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Faites du bruit !

Féminismes - Genres - Sexualités

Quand il s’agit de parler de soi, de visibiliser ce qu’on fait, d’avoir un avis sur ce qui nous ne concerne pas... Ça, c’est sur qu’on nous entend (beaucoup trop). Mais lorsqu’il s’agit d’exprimer ses sensations et son plaisir pendant du sexe, là bizarrement, on ne nous entend plus.

Pourtant, se parler, exprimer oralement son plaisir grimpant, interrompre le rapport sexuel pour s’assurer que tout va bien pour notre partenaire, prendre le temps, gémir...
En vrai, c’est exquis... Mais qu’est-ce qui nous bloque à le faire en tant qu’homme-cis [1] ?


[Ce texte est un témoignage sur la communication et l’oralisation du plaisir en tant qu’homme-cis¹ dans les relations sexuelles hétéro, en lien avec qui je suis en fait. Les citations viennent d’interviews-discussions d’ami·es avec qui je suis confiné, téléchargeables en entier en bas de l’article]


Pendant 26 ans, ma faible pratique sexuelle était très silencieuse, autant pendant le sexe que dans le quotidien, autant dans les discussions avec mes amours qu’avec mes ami·es. Si la question ne s’était jamais posée, cela m’empêchait de vivre une sexualité épanouie et choisie, mais surtout, cela contraignait mes partenaires féminines à des pratiques centrées uniquement sur mon plaisir : la pénétration comme seule issue, pas d’écoute sur le rhytme de mes partenaires, l’éjaculation et mon orgasme comme fin du rapport...

Cependant, en apprenant à écouter le vécu de mes amies, en écoutant les frustrations de mes amoureuses (non sans déni parfois/souvent), les abus et agressions sexuelles cessent une à une. J’ai capté que les parties de sexe devrait toujours être un moment de partage, et que pour cela, il faut apprendre à écouter, mais aussi à communiquer, par des gestes, la parole, des sons. De mon côté, j’ai surtout commencé par la parole. En posant des questions pendant le sexe ("Est-ce que ça va ?", "T’as envie que je te fasse [...] ?"), mais aussi en ouvrant des discussions dans le quotidien, en dehors d’enjeux sexuels ("C’est quoi ce que tu préfère ?", "Avec quoi tu n’es pas à l’aise ?").

Puis de complicité en complicité avec une personne, j’ai appris à me relâcher et à prendre le temps d’apprécier de nouvelles sensations, et à laisser ma voix s’exprimer. On a commencé à laisser échapper des "aaah", des "oooh", des "hmmm", des "oui, continue !", des "Est-ce que tu aimes quand je [...] ?", à pousser des gémissements, et même parfois à simuler abusivement (surtout pour en rire)... C’est aussi en jouant pendant le sexe que j’ai appris, avec l’idée de découvrir des pratiques qui nous plaisent sans se mettre la pression, sans toujours chercher l’objectif de l’orgasme.

Après, sur le fait que les mecs ne font pas de bruit, moi quand je fais des bruits je ne le fais pas du tout de manière virile. Je pense que ça peut freiner, qu’on pourrait se dire "Si je fais du bruit, faut que je râle, comme une bête". Mais moi c’est pas du tout ça, tu vois. C’est plutôt tout léger, tout mimi. C’est pas le truc qu’on va voir dans un film.

Parce que, accompagner le plaisir par des sons, des respirations, des cris, des gémissements, émanant de nous les mecs, ça permet de sortir de l’image du gars qui "gère" et de sa partenaire qui "kiff" (imaginaire véhiculé par la société / le porno, mais très loin de la réalité).

On avait regardé quelques courts métrages [porno] avec une partenaire, et elle ça l’avait bloqué ce truc, le fait que le mec ne ressente rien, qu’il ne dise rien. De fait, dans mon regard, ça me choquait moins. Mais elle ça l’intéressait beaucoup moins d’avoir du porno où le mec est concentré sur ce qu’il fait, tout le temps, et qu’il n’accepte pas d’être passif.

Ça permet aussi de guider nos partenaires, contrairement aux silences qui peuvent être très déstabilisants. Et puis, en m’exprimant plus, j’ai aussi de plus en plus écouté les souffles et bruits de mes partenaires, et donc écouté et considéré leurs rythmes et leurs plaisirs (ce qui devrait être systématique en fait...).

Avec un mec qui fait zéro bruit, je peux pas savoir ce qu’il aime, alors je tatônne, je galère. Et du coup je me retiens et je prends moins mon pied.

Il y a des personnes qui adorent entendre des gémissement dans l’oreille, d’autres qui préfère qu’on leur explique sensuellement ce qu’on est en train de faire. Personnellement, lorsque que l’on se concentre sur son plaisir, j’aime beaucoup l’accompagner par des gémissement montant. Mais ce n’est pas du fake, mon plaisir monte aussi avec le son de nos voix.

Car le sexe, ça n’a pas grand chose de magique et de spontané.
Deux corps ne sont jamais "fait l’un pour l’autre". Ils doivent apprendre à se connaitre, à s’accorder, se parcourir, comprendre leurs limites. J’ai donc abandonné l’illusion de la "symbiose naturelle", et me suis plus attardé à comprendre mes propres mécanismes et ceux de mes partenaires.

Tout de même, quelques rappels importants :

  • Un rapport sexuel à plusieurs, c’est à plusieurs.
    Arrêtons de penser qu’à nous



  • Le sexe ça n’est PAS que la pénétration pénis/vagin



  • Le consentement, c’est obligatoire. Alors demandons, et laissons l’espace pour nous dire non. Et le plaisir mutuel, les orgasmes partagés... c’est aussi obligatoire



  • Les enjeux autour du sexe existent avant et après le rapport, et aussi dans le quotidien : discutons, demandons ce que l’autre aime, écoutons les envies et frustrations, assumons nos erreurs et violences pour ne pas les reproduire



  • Nous avons le droit de ne pas avoir envie de sexe, 1 fois, 2 fois ou tout le temps. Tout comme nos partenaires peuvent ne pas en avoir envie (et c’est pas grave, faisons des cookies à la place, c’est plaisant à partager)

Pour autant, notre apprentissage n’est malheureusement pas sans conséquences... Car comme le dit l’adage, derrière un mec qui s’exerce à refuser à participer au sexisme et aux oppressions de genre, il se cache au moins une (dix ?) personne marginalisée par son genre qui est épuisé·e d’expliquer.
Alors continuons à lire et écouter (cf. plus bas) les vécues des personnes qui subissent le patriarcat, à comprendre ce qu’est la culture du viol et comment on y participe (et surtout comment on arrête d’y participer), à prendre le temps de questionner nos pratiques entre amis et à pointer ce qui pose problème...

En tout cas, bon courage ! Le plaisir mutuel est un monde chouette, qu’il nous faut construire et renforcer tous les jours.
Et n’oublie pas... Fais du bruit !

Entretien avec J. :



Entretien avec S. :



Entretien avec V. :


douceuradicale@riseup.net

P.-S.

Un peu de lecture ?

Des podcasts méga intéressant ?

Notes

[1Homme-cis (pour cisgenre) : Personne ayant été attribuée homme à la naissance, donc ayant eut une éducation masculine, et se reconnaissant comme tel

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