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3 ans après, procès de l’affaire des 20 du métro

Rennes
Mouvements sociaux Répression - Justice - Prison

Ce mardi 4 juin, après trois ans de procédure, 20 camarades passent en procès au tribunal correctionnel de Rennes pour association de malfaiteurs, dégradation de bien publique en réunion et refus de signalétique.

  • CR d’audience

    Voici le résumé rapide de l’audience, dont nous produirons un récit détaillé et une analyse dans les temps à venir :

    ☞ Sur les conditions d’audience et les questions des magistrats :
    Fait inédit, le juge qui présidait l’audience (qui n’est autre que celui qui dirige la JIRS, juridiction spécialisée dans la délinquance organisée), a choisi de faire venir à la barre les inculpés en groupe par stations de métro pour les interroger.
    Face à des questions récurrentes sur leur attitude collective face à la police et la justice, ces derniers ont tous opposé un refus ferme lorsqu’on leur a demandé de justifier le fait de garder le silence, ou d’expliquer au tribunal leur situation sociale et personnelle actuelle.

    ☞ Sur le requisitoire du procureur :
    Ce dernier, manifestement très mal à l’aise, a tenté piteusement de justifier l’enquête préliminaire qui avait conduit aux arrestations. En désavouant régulièrement le travail des enquêteurs, il est même allé jusqu’à s’excuser des termes mobilisés dans la presse pour légitimer l’ouverture de l’instruction et la demande de placement en détention des mis en examen.
    Faute d’élément de personnalité (puisque les inculpés ont tous refusé de répondre aux questions sur leur profil) et compte tenu du casier vierge des prévenus, le procureur a requis une peine unique pour tous de 6 mois de prison avec sursis pour l’association de malfaiteurs et les dégradations.
    Pour le refus de signalétique (empreinte + ADN), le procureur a requis une peine d’amende proportionnelle aux revenus « dont chacun pourra se justifier ».

    ☞ L’avocat de Keolys, chargé de la partie civile, a réclamé un montant de 11750 euros : celui-ci comprenait un préjudice matériel de 8550 euros, un préjudice financier de 3200 euros, auxquels s’ajoute une demande de 4000 euros de frais d’avocat et de procédure engagés par la société.

    Les plaidoiries des cinq avocats se sont structurées autour de différents axes de défense :

    🛠 sur l’absence de responsabilité sous le chef d’association de malfaiteurs de la personne absente le jour de l’action

    🛠 sur la dimension politique et médiatique de l’affaire au sortir de la loi Travail, qualifiée de bulle judiciaire en décalage complet avec des revendications très classiques autour des transports gratuits

    🛠 sur le fait qu’il s’agissait de dégradations légères (une minorité de bornes auraient été endommagées, la plupart étaient justes désactivées au moment de l’intervention des forces de l’ordre). Cette requalification était d’une grande importance puisque la dégradation légère est de nature contraventionnelle, et ne pouvait donc valider l’association de malfaiteur qui ne s’applique que pour des délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement.
    D’autre part, il s’agissait d’une remise en cause complète de la demande de partie-civile complètement surévaluée : stations fermées pour réparer quelques bornes, calculs aberrants sur le préjudice financier lié à l’absence de validation des titres de transport alors qu’au moins une borne était opérationnelle partout…

    🛠sur la défense du droit au silence appliqué systématiquement par tous les inculpés, malgré les attaques constantes par les flics et les magistrats. Dans le même prolongement, il s’agissait de défendre fermement le refus de produire des informations de profils de la part des inculpés sur leur situation sociale, et de manière générale les pratiques de défense collective au tribunal.
    Cet axe de défense visait aussi à remettre en cause la forme « paramilitaire » et hiérarchisée de la prétendue association malfaiteur, qui serait dirigée par des leaders « dérangés psychologiquement et idéologiquement » au détriment de suiveurs fanatisés.

    🛠 sur l’impossibilité d’appliquer l’association de malfaiteur sur n’importe quelle pratique militante ou syndicale : alors même qu’il n’y aurait aucune preuve concrète sur des préparatifs matériels ou des réunions d’organisation, l’association de malfaiteurs (en plus des chefs d’inculpations classiques type dégradation) ne pourrait se justifier uniquement sur la base du caractère organisé et coordonné des actions.

