En pleine pandémie, le titre de cet article semble complètement futile lorsque l’on pense aux préoccupations dites urgentes de nos sociétés.
C’est pour cette raison que je commencerai par rappeler que le langage ne peut être isolé du social et proposer d’appréhender les discours non uniquement comme des structures, mais comme des pratiques sociales historiquement signifiantes et situées. Les discours sont des cadres communicationnels au sein desquels les locuteurs interagissent en échangeant des actes de langage, ce qui permet d’établir un lien entre langage et société tout en soulignant que l’individu ordonne le monde à travers le langage et la pensé.
Le langage conditionne les activités et les actions sociales et politiques
Dans le cas des contestations sociales, parler, crier, scander et chanter ne revient pas à produire uniquement des phrases pour les jeter dans le décors mais bien pour exprimer le caractère intolérable de l’existence à un moment précis au travers de revendications. En temps de crise, le langage est mobilisé à travers les slogans pour faire levier, interpeller et amener les institutions à modifier leur positionnement. Les messages sont donc élaborés dans l’intention de faire pression sur leur destinataires.
Dans un contexte où la violence policière atteint son apogée, il semble dérisoire pour beaucoup d’individus de prêter attention à ce qu’ils.elles disent parfois.
Et pour cause ; lors de manifestations, avons-nous le temps de réfléchir à l’insulte que l’on va jeter à la gueule du CRS en réponse au canon à eau ou aux lacrymos ? La réponse est bien évidemment non.
Cependant, les slogans ou insultes se créent, circulent, se composent et recomposent et se diffusent en permanence. Il est donc possible de modifier ses pratiques langagières y compris dans un environnement se présentant comme hostile.
Les comportements sociaux impactent le langage et inversement. La langue est donc vivante, mouvante, elle évolue en permanence. C’est pourquoi changer nos pratiques langagières peuvent amener à changer nos comportements.
Prêter attention à son langage ou comment tenter un changement de paradigme
Le langage est une façon d’interpréter le monde. Il n’est pas seulement le reflet et le reproducteur de rapports de pouvoir mais il en est aussi le producteur. En ce sens, critiquer la violence des discours de la classe politique devrait nous amener à nous requestionner sur nos propres pratiques. Et quoi de mieux que les contestations sociales au sein de l’espace public pour repenser les pratiques langagières là où il est question de réinterroger l’ordre établit ?
En effet, si les discours de la classe politique sont ce que le fromage est au corbeau, les discours du peuple en revanche eux, sont ce que le fromage est au renard c’est-à-dire un jeu de pouvoir au sain d’un système. C’est bien ce que rappelle La Fontaine :
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute
Si nous sommes depuis quelques décennies prêt à prendre conscience de l’impact de nos actions et de nos consommations sur l’environnement pourquoi n’en serait-il pas de même pour le langage ? Après tout le langage a un impact non négligeable sur la perception de la nature, l’environnement humain et non humain. Il permet de poser un regard sur le monde, c’est en quelque sorte une paire de lunettes que l’on porte pour appréhender le monde. C’est ce que démontre le linguistique Panos Athanasopoulos dans une récente étude en démontrant en quoi et comment la langue influe sur les individus, en se concentrant sur les effets qu’elle peut avoir sur le mode de pensée. Ce qu’Horkheimer explique en affirmant que “chaque langage est porteur d’un sens qui incarne les formes de la pensé et les schèmes de la croyance enracinés dans l’évolution du peuple qui le parle”.
Pour une reconfiguration du comportement social
Sans se détacher d’une pensée systémique, il tient également à nous de tenter une reconfiguration de nos modes de pensé qui se fera intrinsèquement par le langage. En cela, n’est-il pas autant légitime de demander l’abolition d’insultes et slogans homophobes, racistes, grossophobes, putophobes et sexistes que de prôner le boycott de grandes enseignes ?
La langue est un système qui se révèle parfois excluant. C’est pourquoi il est urgent d’y prêter attention. En effet, ne pas nommer certaines personnes, actions ou choses les occultent et provoque donc de la marginalité. En ce sens, la convergence des luttes passe par l’inclusion de toutes les parties.
Aussi, critiquer la violence des discours de la classe politique devrait nous amener à nous requestionner sur nos propres discours tout autant que la réflexion sur nos modes de production et de consommation.
Pour terminer, voici quelques propositions pour pallier au “manque” de vocabulaire :
Enfoiré.e.s
Fille/fils de Pétain
Macroniste
Lepeniste
Nazi
fumiers
Pétain t’as oublié tes chiens
Va te faire composter
fille/fils de colon
fille/fils de trader
flics suicidés flic à moitié pardonnés
Déchet de capote
Dysfonctionnement de DIU
Vous trouverez une liste plus complète en cliquant sur le lien ci-dessous :
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