Le 9 septembre 2020 Idir Mederess est mort au mitard de Lyon Corbas. Il avait 22 ans, et d’après l’administration pénitentiaire il se serait pendu. Sa famille ne croit pas à cette version des faits. Sa mère, Najet Kouaki parle d’un jeune homme qui avait des projets, un co-détenu témoigne de violences et d’humiliations subies par Idir avant son "suicide". Depuis lors elle se bat avec d’autres familles de victimes contre les violences pénitentiaires, pour obtenir la justice, la vérité et pour la suppression du mitard.
Le 30 mai 2021, à l’appel du collectif "Nous sommes Idir" et du réseau "Vérité et justice", rejoints par d’autres organisations de soutien aux victimes, la première Journée Nationale Contre les Violences Pénitentiaire était organisée.
A Rennes le Collectif Rennais Anti Carcéral (CRAC) était à l’initiative du premier mois anti carcéral qui s’est inscrit volontairement autour de la Journée Nationale Contre les Violences Pénitentiaires tout en voulant élargir aux violences institutionnelles liées à l’enfermement quel qu’il soit : la prison, les centres de rétention administrative ou les institutions psychiatriques par exemple. Le CRAC est rejoint par d’autres organisations et personnes intéressées, c’est la naissance de la Coordination Anti-Carcérale.
En mai 2024, pour la 3e fois, nous nous mobilisons pour faire entendre la voix des victimes du système carcéral. Idir est loin d’être le seul à avoir vu sa condamnation devenir peine de mort. Plus près de nous, 3 jeunes prisonniers sont morts fin 2022 – début 2023 à Rennes-Vézin. En avril 2021, c’est Sacha, 18 ans, qui se suicidait au mitard de la prison de Saint-Brieuc après en avoir énoncé clairement le risque à l’Administration Pénitentiaire. La prison c’est 250 morts par an dont 120 "suicides". Ces morts qui s’accumulent ne sont pas un hasard : la prison tue..
En France, la taule c’est plus de 74 000 détenu.es avec un taux de sur-occupation exponentiel. On laisse comme ça des gens se marcher dessus, n’avoir plus aucune intimité et vivre dans des conditions d’hygiène dégradées. La prison c’est l’enfer pour les personnes incarcérées, mais aussi pour leurs proches. Iels sont seul.es face à une administration pénitentiaire qui se sert de l’éloignement comme punition supplémentaire. La prison, c’est aussi un business capitaliste avec des personnes qui travaillent pour quasi rien et qui n’ont aucun droit. La prison, c’est notamment les détentions provisoires (des personnes non condamnées : environ 20 000 actuellement incarcérées). Ainsi, pour rien ou trois fois rien, l’Etat enferme, maltraite, torture et tue.
La prison, un mal nécessaire ? Nous ne le croyons pas. En tous les cas pas pour les raisons de sécurité et de réinsertion que l’on nous vend. Si la prison répond à un objectif politique, c’est bien à celui de mettre à l’écart les populations considérées comme "dangereuses". Derrière les barreaux, ce sont les pauvres que l’on retrouve et plus particulièrement s’iels sont racisé.es.
Dans ce contexte inhumain, on nous explique aujourd’hui qu’il suffirait de construire de nouvelles prisons pour rendre les conditions de détention dignes. Le projet du gouvernement de construction de 15 000 places est en cours : 19 établissements ont déjà été livrés (soit 4 103 places) et 9 établissements sont actuellement en travaux pour un total de 2 051 places. Ne soyons pas dupes : quand on construit une prison, l’expérience montre qu’on la (sur)remplit toujours ! Construire plus de prisons, c’est enfermer plus !
Et ça, c’est pour la seule prison. La carcéralité, en réalité, c’est aussi l’enfermement sous contrainte en psychiatrie ou la rétention des personnes sans-papiers, y compris les enfants à Mayotte où le Droit français ne s’applique pas comme en métropole. Là aussi, c’est encore et toujours sur les pauvres, sur les personnes racisé.es que ça tombe. La carcéralité, c’est une machine à broyer les nôtres ! Et tout ça pour quoi ? Pas grand chose en terme de paix sociale. La récidive augmente avec l’incarcération. Plus on va en taule, plus on retourne en taule.
Notre Coordination Anti Carcérale est abolitionniste. Elle milite pour la fin des lieux d’enfermement et veut montrer que les institutions carcérales, quelles qu’elles soient, s’inscrivent dans la reproduction systémique des injustices, des inégalités sociales, du racisme, de l’homophobie, de la transphobie, du sexisme, du validisme et plus généralement de toutes les oppressions. Qu’elles sont les outils d’une justice de classe. Qu’elles sont le moyen pour les États de maintenir un pouvoir de plus en plus répressif, tout en instaurant des politiques publiques installant toujours plus de pauvreté. Qu’elles visent non pas à nous protéger mais bien à étouffer la colère et les révoltes des personnes les plus vulnérables, ou des personnes qui luttent contre ce système oppressif. Car en prison, il y a aussi des détenus politiques. Nous voulons montrer que ce système nuit à l’ensemble de notre camp social, qu’il est fait pour nous diviser, nous affaiblir et nous faire peur. Mais dénoncer ce système n’est pas suffisant. Nous voulons aussi montrer qu’il existe d’autres voies.
L’abolition, c’est changer la façon dont nous répondons aux préjudices. C’est questionner l’idée de la punition et de la réparation, explorer et étendre l’alternative de justice transformative, accompagner à la fois les personnes autrices de violence et celles qui l’ont subie.
Alors, nous vous invitons à nous rejoindre pour en discuter, débattre et se former pendant les différents temps qui seront proposés autour de la journée du 26 mai.
Nous proposons aux organisations politiques, syndicales, associations, collectifs intéressé.es, d’organiser à cette occasion des événements anti-carcéraux en toute autonomie. Pour que nous puissions communiquer sur un programme collectif, si votre organisation souhaite proposer un évènement (formation, arpentage, ateliers...) autour de l’abolitionnisme pénal et de la justice transformative, faites nous connaître votre intention rapidement par le biais de notre adresse mail ci-dessous. Nous arrêterons le programme lundi 15 avril prochain, lors d’une réunion de travail où vous êtes bienvenu.e.s si vous le souhaitez.
Enfin nous vous invitons toustes, organisations, collectifs, individuEs, à la journée qui aura lieu le 26 mai prochain devant la prison des femmes de Rennes, à 11 h pour un rassemblement festif et solidaire en dialogue avec les prisonnières lors d’un parloir sauvage, ce rassemblement sera suivi d’une déambulation anti-carcérale.
Pour participer à l’organisation de cette journée et de ces évènements, contactez nous ici : cac35@cryptolab.net
Toute aide est appréciée, nous aurons besoin : d’une cantine, d’une bonne sono, et selon le nombre d’orgas, éventuellement de petits stands. N’hésitez pas a fabriquer des banderoles si vous pouvez les porter.
Nous vous espérons nombreux.euses à cette occasion.
La CAC 35
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