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[Intergalactique] Première journée de rencontres à la ZAD

Zad de Notre-Dame-des-Landes
Migrations - Luttes contre les frontières

Depuis début août, des brigades basques ont investi la ZAD pour continuer le chantier de l’Ambazada, lieu collectif qui se veut le carrefour des luttes sur la zone. Pour la dernière semaine du mois, des rencontres intergalactiques ont été convoquées, occasion de réflechir ensemble et de préparer la rentrée tout en inaugurant la dernière tranche de travaux.

Lundi matin.

Les coqs claironnent sur la ZAD.
La pluie estivale de la veille n’a pas eu le temps de réellement mouiller les chemins.
La traversée entre les deux lieux de rencontres n’en est que plus aisée.
Bellevue s’agite doucement, quelques personnes s’affairent à préparer ce qui devrait permettre de "reprendre du souffle" à la rentrée.
A l’Ambazada, des dizaines de personnes défilent à l’accueil pendant que de nombreuses autres préparent les rencontres intergalactiques. Une cantine fournie prépare les repas, d’autres bidouillent en attendant que les présentations de l’après-midi commencent.
Des camionnettes de gendarmes font des allers-retours sur le chemin de Suez...

Lundi après-midi

Première partie

Les discussions autour des luttes des migrant.e.s démarrent sous chapiteau.
La chaleur commence à se faire sentir.
Des présentations se succèdent pour proposer une analyse descriptive des politiques migratoires européennes. Le but est de montrer que ces luttes s’inscrivent dans un contexte politique toujours plus répressif. Sont mis en avant les mécanismes politiques d’externalisation des frontières ainsi que la marginalisation des migrant·e.s en Europe.

Routes de passage, frontex, Hotspot, sommets européens autour des questions migratoires, autant de données qui sont présentées durant la première heure.

La présentation sur la marginalisation des migrant.e.s propose quelques pistes d’analyses intéressantes. Comment sans aller jusqu’à la mise à mort gérer un ensemble de personnes non-désirables ? Depuis 2015 se met en place une politique d’expulsion des camps auto-construits, des camps dont les migrant.e.s se sont appropriés l’espace. A défaut de les mettre à mort, c’est par une succession d’expulsions que les autorités cherchent à ce que les migrant·e·s soient "solubles dans l’explusion". Sale travail de la police, stratégie des institutions, autant d’élements qui mettent à l’oeuvre une politique étatique raciste.
De l’autre côté, l’État met en place une routinisation de la militance qui se mobilise avec les étranger.e.s. Tout comme dans les années 80, le socialisme a tenté de présenter un visage pacifié des mobilisations sociales, l’État, aujourd’hui, tente d’intégrer des "partenaires" qui prendraient en charge une forme de gestion des migrant.e.s. La politique de non-accueil repose sur les bonnes volontés des collectifs militants qui viennent palier à ce que l’État ne fait pas : accueil et hébergement des débouté.e.s par des mobilisations sociales, repolitisation de ces questions migratoires, gestion de l’éternelle urgence. Et finalement, c’est la mise en marge des personnes qui traversent les frontières qui semble inéluctable tant que le problème n’aura pas été élargi, notamment en interrogeant la continuité des mythes coloniaux en Europe. Est aussi évoqué les différents conflits. Conflits entre militant.e.s qui oscillent entre luttes circonstancielles et luttes radicales politiques, conflits entre migrant.e.s et militant.e.s, etc

L’expérience migratoire en France varie entre les territoires, d’où l’émergence de villes comme Nantes dans la route des migrant.e.s. Ces villes semblent offir un accueil plus humain.

