information par et pour les luttes, Rennes et sa région

Paniers à légumes sous surveillance #2 La cour d’école

Rennes
Politiques sécuritaires - Surveillance

Le gouvernement nous rassure et affirme avoir la situation en main.
La réalité sur les marchés est bien différente. Les client·es et commerçant·es doivent souvent faire face à l’arbitraire des placiers et des policiers.

Témoignage d’une vendeuse à propos du marché de Jeanne d’Arc en période de confinement.
Épisode 2 sur 3 - Jeudi 9 avril


Alors, est-ce que ce jeudi vous étiez plus préparé pour ce marché en confinement ?

Plus préparé je sais pas, mais c’est vrai que j’y allais un peu en mode "Ça va être l’ambiance pourri de l’autre fois". Un marché où au début tous les gens sont content d’être là, puis partent en faisant un peu la gueule et ne nous disent même pas "A la semaine prochaine", parce qu’ils n’ont pas envie de revenir.

Moi je me suis dit "Bon, ça va être encore pareil. On va juste pouvoir ne rien dire...". Alors qu’on a qu’une envie c’est d’envoyer balader les flics qui font n’importe quoi.

Nan mais quoi ? T'es flic ou quoi ?
Là c'est des paroles qu'un gars a "rapporté".
Donc juste sur des paroles, tu peux te faire virer.

Mais c’était plus calme j’ai l’impression. Ils ont dû se rendre compte que la fois d’avant ils avaient un peu déconné, et que ça fonctionnait pas.
Il y avait plus de barrières partout, des barrières grises, pour que ce soit encore plus fermé.
C’était encore plus le bordel dans le marché, et ils avaient changé les consignes. Parce que chaque semaine, ils changent. Ils changent de disposition les commerçants. Ils changent d’endroit où l’on rentre. Les gens sont encore plus paumés. Ils attendaient à l’endroit où, en fait, il faillait sortir. Ils attendaient parfois 1h avant qu’on leur dise "Ah mais non, c’est là-haut l’entrée".

Y’avait autant de flic, pas plus que la semaine d’avant. Y’avait toujours "le dragon" qui était là. Mais cette fois, elle s’était calmée. Parce que mine de rien, le fait que 2 clientes en aient causé aux autres flics, y’a moyen qu’ils en aient rediscuté après. Et puis y’avait vraiment que elle qui gueulait, et les autres s’en rendaient compte.

Bon, c’était encore le désordre. Toi tu te dis "Je suis venu mais je vais pas avoir de clients. Parce que les gens ne savent même pas que je suis là et ne vont pas réussir à me trouver".

Dans la marché, il est interdit de revenir en arrière. Si les indications à l’entrée du marché ne sont pas clair, les clients ne peuvent pas deviner quel commerçant est placé où.
Y’avait des indications, sauf que les gens ne connaissent pas le nom des fermes. Nous ça s’appelle la ferme [...], mais personne le sait, tout le monde va "chez Daniel [1]". Du coup, les gens qui sont habitué à nous parler directement, là tout de suite ils ne savent pas où on est vraiment. C’est pas assez précis pour eux.

Et puis normalement, n’importe qui au marché déambule de stand en stand, en parlant aux commerçants. T’es habitué que telle personne soit là, et que si elle se déplace de stand tu ne la trouves plus.
Du coup, si tu change tout le temps, comme là, ça ne peut pas fonctionner.
Y’a un truc un peu bizarre. En tant que commerçant, on vend des produits de 1re nécessité. Et l’ambiance générale te dit de continuer à le faire. Mais en fait, on vend rien parce que c’est fait de telle manière que les clients te trouvent plus et achètent donc au premier stand venu.

J'ai fais un marché le mardi, au Gast, où c'est beaucoup plus quartier populaire [...] Tu sentais qu'ils savaient qu'ils allaient trouver du monde qui n'avait pas d'attestation.


T’as senti qu’il y avait moins de monde qui sont venus ? Que certain habitué n’étaient pas là ?

Ouai. Le jeudi d’avant y’avait plus de clients que l’on connaissait.
Mais alors ce jeudi là, on connaissait plus personne. Tous les bons clients avaient fait des commandes, donc les paniers étaient livrés. Dans le marché c’était presque que des gens que je connaissaient pas.
Alors que normalement tu finis par connaitre tout le monde, c’est un petit marché.

Ces nouvelles personnes je ne sais pas d’où elles sortent. En confinement tu te fais chier, t’es enfermé chez toi en ville, alors ta sortie ça va être le marché. T’as le droit de faire le marché autant de temps que tu veux. Même si, bon, c’est relou, t’attends 1h pour rentrer, et au final c’est pas très sympa car tu te fais gueuler dessus.


