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La Mélancolie de la Nasse

Rennes
Cultures - Contre-cultures Mouvements sociaux

À l’occasion de la parution de Mélancolie de la nasse de Xavier Calais, un ami de lundimatin s’est entretenu avec l’auteur, qui revient avec humour et détermination sur les dernières manifestations nassées, notamment à Rennes en 2019. Il évoque également l’évolution culturelle et pacificatrice de la cité bretonne, qui tente peut être de se défaire des souvenirs explosifs des dix dernières années. Suivent quelques bonnes feuilles.

Bonjour Xavier. La mélancolie de la nasse est le récit de plusieurs manifestations qui se sont déroulées à Rennes, dont l’une, en décembre 2019, s’est finie pour un certain nombre des manifestants, dont le narrateur, à l’intérieur d’une nasse, puis en contrôle d’identité au commissariat. Tu sembles partager beaucoup avec le narrateur … Ce récit est-il autobiographique ?

Oui ce récit est autobiographique. Mais ce que j’ai vécu dans les manifestations ces dernières années, nous sommes nombreux à l’avoir vécu… Et à partager, je crois, ce sentiment d’être aujourd’hui dans une sorte d’impasse. J’en profite aussi pour donner quelques nouvelles de cette ville de Rennes à ceux qui n’y sont pas allés récemment, voire même qui n’y sont jamais venus. Mais la situation locale ressemble, hélas, à celle de bien d’autres villes françaises.

Tu célèbres dans ton récit les feux de joie ou le bris des vitrines des promoteurs qui saccagent la ville de Rennes, à savoir les compagnies d’assurances ou les agents immobiliers. Tu opposes la manif encadrée, réglée, où absolument tout est prévisible, à la révolte, l’émeute, en donnant notamment des exemples liés au mouvement contre la réforme des retraites de 2010, à celui contre la loi travail en 2016, ou au mouvement des Gilets Jaunes. Cependant, comme tu l’écris, le recours à la casse peut lui aussi être très prévisible et réglé …

Je ne sais pas si je « célèbre », en tout cas je salue fraternellement ceux et celles qui sortent du rang pour casser ici une vitrine d’agence bancaire, là celle d’une d’agence immobilière. Ces destructions-là, c’est une évidence, ne sont rien en comparaison de celles qui affectent nos vies et dont sont en partie responsables ces entreprises.

À Rennes, les entreprises de l’immobilier (Giboire, Blot, etc.) s’entendent très bien avec les élus (l’actuel adjoint à l’urbanisme est un héritier falot qui ne doit son poste qu’au fait d’être le fils de son papa : Edmond Hervé, qui fut maire de Rennes, ministre, sénateur, etc.). Entreprises de l’immobilier, du BTP et élus vont main dans la main pour transformer cette ville en un espace dépolitisé, sécuritaire et lisse (les élus parlent aujourd’hui, à propos du centre-ville d’« espace apaisé » - c’est leur nouvel élément de langage. Est-ce que ça signifie que dans cet « espace apaisé », les flics de la Compagnie départementale d’intervention n’éborgneront plus personne ? Je ne sais pas).

Les conflits d’intérêts entre élus et groupes immobiliers sont, à Rennes, à peine cachés et quand l’un d’eux est trop visible, on remplace l’adjoint à l’urbanisme et c’est tout.

Briser les vitres des agences immobilières, c’est désigner l’ennemi. Et celui-ci est en train de transformer cette ville autrefois « rock » en un espace pacifié et joli qu’on pourrait qualifier de bobo et de sympa. Mais sous le sympa affiché et brandi comme un étendard, il y a l’exclusion de ceux qui n’ont pas les moyens d’être sympa et cool.

En tout cas, casser une vitrine a un sens politique évident et fort. Ce que je pointe, c’est peut-être l’aspect ritualisé. Et donc l’absence de surprise. Je m’amuse à imaginer qu’on pourrait régler sa montre, un jour de manif, sur le bris de vitrine du crédit agricole de l’avenue Janvier, comme d’autres auraient pu régler leur pendule sur le passage d’Emmanuel Kant qui effectuait chaque jour, à la même heure, la même promenade... Il n’aurait dérogé qu’à deux occasions à ce rituel : pour aller chercher un livre de Rousseau et, en 1789, à l’annonce de la Révolution française.

Le problème du rituel, c’est que nous devenons prévisibles. L’ennemi sait ce que nous allons faire, où nous allons intervenir. Je ne suis pas un spécialiste de la guerre mais il me semble que dans un combat asymétrique, pour remporter une bataille, l’effet de surprise est décisif.

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