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Témoignages rennais en hommage aux blessé.es de Ste Soline

Répression - Justice - Prison

Témoignage d’une médic rennaise

Quand on est médic, on est pour la plupart pas médecin. On est avant tout militants. Des militants qui ont choisit d’exister dans cette modalité pour aider la lutte. Parce qu’on pense que les modes d’actions utilisés par les blocks sont légitimes, qu’on sait aussi, malheureusement, que répression il y aura. Alors, on se mobilise pour la cause.

A sainte Soline, ce sont des médics de partout en France qui ont affluas pour prêter main forte.

Je me rappelle le matin même être partie l’esprit serein, me disant qu’on était hyper nombreux et déters. Que la base arrière était badass, qu’on avait une ambulance, une infirmerie, que tout irait bien.

On arrive. Tout se précipite. Les mottes de terre giclent dans les airs, comme à la guerre. Les cris s’affairent. Une grenade lacrymo explose juste à côté de moi. Au sol, alors qu’elle devrait être en l’air. Ils nous visent.
Pas le temps d’avoir peur. On a une mission.
On court au son du médic et on ne s’arrête plus. On prend les gens en charge, on limite la casse, on ne parle pas. On se concentre. On a jamais vu ça.
On ne parle pas de l’horreur qu’on voit, des cris, des grenades qui tombent. On court et on soigne.
Pendant 2h, sans jamais s’arrêter.
Quand ça pleut, on protèges avec nos corps.
On ne pense pas à nos proches. On ne pense pas tout court. On a pas le droit de craquer.
Le médic est comme un leitmotiv, il frappe à nos oreilles au même son que les détonations.

Il faut protéger nos camarades. Eux qui ont le courage et la bravoure d’aller au front.
Avec des cailloux, des artifices et des cock. Avec le pouvoir de la main face à des armes de guerre. Protégés par des bouts de bâches et de plastiques face à des armures.

J’avais jamais vu autant de blessés. Jamais vu autant de plaies si profondes.

Nos camarades du block qui voulaient juste protéger le cortège, se défendre, avancer.
Celui dont on peut dire tant de mal, et d’énormités.
Alors qu’il est là, en campagne, se battant pour le bien commun, pour l’eau, pour provoquer un Putin de changement dans cette société mortifère.
C’est eux qu’on tue et qu’on mutile.

Eux qui ont tant de force d’oser refuser l’inaction, de se mettre au devant d’une lutte qui ne peut plus agir en respectant les interdictions de l’Etat.

Nos camarades eux aussi, qui voulaient rester derrière pour faire masse, apporter du soutien, exister autrement. Qui ont subi la répression de la même manière. Chargé par les quad tirant au hasard sur la foule.

Bombardés pour avoir lancés des cailloux et des feux d’artifices sur des soldats équipés et sur protégés.
Bombardés pour avoir avancé avec du courage, main dans la main devant les lignes de soldats.
Pour s’être battus pour leurs convictions.

Car tout ce qu’on a de plus que ceux qui nous réprime c’est notre détermination. Parce qu’on se bat pour quelque chose auquel on croit. On ne suit pas les ordres aveuglément.
On sait pourquoi on est là, c’est pour cela qu’on semble déterminés, battants, fougueux.
C’est pour ça qu’on continueras de se battre encore et encore.

Les blessures de nos coeurs et de nos esprits ne sonneront pas la fin de nos mobilisations. Les menaces judiciaires nous pousseront à continuer le combat.

On ne lâchera pas. Jamais.

Témoignage d’un camarade du comité rennais des sdt

Ce à quoi nous participons depuis quelques semaines, et qui atteint un paroxysme depuis quelques jours à travers le lynchage médiatique de nos camarades blessés, c’est une guerre des récits. Une lutte entre des imaginaires, entre des représentations du monde. De la même manière qu’une manifestation sauvage en centre-ville, tel ou tel saccage ou pillage, la prise d’une bassine n’est qu’un coup dans un rapport de force politique. Et chaque fois qu’on se mobilise pour porter ces coups, on gagne. Nos victoires sont éphémères par nature, elles sont des espace-temps arrachés à l’ordre social. Parce que ce que l’on affronte ne se bat seulement pas sur un champ de bataille ou une barricade, mais qu’il se fait basculer sur le temps long de ce rapport de force qui se joue au niveau des récits.

Comment mieux décrire la forme actualisée de ce rapport de force qu’en racontant ces instants fous où la première ligne, à Sainte-Soline, entend ces clameurs lointaines, des dizaine de milliers de voix qui célèbrent et poussent une avancée de quelques mètres, un repli des force de l’ordre, mais aussi vibrent à l’apparition soudaine d’une fumée noire qui s’élève maintenant d’un de ces camions bleus qu’on croyait être seuls à haïr. Voilà une manière de décrire le basculement en cours dans la lutte des imaginaires quand la foule tranquille des associatifs, des partis politiques, des citoyens fait l’expérience de sa camaraderie avec celles.eux qui donnent leurs corps à la lutte contre l’ordre du monde. Un peuple, une stratégie, des milliers de façons d’être ensemble. Imaginez la joie qui nous traverse dans ces moments. Mais, nécessairement, à l’un ou l’autre de ces éclats, l’un.e d’entre nous est tombé.e. Savoir qu’iel ne pourra pas l’entendre, le raconter, c’est la pire chose qui puisse nous arriver. Parce que nous ne sommes pas une armée, nous sommes équipés de nos rages, nos rêves de liberté et que nos vies n’ont de saveur qu’en luttant. Alors, perdre ou gagner, ce vocabulaire est un arrangement du monde qui n’a aucun sens pour qui lutte. Chaque corps mutilé est une défaite, chaque traumatisme est une défaite.

Il règne une forte confusion depuis la boucherie de Sainte-Soline. Après leur folie meurtrière qui traduit combien ils nous craignent, comment on menace leur monde, nous devons subir leur bassesse politique. Et la pauvreté de leur récit est encore une victoire pour nous. Chaque fois que nos adversaires défendent leur violence policière et politique, ils font l’étalage de leur agonie et rendent nos luttes plus belles encore. Pour sortir du piège de la confusion, il faut se resituer dans le conflit politique.
Ce à quoi nous participons aujourd’hui, c’est la manifestation bien concrète d’un message envoyé à ceux qui détruisent toutes les possibilités de vivre en dehors de l’aménagement capitaliste du monde. Ce message est le suivant : on s’en prend à vos symboles, on attaque votre empire parce qu’au fond on en veut à votre rapport au monde. C’est ce sens qu’incarne la stratégie de la composition : un peuple, c’est-à-dire une position dans un rapport de force, des milliers de formes de lutte pour une infinité de formes de vie.
Sainte-Soline et la montée de la sauvagerie dans le mouvement social racontent cette chose simple : l’espace que vous voulez nous prendre, on le garde. On ne vous laissera pas l’usage de l’eau comme de la terre. Et on fera ça toute nos vies. Chaque fois que vous nous blesserez, individuellement ou collectivement, vous renforcerez nos rages, vous renforcerez nos récits et donc notre composition. En renforçant les forces de mise en désordre du monde, vous faites basculer le rapport de force politique, et vous ne viendrez jamais à bout du courage de celles.eux qui sont prêt.es à mourir dans un enfer de grenades pour arracher des espaces d’un monde que vous avez rendu inhabitable.

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