    🚧 Après une heure de délibération, le verdict est tombé : à l’exception de la personne absente lors de l’action qui écope d’un mois de sursis pour refus de signalétique, l’ensemble des dix-neuf autres inculpés ont été condamnés à 4 mois de prison avec sursis pour association de malfaiteurs, dégradations en réunion de biens d’utilité publique. Ils ont été condamnés également pour refus de signalétique (excepté quelques uns qui avait donné leur ADN et/ou leurs empreintes), sous la forme d’une amende allant de 150 à 300 euros.

    La partie-civile, particulièrement mise à mal par une des avocats de la défense, a été réduite à 1600 euros à partager entre les dix-neuf personnes condamnées, à laquelle s’ajoute pour chacun 127 euros de frais de procédure et 80 euros pour les frais d’avocat de Keolys.

    On publiera prochainement une analyse plus détaillée de l’audience et de l’affaire en général.
    En attendant, on appelle à soutenir les inculpés qui avec courage et détermination, ont subi une procédure aussi coûteuse humainement, politiquement que financièrement :

    https://www.lepotcommun.fr/pot/oipubqtw

    Parce que se défendre, c’est être libre !

    La lutte continue !

  • Le Tribunal retient l’association de malfaiteurs pour 19 des 20 prévenu·es

    Tou·tes les prévenu·es ont écopé de prison avec sursis (entre 1 mois et 4 mois pour la grande majorité).
    Dix-huit d’entre eux·elles ont aussi des amendes à payer (de 150 ou 300 euros). Des peines qui sont en deçà des réquisitions du Ministère public qui dans l’après-midi, avait demandé 6 mois de prison avec sursis et des amendes proportionnées au revenu de chacun des prévenu·es.

    Le traitement de cette affaire et l’enquête menée en amont ont aussi été pointés du doigt, entre autres par Maître Maxime Gonache qui a parlé de "château de cartes policier". "On a un dossier d’abord initié sous une forme criminelle et dont la teneur est finalement assez légère, argumente dans ce sens Maître Delphine Caro, un des cinq avocats des vingt prévenus. "On a déployé des investigations énormes, fait des filatures, des mises sous écoute très impressionnantes pour quelques bornes de métro dégradées... Je ne dis pas que ce n’est pas grave, mais à mon sens, les moyens employés puis la saisine d’un juge d’instruction, avec commissions rogatoires pour finalement parvenir à une audience qui juge des jeunes gens libres, qui avaient juste un combat politique, ça semble très excessif."

