Le terme de « contraception testiculaire » sera ici utilisé plutôt que celui de « contraception masculine » car cette dernière expression invisibilise les personnes transgenres [1] et / ou Transsexes [2] ayant des testicules. Si des attentions dans ce sens sont aussi portées sur d’autres mots ou expressions, il doit sûrement subsister quelques termes foireux, parfois pour des questions de facilité de langage, parfois dû à mon vécu de mec-cis [3].
Pour une prise en charge des mecs des risques et des conséquences de leur sexualité
En terme de santé public, la question de la contraception est déjà résolue
Comme le résume parfaitement la phrase ci-dessus, provenant d’un médecin, la contraception serait de nos jours déjà complètement prise en charge… Mais c’est oublier qu’elle l’est uniquement par les personnes concernées par le risque de subir les conséquences d’une grossesse non désirée (sans parler des difficultés d’accès aux techniques et à l’information, leur coût, etc.).
Mais alors, pourquoi en tant que mecs sommes-nous encore si nombreux à ne pas nous responsabiliser dans la gestion des risques et conséquences dus à notre sexualité ?
En s’intéressant au sujet de la contraception testiculaire, on croise assez rapidement le chemin de la domination masculine, de l’emprise médicale sur nos corps, des luttes féministes, des questions liées au consentement, etc.
En tant qu’hommes, nous sommes de loin pas les mieux placés pour être moteur de l’émancipation des femmes et des personnes non-cis, et il existe un réel danger, en s’appropriant les techniques contraceptives, de déposséder ces dernières du contrôle sur leur propre contraception et sur les luttes qui l’entoure, luttes menée par les femmes et les personnes concernées.
Pour autant, se déresponsabiliser du sujet ne fait que reposer la charge contraceptive sur celles-ci.
A nous d’aborder et de s’informer sur le sujet de façon pertinente mais aussi de libérer la parole, particulièrement entre mecs, sur nos sensibilités, nos sexualités et nos privilèges pour en finir avec le virilisme et la domination masculine.
Techniques de contraception testiculaires
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Avec les techniques contraceptives présentées ici, c’est la personne la moins touchée par la grossesse qui est susceptible d’erreurs de suivis, et c’est la personne qui peut tomber enceinte qui subira les conséquences les plus lourdes. Il est donc important de prendre le temps de s’informer et de discuter des risques avec le / la / les partenaires avant que la contraception testiculaire soit utilisée comme contraception exclusive dans le rapport sexuel
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De nos jours, il existe au moins 4 différents moyens de contraception testiculaires (pour ne parler que de ceux ayant prouvé leur efficacité).
La vasectomie
C’est une opération simple et rapide (et remboursée), qui consiste à empêcher le passage des spermatozoïdes en sectionnant les canaux déférents. De ce fait, il y a toujours du sperme à l’éjaculation mais sans aucun spermatozoïdes. Considérée comme définitive, elle est cependant théoriquement réversible (en effectuant l’opération inverse).
La contraception thermique
Le scrotum, qui contient les testicules, se trouve à l’extérieur de la cavité pelvienne permettant de maintenir une température inférieure de 2 à 3°C à la température du corps, ce qui est nécessaire à la production du spermatozoïde.
L’objectif du "remonte couille toulousain" (RCT ou slip chauffant), autrement dit de la contraception thermique, est de rapprocher les testicules du corps (au même endroit qu’elles étaient à la naissance) pour que les futurs spermatozoïdes soient détruits par la température plus élevée.
Pour être efficace, il faut le porter environ 15h par jour, et ce tous les jours. Lorsque la personne fait 2 analyses (examen appelé spermogramme et qui est remboursé) séparées de 3 semaines avec un nombre de spermatozoïdes mobiles dans le sperme inférieurs à 1 million de mL, elle est considérée comme contraceptée. Ceci arrive généralement au bout de 1 mois et demie à 2 mois d’utilisation. Évidemment, il faut continuer à le porter quotidiennement pour que la contraception thermique dure dans le temps et faire des spermogrammes tous les 3 mois pour s’assurer que la contraception se déroule bien.
Il n’y a pas d’effet secondaire connu à ce moyen de contraception et la méthode DIY [4] s’accorde très bien pour fabriquer ce sous vêtement.
L’injection hormonale
La méthode consiste à injecter une hormone qui bloque la production de spermatozoïdes. L’effet contraceptif est généralement obtenu entre 1 et 3 mois et est vérifié par un spermogramme (le nombre de spermatozoïde mobile dans le sperme doit aussi être inférieur à 1 million par mL).
Il existe quelques effets secondaires plutôt « bénins » : acné, prise de poids, agressivité et quelques effets plus rare.
Les études montrent que ces 2 dernières méthodes sont réversibles. Pour des infos plus médicalement techniques : « Guide pratique d’une contraception hormonale et thermique » [5].
Le préservatif externe
C’est le moyen contraceptif le plus répandu, ce qui le rend incontournable dans les rapports sexuels impliquant (au moins) un sexe mâle. Cette méthode permet aussi de se prévenir de certaines maladies et infections sexuellement transmissibles.
