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Le ver est dans le fruit

Rennes
Féminismes - Genres - Sexualités
2 compléments

" L’ostracisme des agresseurEs comme seule réponse [aux agressions sexuelles] a été critiqué auparavant, mais nous voulons souligner qu’une telle approche sert à protéger la culture du viol en évitant une confrontation directe avec celle-ci. Les gens protègent la culture du viol en l’externalisant comme s’il s’agissait d’une entité extérieure à elleux. En projetant tout sur unE seulE agresseurE (ou sur touTEs les agresseurEs), les gens font dévier toute analyse des relations sociales produisant les agressions sexuelles, en particulier le rôle qu’illes y jouent. En mettant à l’écart quelques pommes pourries, illes distraient du fait que tout le panier est pourri."

  • Traduction libre d’un extrait de la brochure Betrayal, A Critical Analysis of Rape Culture in Anarchist Subcultures

Ce texte a été en partie lu en AG de Rennes 2 le 29 mars en réponse au texte "Le zoïle ne nous fera pas taire" qui interpellait les membres de l’AG sur leur capacité à exclure un agresseur des AG et des manifs.

Proposer ce texte en AG, c’est déposséder une seconde fois les meufs qui ont subi ces agressions.

Il y a eu un véritable processus collectif de remise en cause et d’accompagnement décidé directement par les victimes.
Ce n’est pas à nous en AG de décider à la place des premières concernées la punition et la réparation qui doivent avoir lieu. Elles n’ont jamais demandé que leur agresseur soit viré totalement des AG et manifs de Rennes, mais des espaces où ELLES, elles pourraient le croiser.

C’est comme si tu te faisais agresser à Rennes et que 3 ans plus tard, l’AG de Bordeaux ou de Lille décidait à ta place du processus à mettre en place...

Vous êtes qui pour décider à la place des victimes ?
Je trouve cette position anti-féminisme dans le sens où décider à leur place, ça va à l’encontre du slogan "Ne me libère, je m’en charge".
Parce que vous, vous auriez la "bonne" vision du féminisme, vous auriez tout compris aux notions de justice, etc. Si elles avaient voulu porter plainte, et elles ne l’ont pas fait, c’était pas votre problème. C’est tellement facile de dire "vous pensez pas comme nous, DONC vous êtes masculinistes". Quel manque d’humilité !

Je soutiens toutes les femmes agressées dans leur choix de rendre publique leur aggression ou non ! La sororité passe avant toute idée de vengeance.
Vous dites "c’est un agresseur connu et reconnu". C’est vous qui en avez fait une affaire publique et personne d’autre. On ne va pas faire un vote en AG pour tous les agresseurs connus. Je peux vous en citer plein des agresseurs connus dans le milieu militant. Et quoi, on les fait disparaître de la surface de la terre ? C’est juste potentiellement nos camarades, amis, amoureux ou amants. Le patriarcat et la culture du viol participent d’un même système. Diaboliser un seul agresseur permet à beaucoup de personnes de se cacher derrière cette exclusion et de se déresponsabiliser.

De plus, c’est vraiment contre-productif d’en faire une affaire exceptionnelle, ça donne vraiment pas envie de parler ou de dénoncer un nouvel agresseur quand on est autant dépossédée de la résolution de l’agression.

Enfin, ce qui s’est passé lors de ces agressions relèvent de l’intime, d’actes non consentis lors d’une relation sexuelle consentie. Ce n’est pas un mec qui va nous sauter dessus en manif pour nous violer.
C’est une vision complètement fantasmagorique de vouloir rendre la rue un espace "safe". C’est éminement plus complexe que ça. On est tou-te-s concerné·e·s par ces histoires de dépassement de consentement. Rejeter la faute sur une seule personne, c’est extèrioriser le problème loin de soi alors qu’on est tou·te·s traversé·e·s par ça.

En bonus, un extrait du très bon texte : "À propos de violences sexuelles et d’exclusions du comité des ex-anarchistes aigriEs" :

Nous ne sommes pas certainEs que ça soit tout aussi valide de participer à punir, à faire souffrir, à isoler et à détruire unE agresseurE par solidarité avec une personne survivante. Et ce dont on est certainEs, c’est que ce n’est pas de la justice transformatrice. On pense que pour éviter de reproduire en miniature un système punitif carcéral qui va juste déplacer et reproduire les violences, c’est vraiment important que les personnes ayant agressé aient accès à des espaces d’éducation et de réflexion et à du soutien à l’intérieur de leurs communautés. Et comme ce n’est absolument pas aux personnes survivantes de se préoccuper du bien-être de leurs agresseurEs, nous pensons que c’est important que celleux qui en sont capables se mobilisent minimalement pour ne pas créer un environnement où les agresseurEs dénoncéEs et leur entourage deviennent des ennemiEs du peuple.
Parce que si au final, il reste seulement des bros et des mascus autour des personnes ayant été dénoncéEs pour agressions sexuelles, on ne voit pas trop comment ça pourra être possible pour elleux de changer leurs comportements. C’est plate à dire, mais il faut se sentir au minimum entouréE et en sécurité pour être capable de se remettre en question, et avoir accès aux réflexions et matériel pour le faire. Et ça, on est 100% sûrEs que tout le monde en bénéficierait.
En tant que personnes survivantes, on ne peut pas offrir ça aux personnes qui nous ont agresséEs sans nous mettre en danger. C’est pour ça qu’on vous le demande à vous qui le pouvez, dans nos communautés.

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