information par et pour les luttes, Rennes et sa région

Sur la tribune de Libération en soutien aux inculpés du 27 avril

Autonomie & auto-gestion Répression - Justice - Prison

Réaction après la polémique entraînée par la publication d’une tribune d’intellectuels à propos de l’affaire "motard vs. pommeau de douche".

La tribune publiée dans Libération et signée par de nombreux intellectuels est bien écrite. Elle interpelle directement tant la démesure de l’affaire saute aux yeux. Notre droit glisse ou même s’effondre dans un diktat policier du maintien de l’ordre. Si cette tribune peut faire effet c’est parce que le droit dont elle parle part en lambeau et qu’elle en exhibe les vestiges. C’est pourtant bien là que le bât blesse.

Lordon, en bon spinoziste, sait pourtant qu’en reprenant à son compte la puissance d’agir d’autrui on n’augmente pas la sienne, en se faisant le relais du droit de la justice française on se place en son sein et on s’y contient. La tribune s’expose avec les armes de la justice en la posant comme légitime, elle n’a pas manquée de se faire charcuter.

Bien malheureusement, pour faire réagir ou pour se convaincre soi-même, la tribune en appelle au « justifiable », « Aujourd’hui, ce comportement dangereux et injustifiable d’un policier qui n’était nullement menacé, comme le montrent les vidéos,... », comme s’il eut été justifiable que ces mesures soit prises si le flic en question fut menacé. La piste est savonnée et la police n’a pas manqué d’y pousser ceux qui ne peuvent paraître alors que comme des « gentils gauchistes intellectuels », oui le flic était sous la menace de quelques individus aux visages masqués, oui il s’est pris quelques coups. En se posant sous le regard du « justifiable » et surtout en posant ce regard depuis le droit français, la tribune expose ceux qu’elle veut défendre en les enfermant dans ce même droit.

Au fond, elle veut rendre les inculpés innocents. Et si cet objectif est des plus louables, dans sa forme, il ne peut pas marcher. Il conduit nécessairement à enfermer les inculpés dans un droit qui est par nature contre eux, contre tout ce qui serait une opposition légitime aux forces de l’ordre. Pour nous permettre de nous questionner sur ce qu’il s’agit aujourd’hui de faire, alors que nous voyons chaque jour s’échafauder les murs dans lesquels le « droit » nous enferme, il conviendrait de changer de perspective. Pour percevoir que l’ordre social est l’ordre économique, il ne faut pas vouloir faire regretter l’ordre social au temps duquel la prison n’était pas systématique pour tous ses opposants car on y apporte là une différence de degrés et pas de nature.

Pour ce faire, il faudrait plutôt, comme toujours, partir d’une affirmation. Et s’il est inopportun de le faire ou si nous n’en avons pas la force, alors il vaut mieux se taire. Oui nous pouvons affirmer la légitimité de menacer ce policier sur sa moto. Quand le maintien de l’ordre se fait à coup de mutilations, quand la police charge d’un côté et que de l’autre se trouve aussi la police, alors il faut bien espérer que la foule puisse percer un des côtés. Quand un flic sur sa moto n’est pas foutu de comprendre que des centaines de personnes courent en sa direction et qu’il constitue le seul obstacle à leur sauvegarde, il ne faut pas s’étonner qu’il soit pris pour cible. Quand d’humiliations en mutilations la police veut faire la terreur dans les manifestations, alors tout policier est une provocation, tout policier doit être pris pour cible. Parce que le sens de la police est d’empêcher l’émergence de ce que nous pourrons dire elle ne peut pas manquer d’être pour nous une menace.

On ne s’étonne pas que justice et police soient aux commandes ni que la surveillance, le confinement, le dressage soit ce qui tient lieu d’exécutif, on s’étonne qu’il soit encore possible de le défendre. A nous, donc, de partir, de rendre compte, de notre légitimité, de notre perception. Non pas parce que nous avons raison contre tout le monde mais parce qu’il s’agit de faire grandir notre compréhension du monde. Nous devons affirmer nos positions et celles et ceux qui nous soutiennent doivent s’en tenir là. C’est la condition pour grandir, nous ne pouvons pas continuer à commettre l’erreur de croire que la réforme est révolutionnaire ou que pour convaincre il ne faut pas choquer « l’opinion publique ». Ce golem ne nous concerne pas. Cessons ces pudeurs d’affirmer que ce monde est à renverser. Si nous avons le sentiment qu’il reste quelque chose à sauver du droit français c’est seulement ce qu’il aura dû consentir à lâcher pour se sauver de la révolte. S’il a dû consentir c’est qu’il a été mis en défaut et celles et ceux qui l’ont fait se souciaient peu d’un droit qui n’était pas le leur.

Proposer un complément d'info

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par une administratrice du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Derniers articles de la thématique « Répression - Justice - Prison » :

> Tous les articles "Répression - Justice - Prison"

Derniers articles de la thématique « Autonomie & auto-gestion » :

Newsletter du Réseau de ravitaillement des luttes du 19 avril 2024

Comme toutes les semaines, le réseau de ravitaillement des luttes organise une distribution solidaire à la ferme de la Harpe. C’est également l’occasion de retrouver la newsletter qui y est diffusée avec les paniers de légumes et autres denrées alimentaires, avec nos rendez-vous, ceux des ami.es,...

Newsletter du Réseau de ravitaillement des luttes du 12 avril 2024

Comme toutes les semaines, le réseau de ravitaillement des luttes organise une distribution solidaire à la ferme de la Harpe. C’est également l’occasion de retrouver la newsletter qui y est diffusée avec les paniers de légumes et autres denrées alimentaires, avec nos rendez-vous, ceux des ami.es,...

> Tous les articles "Autonomie & auto-gestion"

Vous souhaitez publier un article ?

Vous organisez un évènement ? Vous avez un texte à diffuser ?
Ces colonnes vous sont ouvertes. Pour publier, suivez le guide !
Vous avez une question ? Un problème ? N’hésitez pas à nous contacter