Suite au procès en appel des 13 zadistes, les condamnations sont lourdes : 8 personnes ont pris 300€ d’amende avec sursis et 3 ont pris 300€ de jours amendes. Une personne a pris 4 mois ferme, une autre 4 mois de sursis et ces 2 personnes ont 2000€ de dommages et intérêts à payer aux gendarmes. 👿
Ces 13 personnes sont injustement accusées de « recel de bien provenant d’un vol, avec destruction ou dégradation » lors de l’action de construction d’une cabane sur le chantier de l’autoroute au printemps 2019.
Pour rappel :
Vidéo de l’action
Voici le témoignage de certain.e.s d’entre elleux
V : « En première instance, nous avions voulu légitimer notre résistance en rappelant la catastrophe environnementale et le déni de démocratie que représente le GCO, ainsi que l’immobilisme du pouvoir face à l’urgence climatique. En retour, outre les condamnations, nous avons eu droit à des remarques condescendantes et des allusions à Gandhi de la part d’un tribunal qui visiblement ne connaît pas si bien la révolution indienne.
Lors de l’appel, nous avions pourtant eu l’impression d’être mieux écouté.e.s. Le tribunal semblait moins nous prendre de haut, nous avons même eu la surprise d’entendre l’avocat général (le représentant de l’État) oser avouer que l’intervention illégale des gendarmes était plus motivée par la volonté de pouvoir reprendre les travaux que par de réelles charges contre nous. Et pourtant, au final, le résultat fut le même. Nous avons été condamnés par un tribunal refusant de se positionner politiquement face à l’urgence climatique, ou pire, par un tribunal se positionnant du côté de l’autorité. Quoi qu’il en soit, j’ai ressenti contre nous une volonté de répression afin d’écraser notre militantisme plus qu’un jugement équitable.
Ma condamnation pour violence quant à elle rappelle un autre problème de société : L’irréfutabilité de la parole policière. Même si dans mon cas les dépositions des gendarmes sont floues, contradictoires, et ne correspondent pas à ce que l’on voit sur les vidéos. Même si sur les images on voit une autre personne faire ce que les gendarmes décrivent que je fais. Même si les témoignages des gendarmes frôlent le ridicule quand ces armoires à glace en armure lourde expliquent que du haut de mes 60kg, je les ai chargés si fort que j’en ai renversé un, brisé son bouclier, et blessé son collègue derrière lui par onde de choc. Du moment où quand les juges demandent au gendarme « reconnaissez-vous votre agresseur » et que ce dernier se retourne et me pointe du doigt, l’affaire est pliée. Pourtant, que vaut ce doigt ? Étant masqué et habillé différemment lors de l’action, comment peut-il me reconnaître au tribunal ? De plus, cela fait un an et demie que les enquêteurs lui répètent à tord « Ton agresseur c’est V, ton agresseur c’est V ». Il n’est pas difficile d’imaginer que devant les juges, visiblement intimidé et peut-être sous la pression de ses collègues, il pointe presque par réflexe la personne qui lui a été désignée. J’oserais même pousser une hypothèse plus terne : Je dois lui verser 1100€ de dommages et intérêts. Son véritable agresseur n’ayant pas été attrapé, s’il avait avoué ne pas le reconnaître, il aurait dû faire une croix sur cette jolie somme. Il est temps de nous rendre compte que ce ne sont que des humains derrière l’uniforme, qu’ils ont leurs propres intérêts, qu’il ont un pouvoir pour les défendre, et une institution entière pour les protéger.
Pour conclure j’aimerais dire qu’à partir du moment où on constate cette volonté de nous montrer comme agressif, de gonfler la réalité, et d’arrêter arbitrairement et parfois sans motif les militants, on ne peut plus nier la volonté de faire de la répression politique. Et un pouvoir qui réprime, ce n’est pas un pouvoir que l’on résonne, c’est un pouvoir que l’on combat. Je sais au plus profond de mon être que notre résistance ce jour là était juste. Juste pour l’humain et pour la planète. L’histoire nous donnera raison.