Si celui-ci n’est pas remboursé par la sécurité sociale, il est tout de même possible d’en trouver des gratuits (aux plannings familiaux, aux locaux de l’association Aides, dans les lieux de dépistages, etc.).
Je vois pas pourquoi je prendrais ça en charge alors que ma femme s’en sort très bien
Comme on peut le remarquer, presque toutes ces techniques de contraception sont remboursées par la sécurité sociale (hors des préservatifs et du slip chauffant qui lui est réalisable soi-même à moindre coût). La loi de 2001 relative à l’IVG et à la contraception n’assimile plus la stérilisation comme une mutilation du corps et elle reconnaît dans un même temps la contraception comme un choix personnel (pour les personnes majeur.es) sans condition d’âge, de nombre d’enfants ou de statut marital. Enfin, ça, c’est dans la théorie du texte de loi.
En réalité, les freins à la démocratisation des méthodes de contraception testiculaires proviennent notamment, mais pas que, du corps médical qui reste souvent sur des positions moralistes d’un ancien temps.
Tout comme les trans / meufs / inters [6] qui galèrent avec les gynécos, les parcours des mecs qui choisissent les trois premiers moyens contraceptifs ci-dessus peuvent rapidement se retrouver face à des médecins moralisant.es ou refusant d’exercer ces pratiques. Certains ont fait part de leur mauvaise expérience, voici le discours que peut tenir un médecin :
- Pour la vasectomie : « Et si jamais vos enfants meurent, vous voudriez vraisemblablement les remplacer. Mais vous ne pourrez plus à cause de cette stérilisation définitive ! ».
- Remonte couille toulousain : « Toi tu en connais un seul mec qui voudrait porter ça ? »
- Pour l’injection hormonale : Les médecins vont souvent survaloriser leurs effets secondaires, quand en même temps illes continuent de dévaluer les effets de la pilule dite « féminine ».
Mais il existe aussi des médecins intègres et qui respectent les personnes qui choisissent la contraception testiculaire. Il n’y a pour l’instant que peu de nom de médecins du genre qui circulent : Roger Mieusset (contraception hormonale et thermique) à Toulouse et Jean-Claude Soufir (hormonale seulement) à Paris. Si t’en rencontres d’autres, fait tourner au collectif Thomas Bouloù ! Il faut tout de même savoir qu’il est théoriquement possible de se faire suivre par son propre médecin qui peut être guidé par Soufir à l’occasion.
Entretien de 4 membres de Thomas Bouloù
Petite précision de leur part avant tout : « Nous ne sommes pas des experts, ni des théoriciens, et puis on a rien à vendre non plus. On souhaite simplement partager un bout de nos connaissances acquises par nos recherches et rencontres ».
Qui êtes-vous en tant que groupe et pourquoi avoir fait un Contracept’-Tour de plusieurs semaines ?
Thomas Bouloù (venant de "tomma bouloù" en breton, signifiant remonte-couille) est un groupe assez jeune, d’un an et demi, d’accompagnement mutuel sur la contraception testiculaire. Il est composé de 5 à 7 mec-cis ayant principalement des rapports hétéro, mais pas que.
Auparavant, certains d’entre nous étaient déjà engagés dans des marches sur la contraception testiculaire, et certains font partie d’un planning familial en Bretagne. L’idée du groupe est d’aller chercher plus loin sur les questions de contraceptions testiculaires, tout en investissant les terrains de la sexualité, du consentement, du rapport homme / femme, de la situation des mecs là-dedans, et tout cela avec la volonté que ce soit un espace d’échange autour des questions féministes.
Dès le départ nous voulions faire des interventions dans l’espace public en politisant le privé.
Quelques personnes de Thomas Bouloù sont en lien avec l’Ardécom (association nationale pour la recherche et le développement de la contraception masculine). En nous lançant là-dedans, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre, hormis que nous souhaitions créer des espaces de discussions, faire de la couture (ndr : pour les remonte couille toulousains) et faire des rencontres de personnes intéressées par ces moyens de contraception ou les ayant déjà testés. Nous ne partions pas non plus de rien, nous avions déjà fait quelques interventions dans le Finistère. Mais avant tout, les personnes qu’on avait envie de faire bouger c’est bien les mecs qui se sont construits sans investir leur propre contraception.
Une copine a rejoint le groupe pour le Contracept-Tour. Pendant le tour, la structure de notre intervention a beaucoup évolué, on a construit notre intervention et notre manière de présenter les choses. Cette personne a beaucoup enrichi notre petit tour.
Thomas Bouloù c’est un groupe qui est en non-mixité de fait mais qui n’a pas de volonté d’être en non-mixité masculine. Avant qu’elle nous rejoigne, on s’imaginait bien que c’était pas évident de d’arriver dans un groupe de mecs construits autours de préoccupations de mecs, en l’occurrence sur la contraception testiculaire.
Au début de la présentation vous précisez clairement que vous êtes là ni pour discuter sur l’existence de la domination masculine, et encore moins pour la remettre en cause. Est-ce une précaution prise dès le début du tour ?