Une présentation est faite sur la répression à l’oeuvre autour de ces luttes. Le cas de la frontière franco-italienne est exposé. Depuis peu s’est ouvert une nouvelle route dans le Brianconnais, faisant suite au passage par Menton de ces dernières années. La France met en place des points de passage autorisés qui permment de contrôler les arrivées et d’autoriser leur surveillance dans une dizaine de kilomètre autour du point de passage. Tous les corps de police sont aujourd’hui rassemblés dans des zones comme celle du Brianconnais. PSIG, police au frontières (PAF), gendarmes, police, BAC, etc. Tous les possibilités d’interventions sont concentrées dans ce territoire, ce qui permet de rendre plus efficace leur politique représsive de chasse, d’intimidation et de guerre. Depuis la marche qui a eu lieu en avril 2018 avec une quarantaine d’exilé.e.s, trois personnes ont été mises en garde à vue pour délit de solidarité. De multiples mobilisations ont permis de libérer ces compagnon.ne.s en attendant leur jugement mais d’autres personnes connaissent des problèmes juridiques. Le deux poids deux mesures est d’autant plus criant quand est rappelée l’action de Defend Europe, groupsucule fasciste proche des identitaires, partie faire la chasse aux migrant.e.s sur les montagnes. Du point de vue de celleux qui s’organisent pour aider les migrant.e.s, le point de bascule se fait jour quand l’acte de solidarité devient un acte de résistance.

S’en suit une description de la nouvelle loi asile/immigration. Elle se situe dans la continuité des lois migratoires et dans le durcissement progressif des mesures.
4 volets principaux sont présentés :

  • La demande d’asile est modifée, et a pour objectif de refouler le plus vite possible la migrant.e qui est arrivé.e à passer la frontière. Deux traitements sont possibles : normal et accéléré. Lorsqu’il y a traitement accéléré la loi impose aux instances des durées courtes (pas plus de deux mois d’examen jusqu’au rejet). Un pré-tri permet de cibler qui n’est pas réellement éligible à l’asile. Un.e demandeureuse d’asile qui attend plus de 90 jours (120 jours avant) est de son côté automatique confronté à un traitement accéléré. Là, la CNDA peut statuer en visio conférence.
  • Pour les expulsions, le refoulement direct à la frontière est introduit, de même qu’un délit de franchissement de frontière en des points non autorisés. L’enfermement passe de 45 à 90 jours. Le bannissement est mis en place, c’est à dire l’interdiction de retour sur le territoire.
  • Le juge des libertés et de la détention peut quant à lui doubler la durée d’intervention de 2 jours à 4 jours pour une intervention en faveur des migrant·e·s.
  • Pour les enfants né.e.s en france, il devient possible de les expulser si les parents sont en situation irrégulière. Une contre-enquête de l’administration peut se faire contre les avis médicaux. Enfin, le fichage des mineurs reconnu.e.s majeur.e.s est introduit, facteur aggravant pour les jeunes migrant·e·s.

C’est sur ces présentations techniques que s’achève la première partie de la discussion-présentation. Les plus assidu.e.s peuvent enfin aller taper la balle avec les migrant.e.s qui ont entamé une partie de foot près du chapiteau.

Deuxième partie

Le chapiteau est de nouveau plein. Des camarades de Caen et Nantes présentent leur lutte. Caen évoque le nombre de squats ouverts (5 en ce moment, 30 en tout). Entre 200 et 300 exilé.e.s sont hébergées alors que les institutions ont environ 900 places.
C’est la repression féroce à Ouistreham qui est présentée dans un premier temps avant de revenir sur un énorme squat ouvert depuis 2018 sur Caen dans un second temps.

Ouistreham, c’est un petit port au nord de Caen devenu un nouveau point de passage vers l’Angleterre après l’évacuation de Calais. Ouistreham est d’ailleurs aujourd’hui considéré comme un petit Calais par les autorités. Face à cette situation, la préfecture met en place une répression et une ségrégation forte sur le territoire. Les toilettes sont contrôlées, des barrières anti-émeutes empêchent l’accès de la station balnéaire aux migrant.e.s. Les bus sont aussi des objets de contrôle et de ségrégation. Ces formes de coercition étatique sont très violentes. Des luttes et mobilisations se sont organisé.e.s en réaction. Des manifs de plusieurs milliers de personnes ont eu lieu, rassemblant plus que lors des mobilisations sociales. Le PSIG déploie sa violence contre les tentatives d’organisation.