I : « Le 20 avril 2019, au petit matin, une cabane est dressée sur une bute du chantier du Grand Contournement Ouest de Strasbourg. Après quelques heures, une brigade de trois gendarmes arrivent, voient la cabane, les barricades faites de bric et de broc qui l’entourent, et appellent des renforts. Une fois en nombre suffisant, vers 11h30, une trentaine de gendarmes partent à l’assaut de la butte : boucliers, casques, gaz lacrymogènes et un LBD (l’avocate des gendarmes dira plus tard quelque chose comme « la violence n’était pas du côté des gendarmes, ils auraient pu utiliser le LBD mais ils ne l’ont même pas fait ! »)…
Des butopistes s’interposent à la charge et tentent de ralentir l’avancée des forces de l’ordre avec des boucliers de fortune. Ces gestes donneront lieu à des poursuites pour violences aggravées.
S’ensuivent des interpellations musclées et l’usage sadique et dangereux de gaz lacrymogènes dans un espace semi-clos, la cabane, pour en faire sortir le reste des militant·e·s qui s’y étaient regroupés.
Les forces de l’ordre ont réussi à évacuer la butte en faisant usage de méthodes questionnables mais leur travail n’est pas fini, il continue dans le chaos : les butopistes sont séparés en plusieurs groupes qui semblent être faits au hasard, on contrôle les identités mais on ne sait pas qui a contrôlé qui, du coup on recommence. C’est tellement le bazar qu’une personne ne récupérera pas sa carte d’identité à l’issue du contrôle, ni à l’issue de la garde à vue, ni 1 an et demi après.
Il n’y a pas assez de places dans les gendarmeries, tout le monde ne peut pas être incarcéré, il faut donc faire un choix. Au bout de plus d’une heure 13 personnes partent dans différentes gendarmeries pour y passer 48 longues heures de garde à vue. Pourquoi ces 13 personnes ? Les raisons sont parfois difficilement compréhensibles : vous faites du yoga pendant l’opération d’évacuation ? GAV. Vous vous êtes confinés dans la cabane avec tout le monde ? Toi GAV, toi pas GAV. On vous dit que vous êtes libre de vous en aller, vous apportez à manger à un groupe de camarades qui partira en GAV, vous partez avec eux. Peut-être que l’OPJ n’aimait juste pas nos têtes…
La GAV, l’ennui, la pression des interrogatoires… D’abord on nous dit que nous sommes là pour dissimulation du visage lors d’une manifestation non déclarée sur la voie publique. Mais, comme nous n’étions pas sur la voie publique (l’ordre d’évacuer la bute et de nous interpeller était donc illégal « l’expulsion et les interpellations ont été menées manifestement hors de tout cadre de police administrative et judiciaire »), on requalifie les faits en dernière minute. Nous sommes dès lors poursuivis pour « vol en réunion avec dégradation », à cause des barricades qui étaient partiellement composées de matériel de chantier et des panneaux de signalisation qui servaient de boucliers de fortune.
Quelques mois s’écoulent et c’est le procès. Dans le dossier, les avocat·e·s montrent qu’il y a énormément de vices de procédures, des incohérences entre les images et les déclarations des gendarmes accusant les butopistes de les avoir violentés. Les gendarmes n’ont fait aucun constat de vol, pas d’inventaire du matériel trouvé sur place alors que la société à qui ça appartiendrait demandait tout de même 16000 € de réparation), aucune enquête sur leur provenance ou autre…
Mais ça ne suffit pas à faire flancher l’appareil judiciaire : comme le vol ne tient pas, qu’il n’y a aucune preuve et qu’on ne peut pas en identifier les auteurs·rices, le juge correctionnel requalifie les faits en « recèle en réunion avec dégradation ». Comme ça, toutes celles et ceux qui se sont « servis en connaissance de cause de cette barricade » peuvent être désignés coupables. Pratique !
Et s‘il y a des incohérences autour des faits de violence on s’en fiche puisque les accusés auraient admis « avoir voulu soit empêcher la progression des gendarmes en bloquant le passage avec leur bouclier, soit se protéger des gendarmes ».
Finalement, 2 mois plus tard, on apprend que nous sommes tou·te·s condamné·e·s pour recèle à 2 mois de prison avec sursis. Les personnes accusées de violences sont jugées coupables et se retrouvent avec 4 mois d’emprisonnement avec sursis pour l’un, 4 mois ferme pour l’autre.
