Chers ami-e-s du réseau de ravitaillement des luttes du pays nantais,
A l’heure du confinement général, une question taraude la Cagette des Terres : ne faudrait-il pas être encore plus effrayés par la manière dont le virus sert de prétexte à des mesures liberticides et anti-sociales inédites que par le virus lui même ?
Dans la période actuelle, nous sommes inquiets de l’interruption brutale de toutes les luttes qui faisaient rage contre ce monde.Les samedi ne sont plus jaunes mais mornes. Les récentes manifestations nantaises contre la réforme des retraites ou les grands projets inutiles paraissent si lointaines qu’elles semblent déjà appartenir à une autre époque.
Et si l’état d’urgence sanitaire n’était pas une phase transitoire exceptionnelle ? A bien des égards, il n’y aura pas de retour en arrière. Que l’on songe à la manière dont l’état d’urgence anti-terroriste s’est étalé dans le temps au point de s’insinuer dans le droit commun.
Il est d’ores et déjà possible de constater les ravages durables de la gestion gouvernementale du virus. L’État légifère à tout va par ordonnance, dévoilant par là le rôle strictement décoratif du parlement dans nos prétendues « démocraties ». La police contrôle le moindre de nos déplacements. Les pauvres s’entassent, confinés dans leurs appartements minuscules tandis que les riches se mettent au vert dans leurs résidences secondaires. La télétravail généralisé abolit la séparation entre l’intime et le professionnel. La « distanciation sociale » devient chaque jour davantage la norme, réduisant amours et amitiés à des liens virtuels sur internet…
Comme à son habitude, le gouvernement pointe des boucs émissaires pour mieux dissimuler sa responsabilité. D’où la multiplication des discours sur ces « jeunes de banlieues qui ne respectent rien » ou ces « mauvais citoyens« qui marchent en montagne, en forêt ou au bord de la mer.
Mais après un an de grève dans le secteur de la santé, chacun sait ce que la catastrophe en cours doit à la destruction de l’Hôpital public depuis des décennies et aux choix des gestionnaires qui ont supprimé des lits et liquidés les stocks de masques et de tests pour des raisons bassement économiques. S’il est encore trop tôt pour établir le rôle exact du pangolin dans cette histoire, le rôle crucial des élites économiques dans la pandémie est, lui, bel et bien avéré. Elles ont répandu mondialement le virus en sautant d’un avion et d’un continent à l’autre comme d’autres prennent le tramway.
Faut-il encore rappeler ce que la pandémie doit au réchauffement climatique, à l’extinction massive des espèces végétales et animales ? Au rythme où le monde s’abîme,dans quelques années, c’est peut-être la dengue qui déferlera sur nos métropoles, sans compter les nouvelles maladies liés à l’élevage industriel et à la fonte du permafrost. Le monde occidental a cru pouvoir mettre la mort à distance par la maîtrise scientifique du vivant. Le virus nous rappelle que la vie et la mort ne sont maîtrisables ni par l’État, ni par le marché, ni par la science. Le capitalisme n’est pas en guerre contre le virus. Il est en guerre contre le vivant.
La contradiction majeure de la crise actuelle réside dans ce paradoxe : le gouvernement prend des mesures liberticides drastiques mais il voudrait en même temps que l’économie qui a produit ce désastre continue de tourner. Un citoyen lambda qui sort de chez lui sans attestation écope d’une amende tandis que les patrons peuvent maintenir leurs usines ouvertes sans être inquiétés pour mise en danger de la vie d’autrui.
Certes, on n’entend plus d’avion voler dans le ciel, il n’y a presque plus aucune voiture sur la quatre voies, il y aurait même de nouveau des poissons dans la lagune de Venise ! Mais ne nous y trompons pas : les GAFAS, les supermarchés, l’agro-industrie, les centrales nucléaires, des pans entiers de l’industrie tournent encore et préparent déjà l’après. La bourse s’effondre, mais les dividendes continuent de pleuvoir et les salles de marchés sont toujours bondées de traders.
Comment sortir de la sidération et de la panique ? Comment agir quand il est devenu temporairement impossible de se réunir, de tenir assemblée, de prendre la rue ? Nous ne prétendons pas détenir de réponses à ces questions. Nous souhaiterions simplement mettre en partage trois pistes d’actions et entamer un travail d’enquête et de liaisons à l’échelle du pays nantais.