A Caen, c’est un gros squat qui s’est ouvert depuis avril 2018. Derrière cette ouverture, L’Initiative pour la Convergence des Luttes qui est un outil qui permet de créer un lieu de rencontre entre les différents groupes, collectifs et syndicats sur la ville.
Ce squat est au dessus de la gare, ouvert pendant la grève des cheminot.e.s. Le geste d’officialisation (des syndicalistes qui participent à l’ouverture) montre un réel effort de convergence. Bien que le tableau soit positif, quelques limites dépassables sont évoquées. L’urgence de la gestion quotidienne de la survie se fait sentir. Penser des formes d’auto-organisation avec les personnes sans papiers n’est pas toujours aisé. Au-dela des rapports inégalitaires qui peuvent se produire, l’énorme travail chronophage fait que d’autres outils de luttes peuvent être désertés.

À Nantes, on s’inscrit dans une longue histoire de lutte des exilé.e.s. Cette année est quand même plutôt mouvemementée. À l’origine des séries de gestes posés dans la ville de Nantes cette année, une soixantaine de mineurs non logé.e.s en ville. Une volonté de mettre ces personnes à l’abri de la rue permet de se concrétiser lors de l’ouverture aux migrant.e.s de l’ancienne école des beaux arts à Nantes. Une manifestation appellée farandole part tranquillement en manifestation, entre dans les lieux et ce sont 24h d’occupation incroyable qui commencent dans ce lieu magique. Le sentiment de puissance collective est palpable. Le lendemain, l’expulsion est réussie mais provoque de nombreuses réactions dans la ville. Le soir même, une réunion à la faculté rassemble des exilé.e.s, des étudiant.e.s, des lycéen.ne.s, etc qui débouche sur l’occupation de salles de cours. Très vite, de deux salles, l’occupation passe à 10 salles de cours. Un chateau, appartenant à l’université, est ensuite occupé. Dans ces deux espaces, plus de 180 personnes sont accueilli.e.s. L’occupation tient tout l’hiver avant que les deux lieux soient expulsés en mars. Pendant toute la durée de l’occupation, des échanges ont lieu avec l’administration et le mouvement tient bon malgré la pression des membres de la présidence.

Des discussions ont lieu avec l’association médecins du monde et l’intersyndicale qui refusent de négocier seules avec la présidence.
Ce sont cinq mois d’occupation de vie collective qui se vivent. A l’issue de cette occupation, 50 places sont arrachées : scolarisation et logement par le CROUS. Des coups de pression de fascistes ont lieu à l’intèrieur même du chateau.

Après le 7 mars, un autre lieu est ouvert. Un ancien EHPAD près des quais. Pendant l’occupation, le lieu prend de l’ampleur, même le 115 ramène des exilé.e.s vers ce lieu. A BREA lorsqu’on arrive, un délai est obtenu pour rester. L’occupation en elle même est positive, des échanges se construisent via les cours de langue (arabe, français). Le lieu est petit par rapport au nombre d’occupant.e.s (300-400 personnes assez rapidement). Une auto-organisation se construit.

Après l’explusion, d’autres lieux ont été occupés. Aujourd’hui, 300 à 500 personnes campent au square Daviais avec un seul point d’eau. Les associations qui s’occuppent de la bouffe des migrant·e·s sont absentes pendant la trève estivale. Le projet de l’autre cantine prend le relai puisque la mairie ne gère rien. L’autre cantine prépare 500 repas par jour dans un lieu squatté, ce qui permet de faire bouger les lignes de nombreuses personnes qui viennent filer des coups de main. C’est difficile car dans les autres lieux, des liens ont pu se construire parce que les militant·e·s dormaient avec les exilé·e·s, ce qui ne se fait pas dans le square.

Après ces présentations des situations à Nantes et Caen, un exilé témoigne de la situation à Dijon. Un témoignage nous vient aussi depuis le plateau des Millevaches dans le Limousin où une belle mobilisation a eu lieu dans un village où toute la population s’est mobilisée contre l’expulsion d’une personne exilée habitant dans leur village depuis six mois.

Une personne revient sur la question de la négociation avec la présidence de l’université de Nantes, sur les différences d’ancrage politique entre les personnes, sur la façon d’imposer des modes de fonctionnement de la part des militant·es blanche·s. Elle souligne que personne a envie de négocier avec les pouvoirs publics mais que grâce à plein de discussions entre les militant·es et les exilé·es, des accords ont pu être trouvés.

Les discussions de la journée se terminent sur quelques prises de parole, l’heure de l’apéro se fait sentir ! Alors, à demain !

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