Comment, avec un dossier vide plein d’incohérences et de vices de procédures, peut-on en arriver à ce verdict ?
Cela nous paraît incompréhensible et nous décidons avec nos avocat·e·s de faire appel.
En septembre 2020 nous nous retrouvons devant la cour d’appel de Colmar. Les avocates dénoncent encore une fois les incohérences, le manque de preuves, les vices de procédures. Mais rien n’y fait, 1 mois plus tard nous apprenons que nous sommes jugé.e.s coupables une seconde fois. Les peines des personnes accusées de violence restent aussi sévères, pour les receleurs le sursis passe de 2 mois de prison à 300€ d’amende.
Une épée de Damocles s’est abattue sur un camarade qui va devoir purger une peine de 4 mois de prison. D’autres s’agitent au dessus de nos têtes. Le sursis nous épargne provisoirement mais il suffit d’un pas de côté pour qu’il nous tombe dessus. Si ça devait arriver, les peines auxquelles nous serions exposé·e·s seraient plus lourdes car cette affaire aura fait de nous des délinquant·e·s.
La répression aura-t-elle raison de notre volonté ? La punition dissuasive est elle efficace pour empêcher l’expression de pensées jugées dérangeantes ?
Nous ne sommes pas des délinquant·e·s. Nous dénonçons la délinquance, la désinvolture criminelle du capital, la violence de l’état… Les « valeurs de la république » ont été vidées de leur sens par le monde politico-économique. Nous voulons l’égalité réelle et concrète, nous voulons une solidarité sans frontière, nous voulons une véritable liberté.
Nous nous défaisons des carcans avec lesquels la société consumériste et individualsite nous étrangle pour respirer une bouffée d’air pur. Et même si elles ne cessent de se resserer autour de nos cous, il faut continuer à lutter contre ces chaînes, ainsi nous retrouvons notre liberté d’être, d’aimer, d’exprimer, de protéger ce qui nous est cher.
Nous sommes légitimes, notre combat est juste. »
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U : « J’ai toujours été moyen à l’école, pourtant toutes les valeurs qu’on m’y a appris ont beaucoup raisonné en moi. On m’avait expliqué que la Justice faisait parti de la séparation des pouvoirs, ce qui empêcherait la mainmise sur un pouvoir totalitaire. Permettre une organisation de la société basée sur un contrat social démocratique et non pas sur la violence des injonctions étant nécessaire au bien commun.
Alors quand le procès s’est terminé j’étais vraiment heureux, l’âme en paix, le corps libre : la Justice allait être le contre-pouvoir, le garant de la démocratie. L’audience s’était bien déroulée, nos avocats avaient démontrés que notre arrestation était illégale, et que les témoignages des policiers nous ayant accusés de violence n’avaient aucun fondements. L’accusation de vol ne tenait pas non plus puisque le plaignant ne pouvait dire ce qui lui a été volé ; ils auraient pu nous accuser de s’être introduits sur leur terrain et d’avoir déposé des déchets, nous aurions plaidé coupables. C’était certainement les derniers jours de ma vie où j’ai cru en la République.
C’est un mois plus tard que j’ai appris qu’on avait perdu. Perdu face à Vinci, face à Xavier Huillard et ses amis. Qui en 2005 ont organisé un des meilleurs casses de l’histoire : la privatisation des péages ; soit une taxe, un impôt sur la circulation, une arnaque anti-démocratique, un vol organisé, un tour de passe-passe des oligarques. J’ai compris ce jour-là à quel point mes craintes étaient fondées : mes craintes d’un monde autoritaire, où l’Etat de droit n’avait plus lieu, et que la Justice était aux mains de ceux qui s’étaient emparés des trois pouvoirs.
A l’école, on m’a aussi parlé du devoir de mémoire, à quel point il est important de se souvenir du passé afin de se révolter face à l’injustice et à l’arbitraire. Aujourd’hui, on voit des musulmans enfermés dans des camps de travaux forcé en Chine. On voit le capitalisme effréné détruire le vivant à une vitesse insoutenable. Et en France des lois liberticides passent à coup de 49:3, à coup d’état d’urgence, on ne débat plus à l’Assemblée.
