribunal. Le commerçant préparait des enveloppes qui contenaient entre 1 000 et 2 500 euros. Et tous les mois, il en remettait une au policier.

Les rendez-vous avaient lieu dans des bars ou des restaurants de Rennes. Le patron de bars glissait une enveloppe de marque Bruneau dans un journal plié sur la table ou la glissait dans le sac à dos du fonctionnaire déposé au pied de la table ».

La crainte de la fermeture administrative

Par ces remises d’argent, le commerçant, partie civile à l’audience, espérait que le fonctionnaire appuierait en sa faveur pour éviter que ses nombreux établissements ne tombent sous le coup d’une fermeture administrative. C’est en tout cas ce que lui promettait Éric Reculusa.

Le système mafieux a démarré en janvier 2012. Un des bars du commerçant, situé place des Lices à Rennes, fait l’objet d’une fermeture administrative de quatre semaines pour tapage nocturne. « À ce moment-là, explique un autre prévenu du dossier. Je donnais un coup de main à Dino (*) car je n’avais pas de travail. Il m’avait demandé d’assister à sa place à une formation à Nantes pour obtenir qu’un de ses bars ferme à 5 h du matin. Il n’avait pas envie d’y perdre son temps, il m’avait demandé de le remplacer. Au même moment, il a su que son établissement de la place des Lices allait fermer pour un mois pour tapage. Il m’a demandé de lui présenter des flics pour essayer d’influencer la décision de la préfecture ».

L’ancien maçon, repris de justice pour trafic de cocaïne, agression sexuelle et conduite sous l’emprise d’alcoolique, fait donc l’intermédiaire et lui présente un policier qu’il connaît depuis longtemps. Ancien de la brigade des stupéfiants et de la voie publique, ce brigadier vient d’être muté au commissariat de Penhouët, où il est chargé de délégation judiciaire (petites enquêtes). Il côtoie donc au quotidien la brigade des débits de boissons où officie Éric Reculusa. Un premier rendez-vous est organisé entre Dino, son sous-fifre et le brigadier de Penhouët dans un restaurant chic de la place Sainte-Anne. Le « pack de corruption » se noue à ce moment-là autour d’une bonne table.

Juste après ce rendez-vous, Dino achète trois portables afin que lui, le brigadier et Éric Reculusa soient en contact « discrètement » et « directement ». Les premières enveloppes sont versées. Le brigadier et le repris de justice prennent des commissions. La fermeture administrative du bar de la place des Lices est réduite à deux semaines.

Mais rapidement, Éric Reculusa souhaite que le lampiste du bistrotier sorte du tour de table. Dans des enregistrements réalisés, le policier explique au commerçant turc : « Ton mec est peut-être sur écoute… Il trempe dans trop d’affaires. Faut le sortir ». Immédiatement, l’ancien maçon n’est plus tenu au courant. Et le brigadier part en retraite. Les versements de Dino à Éric se poursuivent.

L’IGPN saisie

Le 24 février 2014, Dino, conseillé par un avocat, finit déposer plainte contre Éric Reculusa. L’IGPN est saisie. Le 3 mars, la police des polices arrête en flagrant délit le responsable des débits de boissons. Le bistrotier vient de lui remettre une enveloppe d’argent liquide. Le policier est immédiatement suspendu de ses fonctions. Quelques mois plus tard, dans le courant de l’été, il est révoqué de la Police nationale.

Ce mardi 17 décembre 2019, sur les bancs du tribunal correctionnel, l’affaire a réellement pris fin. L’ancien maçon, déjà détenu pour une autre cause, a été condamné à trois mois de prison pour complicité de trafic d’influence passif et complicité de corruption passive. « Moi je ne suis rien dans cette affaire, a lancé Sahin, 58 ans. Dino, c’était mon patron. Je faisais ce qu’il me demandait. Il est roi de Rennes, et moi je suis minable ».

Quant au policier en retraite, le tribunal a jugé que son action dans ce « pacte de corruption » n’a été que courte durée. La période de prévention a été requalifiée de janvier à février 2012. Il a été condamné à six mois de prison. Le patron de bar a été reçu en qualité de partie civile mais débouté de sa demande de dommages et intérêts.

« Le comportement de ce commerçant est très opaque, a noté Marie Kervennic, avocate du policier en retraite. Son bar pourrit la vie des habitants du quartier, il fait l’objet d’une fermeture administrative et lui, il cherche à entrer en relation avec des policiers pour faire évoluer la décision… Et d’où vient tout cet argent liquide ? Est-ce qu’il a été déclaré au fisc ? » Sahin bondit : « Rien n’est déclaré, bien sûr ».

* Prénom modifié

Source et crédit photo : Le Télégramme

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