(Rire) – En fait, dès la première soirée à Grenoble on a eu droit à notre « baptême ». Nous n’avions pas précisé ce cadre-là. Du coup, lorsque la discussion a abordé des sujets délicats, quelques mecs de l’assemblée l’ont faite glisser vers ces questions.
Ça a complètement gâché le potentiel de cette soirée. Les arguments que les mecs essayaient de mobiliser, c’était surtout pour ne pas se sentir concerné par les questions que l’on propose, et puis ça glissait vite sur de l’argumentaire masculiniste. Ces débats sont intéressants à avoir, notamment pour démonter leur argumentaire, mais pas forcément devant une assemblée qui est venue pour discuter de contraception testiculaire. Et puis ces discours-là non seulement nient des oppressions qui sont réelles, mais nient aussi certains vécus des personnes présentes dans la salle.
Quand l’un de nous a tenté « Bon, moi j’ai pas envie que l’on discute de ce genre de chose maintenant », la réponse fut le triste « Il n’y a que vous qui avez la paroles. Vous nous censurez ».
On en a beaucoup rediscuté, et il a été assez évident qu’il fallait poser un cadre clair avant chaque intervention : « Si tu veux remettre en question l’existence de la domination masculine c’est dehors, à un autre moment ».
Cette règle permet de poser une attention commune sur la lecture des oppressions et aussi d’atteindre des réflexions plus subtiles.
Comment expliquez-vous le désinvestissement du corps médical et du contexte social en France au sujet de la contraception testiculaire ?
Dans les études de médecine ce sujet est complètement occulté. Il y a une méconnaissance des médecins sur la question, et si elle est abordée illes vont plutôt avoir un rejet à posteriori.
La médecine marche avec de grandes orientations, et aujourd’hui ce n’est clairement pas sur la contraception testiculaire. Le problème est aussi culturel : peu de médecin vont facilement prescrire des slips chauffants, et encore moins proposer de les coudre soi-même.
Au niveau politique, la pilule dite « féminine » rapporte beaucoup de thunes aux labo pharmaceutiques, alors que les moyens de contraception testiculaire n’en dégagent pas beaucoup (du moins pour l’instant).
Il est vrai que les mecs ne prennent pas ces questions spontanément en charge, et il y a toujours la possibilité de faire bouger les choses par nous-mêmes. Mais il faut savoir que les études médicales doivent souvent être bi, tri voire quadri-nationales pour réussir à trouver des financements.
Socialement, le traitement concernant le corps des « hommes » leur est généralement favorable par rapport à celui des « femmes ». Par exemple, les effets secondaires de la contraception hormonale sont complètement acceptés pour les pilules, alors que pour les « mecs », beaucoup de médecins émettent des réserves, les survalorisent et évoquent que nous manquons d’expérimentations médicales. Il ne me semble pas que pour la pilule dite « féminine » les mêmes réserves et les mêmes freins aient pris tant d’importance.
Le médecin concentre du pouvoir, on oublie que ça n’est aussi que l’avis d’un individu avec ses propres constructions sociales (et bien souvent issu de la bourgeoisie).
Quelle place, au niveau de la responsabilité des mecs dans leur propre contraception, les ateliers pratiques ont pris dans vos interventions ?
Les soirées publiques brassent beaucoup de gens, mais on a du mal à capter les répercussions concrètes de nos interventions. Ceux qui viennent à l’atelier couture pour coudre leur propre slip chauffant sont clairement plus investis. C’est d’ailleurs souvent les personnes qui nous ont accueillis et qui étaient déjà motivées. De fait, ils deviennent des relais, des référents sur la question de la contraception testiculaire. Le réseau qui se créé va aussi nous permettre d’avoir plein de retour d’expériences sur le slip-chauffant.
La question que l’on s’est beaucoup posée, c’est comment contribuer à ce qu’il y ait une réappropriation des personnes qu’on rencontre ? On a vite remarqué que des personnes venaient aussi pour réintroduire les questions de sexualité, de corps, de consentement, d’assignation de rôle, etc. dans leur milieu, bref pour investir autrement des questions « privées » ou « intimes ».
De chouettes, et moins chouettes, histoires ou rencontres pendant ce tour ?
Alors qu’on faisait une table de discussion qui petit à petit s’est orientée totalement sur les IST (Infection Sexuellement Transmissible), une fille a pris la parole au bout d’un moment : « Moi j’en ai rien à carrer des IST, je fais des tests de temps en temps mais c’est la cadet de mes soucis. Par contre j’ai pas du tout envie de revivre un IVG… » Je me suis rendu compte à ce moment qu’il fallait calmer le jeu sur les IST parce que ça restait une préoccupation principalement de mecs.
Pour finir, quelques phrases entendues pendant le tour :
- « Je vois pas pourquoi je prendrais ça en charge alors que ma femme s’en sort très bien »
- « C’est vrai que l’homosexualité c’est pratique. Je n’aurais plus de problème sur les risques de grossesses, et puis enfin des rapports détendus ! »
- A propos de la domination masculine : « C’est vrai que l’on parle très peu de ces questions secondaires ». Sans commentaire...
Douceuradicale@riseup.net
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