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Le reporter, la juge, la députée, et les poulets enragés.

Rennes
Information - médias Répression - Justice - Prison

Un reporter photographe semble particulièrement gêner les forces de l’Ordre dans notre région. Les procédures à son encontre se multiplient, sous divers prétextes plus ou moins fallacieux. Nous focalisons sur l’audience de ce jour.

Il a d’abord été accusé de harcèlement (photographique) par les gendarmes de Paimpol, et consécutivement interdit de séjour dans sa ville natale, où il résidait,et sans même être jugé ni condamné. Puis à Rennes, où il s’était réfugié, il est accusé de « nuire à l’image de la police » par des membres de la compagnie départementale d’intervention, dont on connaît la haute valeur éthique. Poursuivant néanmoins ses reportages, le reporter est visible sur une vidéo lors d’une action de militant.e.s à la permanence de la députée Renaissance d’Ille-et-Vilaine, Laurence Maillart-Méhaignerie
Seul à ne pas être floutée et à visage découvert sur une vidéo de AB7 Média, il est mis en cause et la police lance un avis de recherche envers sa personne le 22 mars (sans pour autant chercher à le joindre) et l’arrête finalement le 5 avril à son véhicule, où il rentre pour dormir, comme souvent entre deux reportages. Les services de police disent avoir déployé des moyens considérables pour se saisir du suspect : bornage téléphonique, planque, etc. M.Tournemine ne se cachait pourtant pas. Tout le monde, y compris la police, pouvait le voir en ville ,notamment lors de ces reportages en manifestation. Sa page Facebook est publique et la police disposait de son numéro de téléphone pour le convoquer. Placé en garde à vue il est accusé d’avoir « ...usé de menace, de violences ou commis tout autre acte d’intimidation pour obtenir de Laurence Maillart-Méhaignerie personne investie d’un mandat électif public qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat... » chef d’accusation pouvant conduire à 10 ans d’emprisonnement. Il est menacé d’être placé en détention provisoire, mais finalement remis en liberté vendredi 7 avril au soir, grâce notamment à l’intervention de Me Kiwan , commise d’office, lors de sa GAV. L’avocate dispose de très peu de temps mais parvient toutefois à démontrer l’inopportunité de la détention provisoire réclamée par le parquet. Comme elle le rappelle alors, son client est présumé innocent même si les procédures s’accumulent contre lui, sans jugement.
Ayant finalement accepté d’être jugé en comparution immédiate sous la pression judiciaire, il comparaissait donc ce mardi 11 avril 2023. L’enjeu pour la défense était alors d’obtenir le report de l’audience pour disposer des délais suffisants à la préparation de sa défense.Il s’agissait aussi de demander la levée des interdictions innovantes, mais illégales ,dont son contrôle judiciaire faisait mention.
Le cabinet de Me Pacheu a accepté d’assurer sa défense et Me Hellio était présent au tribunal pour plaider. Sa surprise est grande en prenant connaissance de la nature des interdictions faites à son client. Une interdiction de manifester, sans précision de lieu ni de durée, alors que lieu et durée doivent être mentionnés comme les textes le prévoient. Et une autre interdiction, digne d’autres contrées, où il est mentionné qu’il lui est interdit « ...de se livrer à l’activité personnelle ou professionnelle suivante ; reportage et diffusion de photos et vidéos sur les réseaux sociaux. »

Comme le fera remarquer Me Hellio, les circulaires ministérielles sont lisibles dans l’acharnement de la procureure et dans la grande attention du tribunal portée à ce dossier. Le reporter est en effet soupçonné d’être l’auteur d’intimidation envers une élue de la République. Même si l’accusation ne tient guère debout, en réalité et en Droit, elle est suffisamment grave pour que la demande de mise en détention provisoire soit renouvelée. La procureure s’appuie sur l’enquête sociale biaisée à souhait, reprend des déclarations ambiguës de membres de sa famille, met en exergue des faits datant de l’adolescence du prévenu, Elle insiste aussi sur sa mobilité géographique qualifiée d’instabilité et sur ses activités professionnelle multiples (éducateur sportif, journaliste, travailleur saisonnier) pour le décrire comme « un marginal ».

Son argumentaire est démonté par Me Hellio et M.Tournemine lui-même. Son instabilité est surtout causé par les interdictions de séjours et de pratique professionnelle dont il fait l’objet. Il est bien présent à l’audience et ne fuit pas la justice comme le fait remarque son défenseur. Il ne l’a d’ailleurs jamais fait malgré des accusations mensongères de son point de vue, et des procédures renouvelées à son égard. D’autre part, en tant que correspondant de Ouest-France à Paimpol il a couvert de nombreuses manifestations, culturelles, sportives ou autres et ses rapports avec les élu.e.s du secteur sont excellents. La demande de placement en détention fait long feu. L’interdiction de photographier et de publier sur les réseaux sociaux ou ailleurs aussi. L’interdiction de séjour et de manifester est circonscrite à l’Ille-et-Vilaine.

Si la liberté de ce reporter, comme celle de la presse ont été à peu près préservées lors de cette audience, l’emploi de procédures baillons par les forces de l’Ordre à l’encontre de journalistes ou d’autres citoyen.ne.s est très inquiétante. Le soutien naturel de l’institution judiciaire aux démarches de la gendarmerie ou de la police assure que les poursuites soient effectives et nuisent aux prévenu.e.s, quand bien même elles n’aboutissent pas en général. Les contrôles judiciaires imposés aux personnes accusées s’appliquent en dépit de la présomption d’innocence. Ce sont des vies sociales, familiales et professionnelles empêchées, un véritable chantage : « soit tu t’écrases, soit, de toute façon, nous t’empêcherons de t’exprimer et t’éliminerons socialement ».

Ce sont des méthodes systématisées dans d’autres régimes. Dans notre 5 ème République, issue du gaullisme le plus bonapartiste et censeur, la liberté de la presse est sous surveillance et celle d’expression en liberté conditionnelle. Le parquet est lui aux ordres du ministère de la justice, quels que soient les faux-semblants, faisant ainsi fi de la séparation des pouvoirs. Cela ne date pas des gouvernements Macron, mais ce trait systémique semble se renforcer. Sans une mobilisation, à la fois des professionnel.le.s des médias, et des citoyen.ne.s, les liberté publiques sont en péril : limitées d’un côté par des pouvoirs économiques de plus en plus agressifs et procéduriers, et contraintes de l’autre, par un pouvoir politique tenté chaque jour un peu plus par l’autoritarisme le plus radical

P.-S.

Rendez-vous au plus tard le 11 mai à la cité judiciaire de Rennes, pour l’audience sur le fond. A savoir si un journaliste qui déplace une poubelle gênante lors d’un reportage, exerce oui ou non une menace contre une élue.

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