Contre la gauche du capital
Guillaume Deloison
« L’idée de révolution semble s’être dissoute en l’air, de même que toute critique radicale du capitalisme. Bien sûr, on admet généralement qu’il y aurait de nombreux détails à changer dans l’ordre du monde. Mais sortir du capitalisme tout court ? Et pour le remplacer par quoi ? Qui pose cette question risque de passer soit pour un nostalgique des totalitarismes du passé, soit pour un rêveur naïf. Mais au regard de notre situation écologique et sociale il est bien nécessaire de porter une critique radicale du capitalisme, de mettre à nu son caractère destructeur, et en même temps historiquement limité.
Il s’agit alors moins de « vaincre » le capitalisme que d’éviter que sa désintégration, déjà en cours, ne débouche que sur la barbarie et les ruines. Les mouvements sociaux dirigés contre les seules banques ou contre la classe politique « corrompue » constituent une réponse tout à fait insuffisante, parce qu’ils prennent le symptôme pour la cause, réactivent les vieux stéréotypes des « honnêtes » travailleurs exploités par des « parasites » et risquent de dégénérer en populisme et en antisémitisme. L’État n’a jamais été l’adversaire du capital ou du marché, mais leur a toujours préparé les bases et les infrastructures. Il n’est pas une structure « neutre » qui pourrait être mise au service de l’émancipation. l’état moderne, même si les citoyens se le réapproprient, reste soumis financièrement à la sphère du capital, n’est que le gestionnaire du capital, et modifier ses institutions ou sa constitution, en superficie, ne change pas cette dimension. Lordon notamment, mais tout une partie de la gauche et de l’extrême gauche ne semble pas anticiper ce fait élémentaire. Et cette critique de l’état comme sphère séparé de décision doit se tenir jusqu’à la démocratie directe. Il sera inévitable de sortir du marché autant que de l’État – les deux pôles fétichistes, adoré, de la socialisation à travers la valeur – pour arriver un jour à établir un véritable accord direct entre les membres de la société. Une société post-capitaliste ne fera plus dépendre son destin à des automatismes incontrôlables, à des abstraction meurtrière comme le travail et sa valeur. »
Sources :
- Révolution contre le travail ? La critique de la valeur et le dépassement du capitalisme, par Anselm Jappe
- Frédéric Lordon, de République à Nation, par Benoit Bohy-Bunel
- Citoyennisme, protectionnisme, nationalisme. Les vrais virages populistes d’une certaine "gauche" contemporaine, par Benoit Bohy-Bunel.
- Entre Macron et Mélenchon, les classes moyennes salariées par Sortir du capitalisme
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