La Banque postale est-elle vraiment une « banque citoyenne », comme son slogan le laisse entendre ? Voyons la chose de plus près…
Créée en 2006, la banque postale est une filiale de La Poste, totalement privée. Le fonctionnement de La Banque Postale s’apparente à un prêt de main-d’oeuvre illicite. En effet, la Banque Postale a très peu de salariés mais se sert des guichetiers de La Poste, des postiers des 23 centres financiers (ex-centre de chèques postaux) et du réseau des 10 000 bureaux de Poste. Ainsi, voilà plus de 50 000 fonctionnaires et des salariés de La Poste qui travaillent « au nom et pour le compte » de la Banque Postale. C’est la formule employée par les dirigeants de La Banque Postale.
C’est à notre avis le seul exemple, dans l’hexagone, qui voit une filiale se servir des employés (et même des fonctionnaires) de sa « maison mère » pour fonctionner ! Mais, outre ce montage juridique très limite, la Banque Postale est-elle citoyenne comme elle le proclame ? Non ! Et trois fois non ! Parce que ses dirigeants segmentent sa clientèle, utilisent des fonds publics pour supprimer des bureaux et s’en prennent aux syndicalistes…
La segmentation de la « clientèle » selon la surface financière
Contrairement aux idées reçues, tous les clients de la banque postale ne sont pas traités de la même manière. Une fiche de procédure du 29/07/2016 stipule que les clients sont notés tous les mois de façon automatique puis regroupés par classe de notes. La note de service confidentielle est très explicative et très détaillée.
La clientèle est ainsi classée selon sa surface financière : MS1, MS2, MS3, MS4 puis en classe de 4 à 9... La note de service précitée indique, par exemple, que les demandes d’octroi de découvert ou de découvert exceptionnel émanant des « MS4 classe 4 » doivent être refusées systématiquement en amont, sans être étudiées. Même chose en matière de carte pour les MS4 classe 4 et 9. Quant aux réclamations (remboursement de frais, etc.), le traitement est priorisé en fonction de la catégorie. Les réclamations des clients MS1 (ayant du patrimoine) sont traitées avant les autres, les MS4 classe 9 pourront attendre parfois deux mois ! Qu’est ce que veut dire « MS » ? Cela veut dire « Modalité de service » ! C’est une appellation volontairement neutre pour masquer la segmentation.
Car tout cela est secret, confidentiel, et le client ne le sait pas ! Pourtant, ce même client aura payé le même montant de frais de gestion ou de tenue de compte !
Alors, citoyenne, la Banque Postale ? En réalité, très ségrégationniste
1,83 milliard d’argent public pour… supprimer des milliers de bureaux de poste
Pour s’acquitter de ses obligations de service public, la Banque Postale reçoit une compensation de l’État. Sur la base des chiffres présentés par la France à la Commission européenne pour la période 2015-2020, ce montant est de 1,83 milliard d’euros !
Ce serait la contrepartie financière de l’obligation de faciliter « l’accessibilité bancaire », précise la nouvelle convention applicable depuis le 1er janvier 2015. Or, en termes d’obligation, est indiquée l’obligation de maintenir une présence territoriale dans des zones où d’autres banques sont peu présentes, par exemple dans les zones périurbaines fragiles, afin de garantir l’accès au livret A.
Or, les patrons de la Banque Postale font l’inverse : à Rennes, par exemple, où 225 millions d’euros d’argent public ont été versés à la banque en 2016. Sur dix-neuf bureaux de Poste, six ont été supprimés cette même année (Hoche, Saint-Hélier, la Poterie, Danton, Coëtlogon, Oberthur). De 2017 à 2020, les patrons de La Poste envisagent de supprimer en Bretagne 270 bureaux sur 452 existant actuellement !
L’absence de « dialogue social » et la discrimination syndicale
Les patrons de La Poste et de la Banque Postale sont passés pour la plupart par tout ce que compte la France de banques et de sociétés d’assurances. Le PDG de La Poste, Philippe Wahl, vient de la Royal Bank of Scotland, qui a réussi l’exploit d’une faillite en 2008, avec un déficit de 45 milliards, lorsque ce monsieur était « super advisor ». Le PDG de la Banque Postale, R.Weber vient, lui, du CIC.
Il est évident qu’avec de tels dirigeants et de telles stratégies, les conflits sociaux se multiplient. Les CHS-CT des centres financiers ont diligenté de nombreuses expertises effectuées par des cabinets agréés par le ministère du travail et toutes révèlent que les risques psychosociaux sont élevés et s’aggravent à cause du management, de la hiérarchie, de l’intensification du travail, de la surveillance dont les salariés font l’objet. Ces conditions de travail ont d’ailleurs été à l’origine d’un suicide au centre financier de Paris, en 2013…
Et que font les dirigeants de cette « Banque Citoyenne » ? Rien ! Ou plutôt si ! Ils rivalisent d’ingéniosité pour gêner les instances des représentants du personnel. Au moins un directeur d’un centre financier est poursuivi pénalement par le CHS-CT pour entrave à son fonctionnement. Et pour couronner le tout, le Tribunal administratif de Rennes condamnait La Poste et la direction du centre financier de Rennes, le 2 mars 2017, pour discrimination syndicale envers le secrétaire départemental de Sud-PTT !
La Banque Postale n’a évidemment rien de « citoyen », pas plus que le Crédit agricole n’est « mutualiste » ou que la PBCE n’est « populaire ». Les dirigeants des banques ne sont pas des philanthropes. Ce qui les intéresse, c’est l’augmentation de leur PNB (produit net bancaire) et du coefficient d’exploitation.
Dans un monde surbancarisé, les dirigeants des banques, dans leur totalité, se retrouvent pour contourner les règles légales et alimenter le shadows banking (la banque de l’ombre représente 100 000 milliards de dollars) et les paradis fiscaux.
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