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Pas de vacances dans les Palais, récits de comparutions

Paris
Répression - Justice - Prison

Les Tribunaux ne prennent pas de vacances, et cet été encore, des personnes seront victimes de cette machine infernale, dans l’indifférence générale. Une compilation de compte-rendus réalisés en 2010 au Tribunal de Paris proposent un léger aperçu du travail des Juges des Libertés et de la détention. La brochure est disponible sur le site Infokiosque.net.

"Si nous avons tenu à publier ces récits d’audiences c’est qu’ils démontrent que le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) n’est pas comme certains le laissent entendre le « garant des libertés », ni le symbole d’une justice « indépendante » et « impartiale », comme ne le sont pas non plus les juges des autres juridictions. Il est en revanche ce qui permet à l’Etat de donner par le droit une caution aux expulsions. Or, le problème n’est pas que des personnes soient expulsées dans un cadre légal ou constitutionnel, mais le fait même que ces personnes soient expulsées."

LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION (JLD) est le juge devant lequel les personnes sans papiers comparaissent, 48 heures après le placement en centre de rétention où elles sont enfermées le temps que l’administration organise leur expulsion. Devant le JLD (audience appelée aussi 35bis du nom de l’article de loi), on en est encore à la phase de tri : la personne dite sans papiers peut espérer sortir si le juge décide d’annuler la procédure, en raison par exemple d’un problème technique (appelé vice de forme ou vice de procédure) ou bien s’il décide d’une assignation à résidence. Dans ce dernier cas la personne doit remettre son passeport et est censée repartir par ces propres moyens tout en restant à disposition de la police.

Lors de ces audiences se joue juridiquement la légalité de l’arrestation, de la garde à vue et de la mise en rétention.

Ce juge a le pouvoir de reconduire la rétention pour 15 jours, ce qu’il peut faire deux fois. De nombreuses personnes enfermées au centre de rétention le nomment « bonjour-quinze jours » tant l’audience y est courte et jouée d’avance.

Lors de l’audience sont présents : un juge, un greffier, un représentant de la préfecture qui plaide le maintien en rétention en vue de l’expulsion, la personne sans papiers et son avocat, et éventuellement un interprète. Tout ce qui concerne la situation familiale et sociale n’est pas du ressort du JLD mais d’un autre juge, celui du tribunal administratif. Comme le disent les retenus, les audiences sont expédiées en cinq minutes, les avocats sont la plupart du temps commis d’office - cela coûte cher de payer un avocat -, et ne connaissent, faute de temps ou d’intérêt, ni la situation des personnes ni leurs conditions d’arrestation. La personne sans papiers a très rarement la parole et de toutes façons il n’est pas prévu de lui laisser jouer un rôle. Parfois, l’avocat soulève des nullités de procédure, mais l’issue est le plus souvent la même : le maintien en rétention. Rarement, des sans papiers réussissent à sortir des mailles du filet par une libération devant ce juge, cela nécessite que beaucoup de conditions soient réunies. En général, le juge retiendra plus facilement des vices de formes s’il y a du monde dans la salle : cela pèsera sur la motivation de l’avocat et parfois sur l’attention du juge qui voudra maintenir un semblant de justice devant des témoins.

Avec la nouvelle loi Besson de l’automne 2010, de nombreux vices de procédures ne pourront plus être plaidés. Par exemple, tout ce qui concerne le transfert du commissariat au centre de rétention (longueur du trajet, non accès à un téléphone) ne pourra plus plus être utilisé pour soulever des vices de procédure. D’autre part, le passage devant le JLD ne se fera plus après 48H mais après 5 jours. Ce qui laissera le temps à l’administration d’organiser encore plus facilement des expulsions, voire des vols groupés communautaires. Le juge reconduira la rétention pour deux fois 20 jours, pour une durée pouvant aller jusqu’à 45 jours contre 32 aujourd’hui.

A Paris, quand on assiste aux audiences, on constate que ces vices de procédures marchent déjà très peu et que la nouvelle loi ne fait qu’entériner un état de fait : le rôle du juge est d’avaliser la demande de la préfecture. Ainsi en 2005, le président du TGI de Bobigny a envoyé des rappels à l’ordre à plusieurs de ses JLD qui avaient rendu trop de décisions de libération contre lesquelles la préfecture avait fait appel.
Evidemment toute libération est bonne à prendre et la nouvelle loi va les rendre encore plus difficiles, en même temps qu’elle va accélérer et perfectionner le processus d’expulsion. La tendance est déjà à l’œuvre avec la construction de salles d’audience pour le JLD à proximité immédiate des centres de rétention ou la généralisation des jugements à distance par visioconférence.

Si nous avons tenu à publier ces récits d’audiences c’est qu’ils démontrent que le JLD n’est pas comme certains le laissent entendre le « garant des libertés », ni le symbole d’une justice « indépendante » et « impartiale », comme ne le sont pas non plus les juges des autres juridictions. Il est en revanche ce qui permet à l’Etat de donner par le droit une caution aux expulsions. Or, le problème n’est pas que des personnes soient expulsées dans un cadre légal ou constitutionnel, mais le fait même que ces personnes soient expulsées. N.B : Ces comptes-rendus ont des formes et des styles différents. En effet, ils ont été rédigés par personnes différentes.

Dimanche 20 juin

Il est 10 heures, heure à laquelle les audiences sont censées débuter. Sur la liste affichée sur la porte on voit que 10 personnes sont inscrites aujourd’hui pour passer devant le juge des libertés et de la détention, enfin, la juge puisque, apparemment elle s’appelle Martine Auriol, c’est écrit en haut de la liste. Plusieurs personnes attendent sur le pallier : des familles, des amis de celles et ceux qu’on dit être sans papiers et qui, au hasard d’un contrôle d’identité, d’une démarche administrative ou de n’importe quels aléas de la vie se sont retrouvés stockés dans un centre de rétention en attendant que l’administration organise leur expulsion.
10h30 : on attend toujours. Quelqu’un ouvre la porte et demande aux flics qui sont dans le sas si ça a commencé. « Non. » ...


La suite de la brochure :

en PDF :
https://infokiosques.net/IMG/pdf/bonjour15jours-brochure.pdf

ou à télécharger sur le site infokiosque.net :
https://infokiosques.net/lire.php?id_article=831

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