Vous qui êtes ici aujourd’hui réunis,Avez-vous remarqué cette tour argentéeAssaillant le ciel gris, première d’une armée,A la fois méprisée, applaudie et honnie ?Sur la place Sainte Anne elle a pris ses quartiers,L’âme presque vaincue de la ville à ses pieds.Elle a les bras tendus et clame sa victoire,Mais il est un peu tôt. Entendez cette histoire :A XIVe siècle, les dominicains,A l’époque autrement appelés "jacobins",Se font construire ici par Jean le quatrièmeUn couvent pour prier, célébrer les baptèmes.Ce fut aussi, bien sûr, pour les nobles rennais,Un endroit de repos de toute éternité.Mais pour seules six-cents années ceci fut vrai,Car en deux-mille-quatorze la terre a tremblé.Des pelles mécaniques, des grues, des camionsOnt déterré et mis à nu les fondations,Qu’une forêt de pieux mit en lévitation,La marque d’un orgueil de civilisation.Et cette agitation, tout ce remue-ménageAvait un objectif, une destination :Celle de transformer, par sa rénovation,Un couvent délaissé en pur produit de l’âge.Un centre des congrès, donc, tel fut le projet.Rutilant, onéreux, au coeur même de la ville,Un instrument aux mains des esprits les plus vils,A la soif de banquiers, à l’appétit goret.Je vous conte cela sans rien vous dire d’autreMais c’est là une erreur, vous m’en voyez confus,Car cet ancien couvent, tout de verre vêtu,De la misère humaine s’est fait un apôtre.Il est le fer de lance du grand capital,Ou tout du moins l’est-il de son oeuvre actuelleQui déjà transforme en avenues nos ruellesEt a fait de nos places de vastes étals.Le commerce, la peine, le travail, bien sûr,La douleur, la misère, et la fatigue en plus,Les malheurs qui s’emboîtent tels des poupées russesEn sont déjà la rèche substance et texture.Il trône là, grand, fier, les passants le regardentMais que disent ceux qui dorment à côté ?Qu’il est beau, et qu’il fait le sommeil appaisé ?Non. Non ils se disent plutôt : "il me tarde.""Il me tarde qu’un jour, aujourd’hui ou demain,Une foule déchire d’un coup, et d’un seul,Ce tissus urbain neuf qui fait notre linceulEt que je veux sentir brûler dedans ma main."Car le maillage est fin, de plus en plus serré,Là on refait la gare, pour le flux des affaires,Là un hôtel de luxe a éventré la terre.Oui le maillage est fin, fin pour nous étouffer.Qu’on s’éloigne du centre, nous les pauvres gens,Nous à qui jamais ne saurait seoir le col blanc.Infernale sera la vie qui nous attend,Qu’on s’éloigne, qu’on parte, au mieux les pieds devant.C’est cela qu’il nous dit, d’un arrogant "fuyez !".C’est cela qu’il nous dit : "eh ! du balais, du vent !Vous ne valez guère plus qu’un bon revers de gant !"C’est cela qu’il nous dit, ce couvent rénové.Alors n’attendez plus, guettez ses soubresauts,Qu’à chacun de ses bals la fête soit gâchée.Car nous ne voulons pas d’une ville entraînéePar les danseurs macabres jusqu’à leur tombeau.
Samedi 18 janvier 18h à Italie : Marche aux flambeaux pour les victimes en Palestine
A l’appel de l’inter-orga Palestine 35.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info