Écrite par l’universitaire et sociologue Eric Heilmann, l’un des spécialistes français de la question [3], ses conclusions sont sans appel ! L’effet des caméras est quasi-inexistant quand il n’est pas contre-productif. C’est écrit noir sur blanc : « La vidéosurveillance n’a pas apporté la preuve de son efficacité en matière de prévention de la délinquance à Rennes… Quand à la mythologie [qu’elle] permettrait d’identifier l’auteur d’une infraction, elle ne résiste pas au principe de réalité. » [4]
Selon l’étude d’Heilmann, à Rennes, « l’utilisation judiciaire des images est rare et marginale ». Autrement dit, les recours aux images pour aider à l’élucidation d’affaires de délinquance sont proches de zéro. Pour donner un ordre d’idée, les réquisitions demandant à voir les rushes s’élèvent au nombre de 7 en 2012, 14 en 2013 et 15 en 2014 sur près de 14 000 faits de délinquance, soit un taux proche de 0,10 % des affaires traitées.
Concernant la prévention, même constat d’échec. Le rapport démontre que « la présence de caméras ne permet pas de prévenir les violences physiques (homicides, agressions) » puisque selon un inspecteur de la police nationale « dans 8 cas sur 10, les auteurs des délits sont alcoolisés et les caméras n’ont pas d’effet sur eux. »
Idem pour les vols, « l’action rapide et discrète d’un pickpocket ou d’un voleur à la tire est difficile à détecter sur un écran. » Rappelons en plus qu’« en moyenne, il n’y a personne derrières les écrans les 2/3 du temps. [5] » Pour le flagrant délit, on repassera ! « La vidéo a un impact limité dans les espaces urbains étendus à contrario des espaces clos comme les parkings. » Enfin, le témoignage d’un policier, plutôt lucide et circonspect sur « l’utilité des caméras » avoue d’ailleurs à l’universitaire au cours d’une patrouille que « les caméras déplacent dans l’espace ou dans le temps le phénomène, sans le résoudre pour autant. »
Entre la rémunération des personnels, l’achat et la maintenance des équipements, le coût de la vidéosurveillance est loin d’être négligeable. La Cour des Comptes avait chiffré les frais d’une caméra à 7 400€ par an en moyenne toujours selon ce rapport. Malgré les faibles effets bénéfiques, la vidéosurveillance est paradoxalement devenue un incontournable des politiques de sécurité urbaine, le nombre de caméras installées par les collectivités augmentant chaque année. Pire, elles sont devenues un mobilier urbain comme un autre.
Il faut se rendre à l’évidence. Les seuls gagnants de cette mascarade sont les entreprises spécialisées du secteur qui ont à cœur de récupérer cette manne d’argent public. Au placard les rapports à la passion triste qui démontrent, chiffres à l’appui, la faible efficacité de leur technologie. L’idéologie, le discours politique et la communication sont de mise pour convaincre les élu.e.s de s’équiper (encore plus). « Si je ne mets pas de caméras, les gens croiront que je ne fais rien » avoue un maire en 2015 à Eric Heilmann [6].
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