On voit des écoles primaires accepter l’aide d’une enseigne de la grande distribution au nettoyage de la commune par ses élèves, contre un encart publicitaire placardé sur l’école. On voit des professeurs proposer aux élèves de 6^e de sortir leur portable, « enfin, ceux qui en ont », pour aller chercher des sources sur internet. Mais cela n’est rien. Le must, c’est lorsque l’École Publique invite une entreprise au sein d’un collège/lycée au nom d’une journée thématique autour d’Harry Potter. Cet épisode a eu lieu au lycée Chateaubriand de Combourg, le jeudi 11 avril dernier. En fait, l’entreprise en question est avant tout commerciale, elle ne vit que par et pour son bizness dédié aux produits dérivés du jeune magicien et son environnement. Elle le revendique clairement d’ailleurs, via son site internet à la vitrine au clinquant redoutable, en préalable à la visite de leurs vraies boutiques. Le clou de cette journée thématique est une animation prévue à l’heure sacrée du déjeuner.

Sauf que cette animation cache son véritable objectif. En vérité, il n’y a même pas d’animation du tout. Devant le self est garée la mythique Ford Anglia. Préalablement, dans la salle, pour créer une ambiance, ont été disposés çà et là quelques objets en rapport avec la culture pottérienne. Cette entreprise ne vise que le profit et rien d’autre, on l’aura compris, et cette mise en scène douteuse qu’à échauffer les esprits, commandant aux petites mains de sortir leur porte-monnaie au bon moment. Alors qu’un pseudo-animateur entame quelques quiz auprès d’élèves, pour vérifier peut-être s’ils ont leur place au sein de cet environnement pseudo onirique, la responsable de l’enseigne, une dame a l’air posé et impassible s’éveille soudain lorsqu’on permet (enfin !) aux élèves d’aller voir ce qui est exposé sur le stand qu’elle tient. Et c’est parti ! Voici que Madame la responsable de ce comptoir « magique » se met à faire de la retape et vendre ses produits auprès du jeune public que sont les élèves : essentiellement des friandises, bonbons, chocolats, boissons… et même des Jelly Belly au goût de vomi. Oui ma bonne dame, ça ne s’invente pas, c’est magique ! On se croirait sur un marché hebdomadaire, comme en ont témoigné avec un grand naturel certains élèves.

On le sait, depuis sa fondation, l’École publique, de la République donc, se présente comme le dernier bastion de l’égalité des chances. Elle accueille et instruit tous les individus, de la petite enfance à l’âge adulte, quelle que soit leur appartenance sociale, religieuse, philosophique, etc. autrement dit, sous le sceau de la laïcité. Elle prend en charge leur apprentissage civique comme garant a priori de la bonne marche de la société. Jusqu’ici, il semblait que l’École Publique nous enseignait un tant soit peu à nous libérer de la société de consommation, avec ses modes et ses jugements, au profit d’un minimum d’indépendance d’esprit et de sens critique à son égard. Qui aurait cru que cette noble institution protectrice de ses valeurs revendiquées comme telles aurait fini un jour par laisser pénétrer la culture de masse dans son espace, l’industrie culturelle dans ce qu’elle véhicule de plus consumériste et racoleur.

On peut se demander dans quelle mesure l’École Publique n’a pas invité cette entreprise fétichiste d’Harry Potter parce qu’elle y aurait un intéressement ? Sur le dos des élèves évidemment. Tout ça soutenu par la Région qui lui aura accordé une aide. Puisqu’on vous dit que c’est magique ! Question ultime : en cas de réclamation, dois-je me retourner, en tant que parent, plutôt vers le proviseur du collège, l’Académie ou directement le Ministère de l’Éducation ?