Au début du siècle dernier une crise économique majeure à eu lieu, et le fascisme s’est installé ; au début de notre siècle, des crises économiques et sanitaires mondiale. Le propre du fascisme est de prendre ses opportunités dans les crises qui mettent le peuple dans la peur et l’insécurité. Ouvrons les yeux sur ce qu’il se passe, faisons notre devoir de mémoire.
J’en veux à l’école d’avoir tué les artistes. J’en veux à l’école d’avoir caché la vérité, et d’avoir fait de nous des engrenages d’un monstre apocalyptique. J’en veux à l’école de nous avoir bercé dans une douce illusion, celle qui nous empêche de nous insurger, derrière ses mots novlangue de démocratie, justice, égalité. Ils nous ont volé les sens des mots anarchie et socialisme, en les associant au chaos et au fascisme ; pourtant lorsque l’on s’est enchainés dans cette cabane, c’est bien le chaos et le fascisme que nous avons combattu.
J’aimerais qu’on récupère le sens des mots, et qu’on accepte d’utiliser le mot fascisme pour décrire le monde financier qui gouverne ; qu’on ouvre les yeux face au chaos autodestructeur de ce capitalisme moribond.
Si cette expérience m’a permis de constater avec mon corps la violence du système, je n’en reste pas moins un privilégié et finalement je m’en sort avec pas grand chose. J’ai énormément perdu le moral en me mettant face à la puissance du système, mais je continue de rêver ; et je ne suis pas seul. S’ils pensent pouvoir gouverner par la violence, ils se trompent. De partout dans le monde, nous nous rebellons ; parfois avec des défaites, parfois des victoires. Il nous faut faire vivre un imaginaire révolutionnaire : fêtons nos victoires face au capitalisme, honorons ceux qui de leur corps défendent le vivant et le commun. Et surtout rêvons. »
W : « Si nous avons été arrêté, ce n’est aucunement pour avoir masqué nos visages (motif bien risible aujourd’hui), ou même pour l’éventuel présence de panneau sur le chantier (choses à mes yeux d’une banalité déconcertante), mais bien pour avoir exprimé concrètement notre avis sur la construction du GCO (chose qu’aucun autre moyen n’avait permis)
La durée de la GAV quand à elle semble motivée par la nécessité de justifier administrativement une situation dont la cohérence s’effrite avec le temps, heureusement qu’une limite légale existe, sans ça on y serait encore !
Ce sera au tribunal de démêler le problème, on en reparle plus bas.
Toute cette histoire pose un problème social de prise de décisions, comment participer en tant qu’habitant d’un territoire, à son aménagement ?
Lorsque le libre marché soutenu par l’état et ses lois utilise « l’utilité publique » pour imposer au simple citoyen ses décisions, on comprend que ce marché n’a de liberté à offrir qu’à ceux qui ont le moyen de se le payer.
Distribuer le pouvoir de décisions mettrait évidement un frein aux grands projets, étant donné les intérêts divergent des personnes impactées. Cela ne semble pas compatible avec le fonctionnement économique actuel, ton avis ne les intéresse pas !
Dans un tel contexte, un tribunal dont l’activité dépend des affaires conflictuelles, a tout intérêt à se voir perpétuer les pratiques injustes, afin d’assurer son avenir économique, et sa raison d’être.
Tous comme on ressort du médecin avec une ordonnance, on ressort du tribunal avec une peine, moindre pour la plupart d’entre nous au bout de la deuxième audience, mais tout de même, pour avoir voulu donner son avis..
La violence est le dernier refuge de l’incompétence, si en 14 ans de carrière, le gendarme affirme n’en avoir jamais vu autant, c’est également mon cas.
N’ayant pas les compétences pour permettre une conciliation, ils imposent par la force là où la peur n’a pas suffi.
La discussion avec une entité dirigeante est, j’en suis maintenant sûr, totalement inutile.
Reste à nous unir pour créer un rapport de force suffisant pour empêcher les projets, plus encore, créer une alternative qui permettra au plus grand nombre de se libérer.
Une des manières de le faire, rejoindre une ZAD et créer des liens, à bientôt. »
Police partout, justice nulle part !!
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