  • L’affaire du métro en BD

    Pour rappel, avant le procès de mardi :
    L’affaire du métro en Bande Dessinée

PROCÈS DES 20 DU MÉTRO – CONTRE L’ASSOCIATION DE MALFAITEUR, UNE ARME DU POUVOIR CONTRE LE MOUVEMENT QUI S’ORGANISE

Ces inculpé.es sont ceux et celles qui depuis les assemblées générales de Rennes 2, l’assemblée générale Interprofessionnelle et l’assemblée de la Maison du Peuple occupée, ont pris part au mouvement contre la loi Travail au printemps 2016.
Lors d’une journée de blocage et de manifestation appelée par l’ensemble du mouvement, dix-neuf d’entre eux et elles avaient été arrêté.es par une horde de 70 flics de tous les services à l’aube du 19 mai 2016, alors qu’ils et elles participaient à une action pour les transports gratuits qui consistait à désactiver les bornes du métro. Un autre camarade avait été interpellé plus tard dans la matinée et placé en gav avec les autres.
Cette arrestation était censée être la conclusion d’une enquête préliminaire visant de prétendus « groupuscules d’ultra-gauche d’inspiration paramilitaire » (expression utilisée pour justifier le dossier). Cette enquête avait été lancée cinq jours plus tôt lors de la venue de Cazeneuve, ministre de l’Intérieur de l’époque, venu passer en revue ses troupes à Rennes pour mettre un terme au mouvement jugé trop débordant.
Obsédés par ce qu’ils percevaient comme une menace mortelle pour l’ordre public, les flics avaient utilisé des méthodes d’enquête comprenant tous les coups tordus disponibles : filatures, mouchards sur des voitures, mises sur écoutes téléphoniques et géolocalisations, et le placement sous surveillance des locaux de Solidaires 35 qui accueillaient alors les réunions du mouvement suite à l’expulsion de la Maison du Peuple.
A grand renfort d’allusion au terrorisme (on y parle de « réunions conspiratives », de « saboteurs du métro », de gens « fanatisés », « dérangés psychologiquement et idéologiquement »), cette affaire a été directement instrumentalisée par la préfecture et le procureur de la république dans une mise en scène dramatique qui visait à justifier l’ouverture d’une instruction sous un chef-d’inculpation aussi court que vraisemblable : " association de malfaiteur en vue de la préparation de crimes et de délits punis de 10 ans d’emprisonnement, notamment de la préparation de dégradations par moyens dangereux pour les personnes et de violence en bande organisée avec arme sur dépositaire de l’autorité publique ainsi que des infractions connexes de dégradations aggravées sur des biens d’utilité publique appartenant à une personne chargée d’une mission de service publique avec le visage dissimulé ".
Face au vide abyssal du dossier et au choix déterminé des arrêté.es de garder le silence face aux flics, les chefs d’inculpation ont rapidement dégonflé. La juge d’instruction avait été alors contrainte de relâcher les mis.es en examen en attente de leur procès, en leur infligeant au passage un contrôle judiciaire qui durera pour la plupart plus de 8 mois : interdits de manifester, d’avoir le moindre contact les un.es avec les autres, et assigné à résidence pour l’un d’entre eux, cette mesure était le moyen pour les juges de priver les inculpé.es de toute activité politique, et de rendre impossible l’organisation collective de leur défense.
Pour autant ils et elles n’ont cessé de se battre contre cette assignation judiciaire et suivant les recommandations diffusées très largement dans le mouvement, ils et elles ont choisi de garder le silence face aux juges et aux procureurs qui voulaient faire des inculpé.es des balances et des indicateur.trices contre le reste du mouvement. Et après huit mois d’enquête infructueuse, il et elles ont fini par être tou.tes libéré.es de leur contrôle judiciaire sans que personne d’autre ne soit mis en examen, renvoyant les enquêteurs face à la misère de leur dossier.
Trois ans plus tard, le ridicule de ce montage judiciaire pourrait prêter à sourire s’il ne s’agissait pas d’une nouvelle expérimentation visant à généraliser le délit d’association de malfaiteur contre l’ensemble des luttes sociales, parallèlement au traitement pénal extrêmement lourd infligé aux inculpés du quai de Valmy à Paris.
Dès la rentrée suivant la mobilisation contre la loi Travail, cette volonté s’est concrétisée par la circulaire du 20 septembre 2016 relative à la lutte contre les infractions commises à l’occasion des manifestation et autres mouvements collectifs : parmi les multiples recommandations pour optimiser la répression (usage systématisé du délit « d’attroupement en vue de… », formation spéciale des OPJ, mise à disposition de fiches d’interpellation et de JLD dédiés aux contrôles judiciaires de masse), celle-ci appelait à généraliser les associations de malfaiteurs (considérées comme “une incrimination qui peut s’avérer utile”) contre les actions de blocages et les manifestations, en prévision de l’expulsion de la ZAD et de la jungle de Calais.

Deux ans et six mois de révolte des gilets jaunes plus tard, ces associations de malfaiteurs et contrôles judiciaires sont devenus des outils employés massivement contre celles et ceux qui s’organisent dans la lutte comme à Paris, Marseille, Toulouse et Narbonne.
Avec les mêmes méthodes de surveillance et d’instrumentalisation, avec les mêmes privations de contacts et interdictions de manifester, le pouvoir judiciaire enlisé dans une masse gigantesque de procédures tente, tant qu’il le peut encore, d’écraser toutes les formes d’organisations qui composent aujourd’hui les mouvements hors des syndicats et des partis : assemblées, occupations, comités de mobilisation, commissions actions, ronds-points occupés…

Parce que ce procès est celui du mouvement en général, nous appelons à nous rassembler et soutenir :
– les inculpé.es qui continuent de se battre
– le droit au silence en garde à vue et face aux juges d’instruction
– l’amnistie pour tous les camarades incarcéré.es
– le combat contre les contrôles judiciaires comme sanction pénale en elle-même, comme privation de libertés fondamentales, de possibilité de lutter et d’organiser sa défense
– l’abandon du délit d’association de malfaiteur, qui peut être utilisé n’importe comment contre n’importe quelle forme d’organisation dans les mouvements
– La participation aux luttes sociales dont la gratuité des transports est une composante essentielle pour l’amélioration des conditions matérielles d’existence

RETROUVONS NOUS NOMBREUX DEVANT LA CITE JUDICIAIRE DE RENNES CE MARDI 4 JUIN A 12H30

Le comité de soutien aux inculpé.es du métro

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