Ce documentaire au titre polysémique pose une question simple : ça fait quoi, de vivre en zone occupée ? Pour y répondre, la Bretonne Alexandra Dols a rencontré Samah Jabr. Les entretiens avec cette psychiatre psychothérapeute et écrivaine constituent le fil rouge du film et décrivent avec précision les conséquences de cette oppression sur les âmes – et, fatalement, sur les actes. Nul besoin d’être un.e expert.e du conflit israélo-palestinien pour se plonger dans ces presque deux heures de pellicule. On est immergé.e dans ce quotidien dès les premières minutes : un check-point, des heures d’attente, en vain ou presque. On songe aux embouteillages hexagonaux. On sourit. Jaune. Car cette attente quotidienne s’avère totalement arbitraire.
Surgissent alors des images de piétons forcés de passer dans des couloirs dignes de parcs à bestiaux. Là encore, une situation “normale”. Les témoignages lumineux et éclairants s’enchaînent : une militante palestinienne lesbienne, un sociologue, une ex-membre du FPLP assignée à résidence, un boulanger récemment libéré après une grève de la faim de presque deux mois, une mère de famille, un archevêque orthodoxe… Sont évoquées la torture et ses stigmates psychologiques, la haine de soi, de vaines tentatives de s’identifier à l’oppresseur, ou la volonté de ce dernier d’instaurer l’anomie dans les territoires occupées. Tou.te.s viennent avec leur bagage, leur parcours, leurs espoirs et leurs craintes. Chacun.e nourrit l’espoir d’une paix encore possible. Qu’aucun.e ne verra de son vivant.
La vie, justement
L’autre intérêt réside dans la façon dont est filmée l’affaire. Certaines scènes choquent par leur violence abrupte. Alexandra Dols n’y ajoute aucun pathos. Au contraire. Elle prend le parti de saisir la vie : les rues qui fourmillent, les lumières de la ville, ces passants, hommes, femmes, vieux, jeunes qui, envers et contre tout, vivent. C’est également ça, le sumud : une persévérance, une détermination inculquée dès le plus jeune âge. Une résistance silencieuse qui n’exige pas forcément les armes. Une simple volonté, celle de vivre le plus normalement possible avec toutes les humiliations quotidiennes subies par la population arabe. Nul esprit belliqueux, nul désir de revanche dans ce film : seul compte le désir d’informer avec un véritable parti-pris, une subjectivité totalement assumée et salutaire. Derrière les fronts se conclut sur des Yamakazi palestiniens pleins de malice, de rires – et donc de vie, une fois encore. L’espoir d’Alexandra Dols et des intervenants affleure à travers cette jeunesse libre et insolente. Bien trop optimiste ? Peut-être. Mais que reste-t-il, sinon ? De notre côté, on sort de ce documentaire sonné.e, souvent ému.e et persuadé.e d’en savoir un peu plus sur cette bande de terre minuscule, théâtre de drames spectaculaires et de tragédies intimes. Impressionnant.
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