Et là ils contrôlaient les attestations ?

Sur ce marché là oui, ils contrôlaient à la sortie. Surtout à la fin.
Les gens en parlait un peu, mais c’était pas flagrant. Tout le monde l’a en fait.

Par contre j’ai fais un marché le mardi, au Gast, où c’est beaucoup plus quartier populaire qu’à Jeanne d’Arc. Et là pour le coup tu sentais qu’ils savaient qu’ils allaient trouver du monde qui n’avait pas d’attestation.
En gros, tout ceux qui se faisait viser et chopper, c’était des jeunes, et noirs. C’était clairement ça. Nous on était à la sortie, et on se disait "Mais c’est fou ça, c’est horrible...".
Mais à Jeanne d’Arc, c’est presque que des bourges.


Et puis j’imagine qu’on écrit tous la même chose : "Va faire ses courses" ?

Bah oui ! Qu’est-ce que tu veux qu’ils aillent faire d’autre ?
T’es dans le marché, donc forcément...

Et cette fois-ci, nous on s’est fait engueuler. Comme le marché ferme à midi, ils virent tout le monde. Mais à partir de 11h30, ils ne font plus rentrer personne. Du coup y’a quelqu’un s’est fait avoir, et il est arrivé par derrière pour demander juste une salade et quelques carottes. Moi j’demande à mon patron, on ne sait jamais, je l’aurais fait toute seule, mais comme il ne veut pas se faire virer des marchés en tant que titulaire...
Il me dit "Ouai vas-y, pas de soucis".

Et ils ont couru à 3 vers nous. D’abord, ils ont engueulé le monsieur, et nous ils ne nous ont rien dit. Ils l’ont inciendié en lui disant "C’est interdit, faut venir plus tôt, faites comme tout le monde". Mais lui, il ne savait pas que ça fermait à midi, et ils voulait pas grand chose, tu vois. "Il ne faut pas qu’il y ait de transfert d’argent une fois que le marché est fini".
Personne n’a jamais dit qu’il y avait cette régle là ?! Mais bon, apparemment elle existe...
Du coup mon patron il fait "Mais je lui donne". Il lui a filé plein de trucs, et on a continué à ranger.

Ils y avait plus de barrières partout, des barrières grises, pour que ce soit encore plus fermé.

Et 5 minutes après, y’a le plus grand, le gradé, qui arrive, le plus costaud des flics. Il nous dit "On m’a rapporté que vous donniez des légumes par derrière".
Évidemment on a rien dit. Mais comment ça rapporté ? C’est quoi votre métié ? C’est une cours d’école, c’est quoi le truc ?
Puis il ajoute :
"On vous a déjà vu aux autres marchés. Vous faites ça souvent, faut que vous arrétiez. On vous a déjà vu 2 fois faire".
"Comment ça 2 fois, mais on a jamais fait ça".
"Si si, mardi vous faisiez pareil au marché du Gast, vous donniez par derrière".
"Mais c’est des commandes, c’est prévu en fait. Les gens ils me payent même pas là, ils me payent plus tard".
"Non, non, mais attetion ! Parce que la 3e fois..."

Nan mais quoi ? T’es flic ou quoi ? Là c’est des paroles qu’un gars a "rapporté". Donc juste sur des paroles, tu peux te faire virer.


Ils décident des règles sur le moment,
comme pour cette histoire de "pas de transfert d’argent" ?

C’est un peu ça, ouais.
Mon patron c’est pareil, il a envie de gueuler à chaque fois, mais il le fait pas parce qu’il veut garder sa place de titulaire... C’est toujours la même chose, y’a toujours une raison qui fait que tu vas pas gueuler ou donner ton avis face à des flics.
Dans ce genre de situation, si tu l’ouvres...
Et moi c’est pire, j’ai envie de le faire, mais je peux pas pour pas que ça retombe sur mon patron. Je passe mon temps à marmonner dans ma barbe et à parler aux clients.

Et là, face à ce genre de situation, tu vois qu’il y vraiment 2 types de personnes.
Ceux qui disent "Nan mais c’est normal". Et d’autres "Mais quand même ils abusent un peu. Nous on aimerait bien que ce soit dans le calme, qu’ils nous rassurent. C’est plutôt ça leur boulot. Pas de nous faire flipper encore plus".

Et à aucun moment ils ne parlent du fait que c’est un problème avec la maladie. T’oublies carrément qu’il y a cette maladie, que c’est pour ça qu’on fait ça. Et ils arrivent à nous faire appliquer des règles...

C’est rapide. Alors que pourtant ça ne fait que 3 semaines, tout ça parait déjà normal...


Contact : douceuradicale@riseup.net

Notes

[1Le nom a été modifié

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