1- Cesser le travail, arrêter l’économie :
Dans la région nantaise, de nombreux salariés continuent d’aller travailler. Ces derniers ne disposent d’aucune protection du fait de la pénurie de masques. Quelques entreprises ont fermé, mais elles sont trop rares. La plupart d’entre elles annoncent d’ores et déjà des réouvertures après adaptation du processus de production aux nouvelles contraintes sanitaires. Cette reprise du travail en plein pic de l’épidémie est insensée ! Lire à ce propos le communiqué de la section CGT du CHU de Nantes : https://lacgt44.fr/spip.php?article2529
A la Cagette, nous voudrions recenser les entreprises du pays nantais qui tournent encore au mépris de la santé de leurs employés. Nous vous invitons à nous contacter par mail lacagette@riseup.net ou par téléphone au 06 33 39 43 80 afin que nous puissions centraliser l’information et produire une liste. Cette liste pourrait faire l’objet d’une publication et-ou être transmise à l’inspection du travail en préservant bien sûr votre anonymat.
Vous êtes salarié-e-s dans l’industrie, le BTP, le transport, la grande distribution, le service public ? Nous vous invitons à faire usage de votre droit de retrait. Les syndicats de routiers viennent de publier un appel en ce sens. Aux chantiers navals de St Nazaire, cela a permis la fermeture temporaire de plusieurs ateliers. Suivons leur exemple ! Vous pouvez consulter ce guide très bien fait pour faire usage du droit de retrait et connaître vos droits par les temps qui courent (chômage partiel, grève, arrêts maladies…) :
https://drop.infini.fr/r/cwEgPkSQYo…
2- Se nourrir localement :
Des camarades paysans ont publié une tribune en réaction à la décision gouvernementale de multiplier les restrictions contre les marchés paysans tout en laissant les mains libres aux supermarchés. Ces paysans refusent de laisser la grande distribution et l’agro-industrie tirer davantage profit de la crise actuelle. Vous pouvez lire le texte ici : https://www.facebook.com/zadnddlinfo/posts/120854602854437?__tn__=K-R. Nous invitons toutes les paysannes et les paysans du réseau à signer cette tribune. Nous les appelons également à donner leurs éventuels surplus à L’Autre Cantine Nantes qui continue de tourner et de fournir plusieurs centaines de repas par jour aux exilés nantais.
Le risque de pénurie alimentaire ne relève plus de la fiction. La réponse prônée par le gouvernement est absurde : s’enrôler dans l’armée de saisonniers exploités dans les fermes-usines en remplacement des sans papiers et des précaires ! Si vous refusez de bosser pour l’agro-industrie et la FNSEA mais que vous rêvez de grand air, nous tenons à votre disposition le contact de paysans bio qui ont besoin de coups de main.
Nous saluons l’initiative du Réseau de Ravitaillement des Luttes du Pays Rennais qui parvient à organiser une distribution régulières de produits alimentaires. Nous suivons avec intérêt la multiplication des réseaux d’entraide à travers le pays.
3 – Recommencer à lutter :
Le confinement isole, atomise, alors que la catastrophe en cours nous invite à nous réunir pour penser la suite, à nous organiser pour que la crise sanitaire et économique aboutisse à autre chose qu’un virage totalitaire. Certains camarades appellent à une grève des loyers et des factures pour avril. La CGT a déposé un préavis de grève dans la fonction publique qui couvre l’ensemble du mois.
Quand et comment se retrouver ? Ne pourrait-on pas commencer à imaginer une grande manifestation à Nantes pour la défense de l’hôpital le premier samedi après le déconfinement de la Loire Atlantique, avec gilets jaunes et blouses blanches ? A l’heure où le second tour des élections municipales est maintenu pour le 21 juin prochain, ne pourrait-on pas saisir cette occasion pour imaginer une grande fête de rue pendant 24 heures pour rompre le confinement, célébrer le solstice et rendre hommage à Steve (tué par la police l’an dernier) ?
Si vous avez des idées et des perspectives d’actions pendant et après le confinement, n’hésitez pas à nous contacter afin que nous puissions envisager comment soutenir de telles initiatives. Prenez soin de vous ! Hâte de vous retrouver dans la rue !
La Cagette des Terres
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